Intervention de Hervé Gillé

Réunion du 25 mars 2021 à 14h30
Veolia-suez : quel rôle doit jouer l'état stratège pour protéger notre patrimoine industriel — Débat organisé à la demande du groupe socialiste écologiste et républicain

Photo de Hervé GilléHervé Gillé :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’OPA se voulait amicale, mais les hostilités ne cessent pas, dans un contexte pandémique provoquant des incertitudes financières. Était-il vraiment opportun pour le groupe Engie de vendre ses participations dans Suez ?

Le Gouvernement a, semble-t-il, désapprouvé ce mouvement dans un premier temps, alors que la Caisse des dépôts et consignations (CDC) a salué, par la voix de son directeur général, une « OPA amicale », rompant ainsi avec sa neutralité classique. Faut-il le rappeler ? La CDC pèse 10 % des droits de vote au sein de Veolia. Pourtant, son conseil de surveillance n’a pas donné son avis sur cette opération.

Toujours est-il que les 18 euros de l’offre d’achat initiale sont désormais le niveau atteint par l’action de Suez, ce qui laisse rêveur quant aux dernières spéculations.

En raison de l’ampleur de cette OPA, la commissaire européenne à la concurrence est désormais saisie, en relation avec l’Autorité de la concurrence de notre pays. Il faut en effet en interroger les effets collatéraux, notamment sur le marché français. Collectivités locales et territoriales, syndicats, régies font maintenant face à l’incertitude sur les évolutions et les dévolutions du marché.

La séquence pose question pour de nombreux décideurs. Elle crée, sans aucun doute, un appel d’air sans précédent pour les concurrents intermédiaires, soucieux de peser davantage et dans l’attente de cessions d’actifs imposées par les autorités.

Il est difficile de percevoir le véritable projet industriel de Veolia. Nos auditions dans le cadre d’un comité de suivi sur les conséquences économiques et environnementales de la fusion entre Veolia et Suez n’ont pas permis, en l’état, de mettre en évidence un risque concurrentiel des opérateurs chinois à l’international et encore moins sur le marché français.

À l’inverse, la séquence renforcera la financiarisation des deux opérateurs, alors qu’il faudrait un ancrage actionnarial portant une vision à long terme. Le risque de l’entrée de fonds activistes et purement spéculatifs est réel et inquiétant.

Engie aurait pu développer des coopérations industrielles mariant des compétences énergétiques et environnementales en travaillant sur la numérisation des données dans une approche de smart city très attendue. Le groupe a préféré vendre, une stratégie peut être plus politique qu’industrielle.

Quelles seront les incidences de ces évolutions sur l’ensemble des usagers, sur les collectivités locales et territoriales et sur les syndicats ?

Prenons un exemple en tenant compte des concentrations actuelles. En remportant la délégation du service public pour la gestion de l’ensemble des incinérateurs de la métropole bordelaise, Veolia a implicitement créé un différentiel de prix important entre la métropole et le reste du département, dans un marché captif en raison de l’absence de concurrence. À l’heure des coopérations territoriales, c’est un exemple provocant.

Suez multiplie aujourd’hui les projets de cessions ; Veolia y voit une volonté d’amplifier les dividendes pour consolider sa majorité et sa gouvernance dans la tempête actuelle, mais ni les usagers, ni les collectivités, ni les salariés n’en sortiront gagnants.

Il faut siffler la mi-temps, mais comment finir le match ? Monsieur le ministre, le souhaitez-vous ? En avez-vous les moyens ?

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