Nous sommes très heureux d'accueillir Madame la Présidente de France Urbaine, une association extrêmement importante pour sa représentation géographique mais aussi pour nos réflexions sur l'organisation territoriale. Je salue également Mme Dominique Riquier-Sauvage et M. Yann Lasnier, membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et rapporteurs sur le rapport « Les métropoles, apports et limites pour le territoire ».
Depuis janvier 2020, le Sénat a engagé, à l'initiative du Président de la République, après le grand débat qui a suivi le mouvement des Gilets jaunes, une réflexion sur les évolutions potentiellement nécessaires de l'organisation territoriale. À l'époque s'était exprimé le sentiment que le formatage qui avait prévalu lors des lois territoriales n'était pas forcément le garant de l'efficacité et qu'il fallait oeuvrer à partir de l'intelligence territoriale. Le Sénat a constitué un groupe de travail réunissant l'ensemble des groupes politiques et a émis 50 propositions en faveur des libertés locales. Ces propositions ont été remises au Président de la République et ont obtenu l'assentiment de l'association Territoires unis, qui rassemble l'Association des Maires de France, l'Assemblée des Départements de France et Régions de France. En parallèle, le Gouvernement a annoncé son souhait de prendre en compte cette demande de souplesse avec l'élaboration d'une loi dite « 3D ». Aujourd'hui, nous sommes en attente de la présentation de ce texte et de son inscription au calendrier législatif.
Le Sénat, Chambre des territoires, a poursuivi sa mission par l'adoption de deux propositions de loi : une proposition de loi constitutionnelle qui inscrit le principe « qui décide paie » dans les transferts de compétences, et une proposition de loi organique. Nous lançons également une consultation auprès de tous les élus locaux sur nos 50 propositions et nous poursuivons notre dialogue avec l'ensemble des partenaires et acteurs de cette réflexion sur les besoins d'évolution de notre organisation territoriale qui ne parle parfois qu'aux initiés que nous sommes. Dans cette démarche, nous sommes guidés par l'objectif d'efficacité de l'action publique. La crise sanitaire a montré dans de nombreuses situations qu'il était nécessaire d'avoir un État puissant et fort, centré sur ses compétences régaliennes, mais que le « dernier kilomètre » ne pouvait être effectué que par des collectivités agiles, souples et très réactives.
Nous savons que le Conseil économique, social et environnemental a lui aussi beaucoup réfléchi sur le sujet des métropoles. Votre rapport en est l'illustration. La délégation a pour mission de défricher les sujets, d'explorer toutes les pistes. La question de l'organisation territoriale n'est pas une question simple. Elle peut varier selon le territoire, la géographie et nous ne pouvons pas la définir grâce à un modèle mathématique unique. Les métropoles ont été créées initialement pour répondre à un besoin d'efficacité économique dans un modèle où la performance nécessitait la taille. Cette définition a beaucoup évolué par la suite et il ne reste aujourd'hui qu'une vingtaine de métropoles très différentes les unes par rapport aux autres.
Cette situation soulève plusieurs questions. La gouvernance des métropoles permet-elle d'assurer un fonctionnement harmonieux entre les communes ? Un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) peut être considéré comme un outil de coopération permettant aux communes de faire ensemble ce qu'elles ne peuvent pas faire seules ou comme un outil d'intégration. La métropole représente une catégorie un peu particulière d'EPCI, puisqu'elle a été construite comme un avion de chasse pour être performante dans une compétition internationale, mais elle est parfois transformée en avion-cargo, lorsqu'elle doit gérer la voirie. Comment la gouvernance peut-elle s'organiser face à cette complexité des missions ?
Quel est, par ailleurs, votre point de vue sur la différenciation géographique de l'exercice des compétences qui pourrait se créer au sein des métropoles, des régions ou des départements ? Est-il indispensable que la métropole exerce la compétence de la même manière sur l'ensemble de son territoire ? Ne faudrait-il pas différencier l'exercice en fonction des besoins spécifiques ? Une compétence doit-elle s'exercer dans la totalité de son acception ou devons-nous définir cet exercice à partir d'un intérêt métropolitain ? Surtout, quel est le lien entre la métropole et son hinterland ? La métropole est-elle un levier de développement ou, comme certains le disent, un « outil d'asphyxie des territoires voisins » ? N'existe-t-il pas un besoin de coordination et d'articulation des territoires ? Ne faut-il pas faciliter les coopérations et les accords de réciprocité ?
Nous ne sommes pas désireux de proposer un nouveau big bang territorial. Nous émettons même un certain nombre de critiques sur le big bang provoqué par toutes les lois successives, mais nous ne prétendons pas détenir la vérité. Une organisation existe. Nous ne pouvons pas passer notre temps à la monter et la démonter. Pour autant, nous pensons qu'il faudrait peut-être donner de la respiration, permettre plutôt que d'imposer et faciliter ce que nous appelons la différenciation et la déconcentration. La crise sanitaire l'a bien montré.