Intervention de Jacky Deromedi

Réunion du 25 mars 2021 à 14h30
Protection des mineurs contre les crimes et délits sexuels et l'inceste — Adoption en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jacky DeromediJacky Deromedi :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes réunis une nouvelle fois cet après-midi pour étudier la proposition de loi de notre collègue Annick Billon, après son examen en première lecture à l’Assemblée nationale.

Nul besoin de souligner ici l’importance du sujet, tant l’actualité nous rappelle, presque chaque semaine, que des enfants ont souffert, souffrent, et risquent de souffrir encore si rien ne change.

C’est l’honneur du Sénat que d’avoir mis à l’agenda politique, par le biais de cette proposition de loi, la question d’une révision de notre droit en matière de crimes sexuels sur mineurs. Nous en avons collectivement fait le constat : si la dernière réforme date de 2018, elle ne résout pour autant pas l’ensemble des problèmes que la libération de la parole des victimes et celle, non moins importante, de l’écoute qui leur est accordée ont contribué à mettre au cœur des priorités politiques.

Les débats en première lecture ont été riches et, me semble-t-il, la navette parlementaire a rempli son office. La preuve en est que le Gouvernement a décidé de reprendre le texte issu du Sénat pour faire aboutir la réforme – il nous faut le souligner.

Nous le savons : l’Assemblée nationale a décidé de fixer le seuil de non-consentement à un rapport sexuel avec un mineur à 15 ans, contre 13 ans proposés par le Sénat. Nous ne nous opposerons pas à ce nouveau seuil, même si les retours du terrain nous font craindre une application juridique plus complexe pour les professionnels concernés.

Je tiens ici à rappeler, à rebours des mauvaises polémiques suscitées lors du vote du texte en première lecture, que le Sénat n’avait décidé de fixer le seuil de non-consentement à 13 ans que dans le but d’éviter une censure du Conseil constitutionnel. Nous avons jugé, en conscience, qu’une telle censure aurait constitué un signal extrêmement déplorable pour les victimes, qui sont en attente d’un cadre plus protecteur.

L’introduction, au cours de la navette, de la « clause de Roméo et Juliette », doit permettre d’éviter une telle censure. Il s’agit de prendre en compte dans notre droit ce qui peut être qualifié d’« amours adolescentes » caractérisées par un faible écart d’âge entre une personne mineure et une personne majeure.

Avec l’adoption de ce texte, les choses seront donc claires : toute relation sexuelle entre un majeur et un mineur de 15 ans sera considérée comme un viol.

Dans le cadre d’une relation intrafamiliale, tout acte sexuel commis sur un mineur par un proche ayant une autorité de droit ou de fait sera désormais qualifié de viol incestueux.

Le débat parlementaire n’a pas seulement permis de modifier des curseurs d’âge, si importants soient-ils. Sur notre initiative, complétée par le travail de l’Assemblée nationale, il a également permis de préciser notre droit, ainsi rendu plus proche de la réalité que vivent encore de trop nombreuses victimes.

C’est ainsi que nous avons introduit, dès la première lecture au Sénat, la prescription glissante pour les cas de crimes sériels. L’Assemblée nationale s’en est emparée, et je me réjouis que la disposition ait été conservée.

C’est également le Sénat qui a proposé l’introduction des rapports bucco-génitaux dans la définition légale du viol, réparant un oubli dommageable dans notre droit.

Sur l’initiative de notre rapporteur Marie Mercier, la commission des lois a amélioré le texte en modifiant par exemple la nouvelle infraction pénale introduite à l’Assemblée nationale visant à réprimer le fait, pour un majeur, de demander à un mineur l’envoi d’images pornographiques de lui-même.

Notre commission des lois a fait le choix d’élargir la protection des mineurs en prévoyant que cette nouvelle infraction concerne l’ensemble des mineurs et non les seuls mineurs de 15 ans.

De la même manière, nous avons fait le choix, en commission, d’élargir la protection garantie aux mineurs dans les cas de « sextorsion ». Ce délit, qui consiste, pour un majeur, à extorquer la diffusion ou la transmission d’images, vidéos ou représentations à caractère pornographique d’un mineur, permettra de protéger l’ensemble des mineurs et non les seuls mineurs de 15 ans.

La peine sera quant à elle aggravée si les faits sont commis à l’encontre d’un mineur de 15 ans ou en bande organisée.

Mes chers collègues, le texte tel qu’il nous revient en deuxième lecture est – je le crois – un texte d’équilibre, adapté aux enjeux de notre temps.

Ce sujet difficile peut demain concerner chacun de nos enfants. Ne nous faisons pas d’illusions : la réponse pénale que nous organisons aujourd’hui est certes un élément essentiel de la lutte contre les crimes sexuels commis sur les mineurs, mais elle n’en constitue qu’une partie. Le reste du travail, complexe, doit mobiliser l’ensemble de la société, dans les milieux associatifs, auprès des familles, dans les écoles, les collèges et les lycées, sans oublier internet, qui constitue sans aucun doute le grand enjeu de demain.

À la place qui est la nôtre dans cet hémicycle, nous avons fait notre devoir ; je crois que nous pouvons collectivement en être fiers. L’unanimité qui a prévalu en première lecture, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, nous oblige. Le travail se poursuit cet après-midi. Nous le devons à toutes les victimes, aux si nombreuses familles brisées et à la société tout entière, qui attend de nous des actes forts.

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