France Urbaine abrite aujourd'hui 29 pôles métropolitains et je partage totalement votre analyse sur la question du périmètre de projet. Il me paraît essentiel de déterminer le bon périmètre à chaque projet pour ne pas se placer dans une logique strictement mathématique ou institutionnelle. Une question peut se poser dans nos pôles si nous voulons continuer à nourrir cette alliance des territoires que j'appelle de mes voeux : nos pôles métropolitains ont-ils vocation à se maintenir à leur échelle actuelle ? Devons-nous réfléchir à l'intégration de villes moyennes ? Nous pourrions engager une réflexion collective pour passer une étape supplémentaire dans cette logique de coopération gagnant-gagnant.
La question de la culture peut être évoquée à l'échelle des métropoles ou des pôles métropolitains, que ce soit sur la coopération de nos opéras ou sur le parcours touristique Nantes-Rennes-Mont-Saint-Michel-Saint-Malo. Cela fait partie là aussi de la réflexion à mener sur le bon périmètre de projet.
La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a acté le fait que le développement économique constituait une compétence partagée entre les métropoles et les régions. Il me semble impératif de conserver cette avancée législative. En outre, le redécoupage des régions, qui a créé de grandes régions dans un certain nombre d'endroits, rend d'autant plus nécessaire le maintien de ce leadership partagé si nous voulons mener des stratégies à la fois offensives sur le champ économique et ancrées dans la réalité économique de nos territoires. La question se pose ensuite de la capacité à faire ensemble. Lorsque Bruno Retailleau était président de région, bien que nos orientations politiques soient très différentes, nous avons su définir ensemble les filières d'excellence de développement économique métropole-région. Garder ce leadership partagé me paraît absolument essentiel pour conserver une forme d'agilité. À défaut, nous retrouverons peu ou prou des logiques de bureaucratisation qui ne serviront pas l'efficacité du développement économique.
Même l'État peut avoir tendance à oublier cet élément. Ainsi, dans le plan de relance, lorsque l'État n'a mis autour de la table que les régions pour aborder le volet économique, il n'a respecté ni la lettre ni l'esprit de la loi NOTRe. Or seules les métropoles sont sorties des échéances électorales et sont prêtes à investir pour contribuer à la relance alors que les départements et les régions entrent en année d'échéances électorales. Le redécoupage en grandes régions valide d'autant plus la question du leadership partagé sur le champ du développement économique. À défaut, la bureaucratisation prendra le pas sur l'efficacité de l'action.
La question des périmètres est assez peu présente dans nos échanges pour l'instant. L'heure est plus aux coopérations entre nos territoires. Il ne faudrait cependant pas oublier la part d'habitants qui vivent aujourd'hui dans les villes et métropoles. France Urbaine couvre ainsi 37 millions de Français. Les chiffres ne sont pas neutres.
Je crois que la République est une et indivisible, mais que la situation diffère entre les départements selon qu'ils comptent ou non des métropoles. L'action publique ne s'exerce pas de la même manière. D'un point de vue démocratique, le rôle d'un conseiller départemental n'a pas la même visibilité lorsqu'il est adjoint au maire et élu d'une métropole ou lorsqu'il vient d'un territoire qui ne présente pas cette double dimension. Lorsque le Gouvernement avait proposé la fusion entre métropole et département pour les cinq plus grandes métropoles, je n'avais pas retenu cette option, considérant que le vieil adage « plus vous avez de bataillons, plus vous avez de pouvoir » ne s'appliquait pas forcément aux enjeux contemporains. Nos métropoles ont besoin de garder de l'agilité.
Si nous voulons que les métropoles deviennent ces phares qui travaillent en résonance avec les uns et les autres, je doute que l'absorption de tous les professionnels de l'action sociale du département soit pertinente. Sur notre territoire, nous avions déjà intégré les compétences tourisme. Là encore, les réalités sont diverses. En revanche, je pense que des clarifications peuvent être apportées ici ou là. Certains présidents de métropole témoignent du fait que les enjeux de pouvoir entre métropole et département s'opposent aux logiques d'intégration plus forte entre métropole et communes. Il faudra assumer cette réalité et chercher à la dépasser. Sur le champ de l'action sociale, nous ne pouvons plus avoir des grandes villes avec de grands centres communaux d'action sociale (CCAS) et des départements avec des centres médico-sociaux (CMS) : la question du guichet unique pour l'usager doit se poser.
Sur la solidarité financière, des choix sont également possibles. Sur Nantes, nous avons conçu la dotation de solidarité communautaire de façon à accorder une sorte de prime aux petites communes pour renforcer la péréquation. Les instruments existent, il faut trouver la manière de s'en saisir.
Enfin, sur le phénomène de « dé-métropolisation », je crois qu'il faut tenir compte de la réalité sociale : tous les Français ne peuvent pas quitter les métropoles pour une maison avec jardin. Pour l'instant, nous ne constatons pas cette fuite. Je continue d'ouvrir des classes chaque année, la ville de Nantes gagnant 4 000 habitants par an. Je reste donc prudente sur ces effets annoncés que nous ne percevons pas totalement à ce stade. En outre, nos métropoles couvrent 2 % du territoire français, ce qui constitue une chance pour la transition écologique dans notre pays. Certes, la densification soulève des questions et il apparaît nécessaire de construire autrement. Pour autant, la transition écologique et l'étalement urbain ne vont pas de pair.
Sur ces sujets, nous pourrions imaginer que les principales ressources fiscales des villes ne viennent pas uniquement des zones d'activité économique. Si nous voulons donner de la valeur aux enjeux de transition écologique, il faudrait peut-être accorder aux terres réservées à la dimension naturelle une valeur économique ou fiscale sans pour autant pénaliser les communes. Il me semblerait en tout cas intéressant de travailler ensemble sur ce changement de paradigme. Les enjeux de transition écologique plaident fortement en faveur de cette alliance des territoires. 70 % des populations habitent dans les villes aujourd'hui et ce phénomène mondial va se poursuivre. Les métropoles ne doivent pas se préoccuper que de leur internalité écologique, elles doivent aussi se poser la question de leurs externalités.