Intervention de Bruno Le Maire

Réunion du 25 mars 2021 à 14h30
Veolia-suez : quel rôle doit jouer l'état stratège pour protéger notre patrimoine industriel — Débat organisé à la demande du groupe socialiste écologiste et républicain

Bruno Le Maire :

Je suis heureux de l’entendre dire !

Dans certains cas, l’État ferait mieux de défendre l’intérêt général en dehors des entreprises plutôt que l’intérêt général dans les entreprises, sauf pour des services publics ou certaines entreprises stratégiques.

C’est la position constante que je défends depuis quatre ans que je suis ministre de l’économie, des finances et de la relance et cette affaire n’a fait que me conforter dans cette conviction que l’État a sa place dans les grands services publics et dans quelques entreprises stratégiques.

Pour le reste, je le répète, l’État se retrouve très vite juge et partie. Devant défendre son intérêt patrimonial et l’intérêt général, il est déchiré entre deux obligations contradictoires. La meilleure façon de trancher ce nœud gordien, c’est d’accepter que l’État se retire des participations dans les entreprises qui ne sont pas stratégiques.

Cela ne l’empêche pas de jouer un rôle important dans notre économie et dans l’industrie, bien au contraire. Cette crise économique a montré que nous avions besoin d’un État fort et responsable dans le domaine économique, pour fixer des orientations, pour garantir l’attractivité de notre territoire, pour faciliter le financement de l’innovation et de la recherche qui fera la puissance de la nation française et de l’Europe au XXIe siècle.

De ce point de vue, je tire quatre leçons de la crise actuelle pour la définition de la place de l’État dans l’économie.

La première responsabilité de l’État est de faire en sorte que la France soit attractive pour les investisseurs étrangers dont dépendent nombre d’emplois.

Toutes les décisions que nous avons prises – baisse de l’impôt sur les sociétés, baisse de l’impôt de production, indispensable pour l’attractivité industrielle du pays –, tous les choix que nous avons faits avec le Président de la République depuis 2017 nous ont permis de devenir le pays le plus attractif pour les investissements étrangers en Europe. C’est un bon résultat. C’est à l’État, et à l’État seul, qu’incombe la responsabilité de rendre la nation française attractive.

La deuxième fonction de l’État, et elle est vitale au lendemain de cette crise où les innovations technologiques vont s’accélérer, est de financer les investissements dans l’innovation, de faire le choix des innovations de rupture, de soutenir sans cesse l’investissement, l’investissement et toujours plus d’investissement.

Ainsi, le maintien du crédit d’impôt recherche (CIR), le soutien à la recherche fondamentale, l’identification des chaînes de valeur, qui est venue non pas d’en haut, car nous ne sommes plus dans les années 1960, mais des chercheurs, des industriels, des économistes, de ceux qui sont au plus près du terrain et des attentes des consommateurs, nous ont permis de définir un certain nombre de nouvelles filières dans lesquelles la France va investir : l’hydrogène, le calcul quantique, les biotechnologies, l’agroalimentaire, les batteries électriques. Il s’agit pour nous de conserver la valeur issue de la production de véhicules électriques en France, plutôt que de la laisser partir à l’étranger, en Asie ou ailleurs. Encourager l’innovation, soutenir l’investissement, c’est pour moi la deuxième fonction essentielle.

La troisièmement mission de l’État, c’est la défense d’un modèle social auquel nous sommes attachés. Cette singularité française s’appelle les services publics et ils sont une fierté de notre pays. Avoir un grand service public ferroviaire, un grand service public de l’électricité, avec EDF, c’est une fierté française. §Cessons de considérer que ces services publics seraient un poids pour notre pays. Ils sont au contraire, à mon sens, un atout, un facteur d’attractivité et un garant d’efficacité.

Cela justifie d’ailleurs que nous ayons déployé plus de 4, 5 milliards d’euros dans le plan de relance pour la SNCF. Selon moi, il s’agit d’un bon investissement et c’est pourquoi nous négocions pied à pied avec la Commission européenne une réforme d’EDF qui maintienne l’unité de cette grande entreprise énergéticienne.

Je veux le dire à cette tribune avec beaucoup de force : nous refuserons tout démantèlement d’EDF. Nous voulons la transformer pour qu’elle investisse davantage, notamment dans les énergies renouvelables, et cela peut se faire en maintenant l’unité du groupe. Avec le Président de la République, c’est notre ambition.

Enfin, la quatrième responsabilité de l’État, c’est de protéger : protéger nos technologies, nos savoir-faire, notre indépendance. Ne soyons pas naïfs sur le monde dans lequel nous entrons. Les investissements sont parfois des investissements de pillage et non de développement.

Les investissements de développement, ceux qui créent des emplois sur notre territoire, qui permettent de développer nos entreprises, d’accroître l’activité sur les territoires, sont les bienvenus en France. En revanche, les investissements de court terme qui s’intéressent uniquement à une technologie dans une PME ou une entreprise de taille intermédiaire (ETI) française, pour se l’approprier puis se retirer au bout de quelques mois ou de quelques années, ne sont pas les bienvenus. Ce sont des investissements de pillage et nous les refusons.

Nous avons utilisé le décret relatif aux investissements étrangers en France à 275 reprises en 2020, précisément pour stopper ces investissements et protéger nos technologies. Je me réjouis que l’Union européenne, à son tour, ait pris conscience de cette nécessité et avancé dans cette voie.

Telle est, mesdames, messieurs les sénateurs, l’idée que nous nous faisons de l’État dans l’économie. Il a un rôle essentiel à jouer, mais celui-ci doit être clairement défini : créer un environnement favorable à l’investissement, encourager l’innovation, préserver nos services publics, protéger nos technologies de pointe. Voilà ce à quoi je m’attache depuis près de quatre ans.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion