La commission des lois du Sénat, par la voix de sa rapporteure, a souhaité retoucher le texte issu de l’Assemblée nationale. Ses amendements ont pour but non pas de remettre en cause les grands équilibres trouvés, mais de nous assurer de sa cohérence juridique. Il y va de la protection des victimes.
Nous nous devons d’apporter une réponse pénale ferme et adaptée à ce qui relève d’un phénomène de masse : 60 % des victimes de violences sexuelles sont des enfants. Et, alors que les victimes de viol sont au nombre de 300 000 chaque année, seuls 0, 3 % des violeurs sont condamnés.
Pendant trop longtemps, nous avons fait preuve d’impuissance, voire d’incurie, dans le traitement de ce fléau.
Sur les violences sexuelles sur mineurs, spécifiquement dans le cadre intrafamilial, nous avons été frappés de cécité. Et pour cause, nos sociétés ont érigé depuis plusieurs siècles le foyer en sanctuaire : difficile, alors, d’appréhender les atrocités étouffées qui peuvent se jouer dans le huis clos familial.
Il aura fallu plusieurs étapes, plusieurs lois, plusieurs ouvrages, plusieurs témoignages pour que la parole se libère massivement, mais aussi et surtout pour que l’on entende enfin la voix de ces enfants.
À présent, ces agissements seront qualifiés et reconnus dans le code pénal comme des infractions spécifiques. Celles-ci porteront les noms de « viol sur mineur » », « viol incestueux », « agression sexuelle sur mineur » et « agression sexuelle incestueuse ».
Nos collègues députés ont introduit des dispositions nouvelles, sur l’inceste, tout d’abord.
Désormais, l’inceste est reconnu comme une infraction spécifique et puni à hauteur de sa gravité lorsque la victime est mineure.
Les députés ont également opté pour le relèvement de 13 ans à 15 ans du seuil à partir duquel tout rapport sexuel entre une personne majeure et un mineur est un crime. J’avais initialement fait le choix de poser cet interdit à 13 ans et, avec la commission des lois, de renforcer la protection des adolescents âgés de 13 ans à 15 ans.
Avec le texte qu’elle a voté, l’Assemblée nationale a pris une autre voie : un interdit à 15 ans assorti d’exceptions visant notamment à tenir compte des amours adolescentes, un écart d’âge de cinq ans étant prévu.
Nous sommes animés par un objectif commun, celui de mieux protéger nos enfants face aux agresseurs sexuels. Et, si je reconnais la portée symbolique de ce seuil fixé à 15 ans, je reste cependant convaincue que le dispositif initial avait pour lui l’avantage de la clarté et celui de la sécurité juridique et constitutionnelle. Ce dispositif avait malheureusement été mal compris au moment de son adoption, et des interprétations erronées et abusives avaient prospéré, déduisant à tort que le Sénat avait abaissé l’âge du consentement à 13 ans.
L’Assemblée nationale a également précisé l’apport du Sénat en matière de prescription. La prescription glissante proposée par le Gouvernement donnera la possibilité à celles et à ceux qui n’ont pas pu ou pas voulu parler de confondre leur agresseur, ce qui rendra possible la réhabilitation de ces victimes qui, craignant que leur parole ne les livre à plus de violences que de justice, se sont murées dans le silence.
Ce texte apporte des avancées majeures et attendues, car il entérine un virage décisif dans la manière d’appréhender les violences sexuelles sur les mineurs.
À présent, un enfant ne sera plus jamais considéré comme complice ou complaisant à l’égard des actes sexuels qu’un adulte commet sur lui. Ce changement de paradigme est fondamental dans la reconstruction future des enfants : en reconnaissant intégralement leur qualité de victime, la justice les libérera du poids d’une culpabilité éprouvée à tort.
Mes chers collègues, en 2018, à l’occasion du vote sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, j’avais, devant cette assemblée, posé la question suivante : les dispositions proposées permettront-elles réellement de protéger nos enfants contre les prédateurs sexuels et d’en finir avec l’impunité des agresseurs ? Je n’en étais pas convaincue.
Aujourd’hui, je me félicite de ce que vous permettiez à cette proposition de loi d’atteindre pleinement cet objectif. C’est une étape majeure qui est franchie. La prévention et la formation doivent désormais s’ajouter au droit pour éradiquer ces violences inacceptables.