Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, nous examinons aujourd’hui, en deuxième lecture, la proposition de loi de notre collègue Annick Billon visant à mieux protéger les mineurs des crimes sexuels.
Le 21 janvier dernier, nous adoptions à l’unanimité ce texte, qui prévoyait initialement d’introduire au sein du code pénal un nouveau crime autonome, puni de vingt ans de réclusion criminelle et caractérisé par « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit […], commis par une personne majeure sur un mineur de 13 ans […] ».
Pour la première fois, au-delà des clivages qui traversent notre assemblée, nous inscrivions dans la loi un seuil d’âge de non-consentement, 13 ans à l’origine, afin de criminaliser tout acte de pénétration sexuelle commis par un adulte sur un enfant.
Lors de son examen à l’Assemblée nationale, cette proposition de loi a fait l’objet de modifications importantes que nous tenons à saluer.
Nous avons tous à l’esprit les innombrables témoignages, de personnalités publiques ou d’anonymes, qui ont contribué à lever le tabou autour de l’inceste et à enfin libérer la parole des victimes.
En y intégrant un crime de viol incestueux et un délit d’agression sexuelle incestueuse, ce texte met fin aux lacunes de la loi sur ces actes et à notre aveuglement collectif sur ce que vivent 10 % des enfants, bien souvent livrés à eux-mêmes et contraints au silence.
En vertu de cette proposition de loi, l’inceste constitue désormais une infraction spécifique, assortie de sanctions propres, et non plus uniquement une surqualification pénale. Tous les mineurs jusqu’à 18 ans seraient protégés par ces nouvelles dispositions.
Je m’en réjouis, car, non, il n’existe pas d’inceste consenti ou « heureux » ; il s’agit toujours d’un calvaire qui hante les victimes, parfois tout au long de leur vie.
L’article 1er, au cœur de cette proposition de loi, a donc été récrit. Un interdit est désormais posé à 15 ans, ce qui conduit à ne plus interroger le consentement du mineur en dessous de cet âge. Il s’agit ici d’une avancée majeure unanimement saluée.
Ce texte pose un principe clair : en dessous de 15 ans, c’est non !
Il était toutefois nécessaire d’apporter un aménagement pour éviter de criminaliser les amours adolescentes, qui existent et, nous le savons, continueront d’exister dans notre société. Ce texte prévoit donc désormais quatre infractions nouvelles qui ne nécessitent pas d’établir une violence, contrainte, menace ou surprise, allant ainsi dans le sens d’une meilleure protection des mineurs. Cet enrichissement, salué par tous, démontre la capacité de nos assemblées à surmonter ses oppositions lorsque l’intérêt général, et surtout celui de nos enfants, est en jeu.
Nous saluons également la création, par voie d’amendement, du délit de « sextorsion », lorsqu’un majeur incite un mineur, sur les réseaux sociaux, à commettre un acte de nature sexuelle sur lui-même ou sur un tiers, y compris si cette provocation n’est pas suivie. Ce nouveau délit tend à prendre en compte l’évolution des rapports et l’appétence des jeunes, parfois des très jeunes, pour les réseaux sociaux. Grâce à ce délit de « sextorsion », le droit s’adapte à l’apparition de nouvelles formes de criminalité en ligne dont les mineurs sont victimes et qui conduisent bien souvent à des drames.
Enfin, cette proposition de loi crée un mécanisme de prescription prolongée dans le cadre de crimes sériels. Sur proposition du garde des sceaux, un deuxième mécanisme a été introduit visant à ce qu’un acte interruptif de prescription puisse prendre effet non seulement dans l’affaire considérée, mais également dans les autres procédures dans lesquelles serait reprochée, au même auteur, la commission d’un autre crime ou délit sur mineur.
À titre personnel, je souhaite que nous ayons un débat sur l’existence même du délai de prescription pour les actes sexuels commis sur des mineurs.
Pour conclure, je tiens à saluer le travail de notre collègue Annick Billon. L’adoption, je l’espère, de ce texte, aboutira à une meilleure protection des mineurs.
Je remercie également la rapporteure Marie Mercier, dont les amendements ont permis de renforcer juridiquement cette proposition de loi.
Je remercie enfin le Gouvernement pour les concertations qu’il avait annoncées dans notre hémicycle et qui ont été menées pour faire évoluer ce texte.
Pour ces raisons, le groupe RDPI votera cette proposition de loi.