Monsieur le ministre, chaque crise majeure que traverse notre société nous conduit à repenser l’efficacité de l’État. À cet égard, les Lettres sur la réforme gouvernementale de Léon Blum en 1918 sont sans nul doute un exemple des plus significatifs.
La catastrophe sanitaire que nous traversons et la crise économique et sociale que nous devrons surmonter au cours des prochaines années n’échappent pas à la règle. La crise agit en effet comme un révélateur de dysfonctionnements, de rigidités, supportables par le passé, anachroniques aujourd’hui, mais aussi de solutions qui s’imposent à nous et méritent d’être pérennisées.
Souvenons-nous, mes chers collègues, au mois de mai 2020, au sortir du premier confinement, le Président de la République, comme le Premier ministre, identifiait un couple maire-préfet de département, capable non seulement d’assurer de concert la scolarisation des enfants de soignants, de fournir des masques, d’organiser une aide concrète pour les citoyens isolés, mais aussi de prendre part à des décisions locales de confinement et de couvre-feu.
Ce binôme s’est imposé par temps d’urgence comme un outil plus opérationnel, attestant d’une décentralisation et d’une déconcentration de fait.
Monsieur le ministre, au quotidien, c’est bien au maire et aux conseillers départementaux que les concitoyens s’adressent pour obtenir des réponses concrètes, de même que c’est le préfet que les élus interrogent pour obtenir des réponses et prendre les décisions locales qui s’imposent. À l’instar des élus, le préfet est un interlocuteur naturel, fin connaisseur des territoires, des leviers et des difficultés de proximité.
Plus encore, le couple maire-préfet contribue, par ses réponses à nos concitoyens, à faire accepter, bon an mal an, des mesures de restriction sanitaires.
Aussi, nous pensons qu’il est désormais temps que cette décentralisation de fait puisse être pleinement légitimée et, de ce fait, améliorée, généralisée ou adaptée à l’ensemble de nos territoires. Notre droit est-il à la hauteur de cette décentralisation ?
Chacun ici a en mémoire l’article 72 de la Constitution : « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. »
Si, comme le Président de la République l’a déclaré, nous sommes en état de guerre sanitaire, alors les intérêts nationaux commandent bien la mobilisation supplémentaire et élargie des préfets de département. Toutefois, les capitaines, si près du front, sont parfois loin des états-majors.