Madame la présidente, je me joins aux remerciements de ma collègue à votre égard. Merci de votre invitation et de l'attention que vous portez à ce sujet et à la position des élus locaux. Vous m'avez offert la possibilité de rencontrer de visu ma collègue Véronique Besse. Nous représentons l'un et l'autre l'ensemble des maires de l'AMF.
Le territoire du Douaisis est l'un des territoires de France métropolitaine affichant les indicateurs de santé les plus dégradés. Les déterminants de santé y sont détériorés (pollution industrielle, urbanisme compliqué, faible présence d'espaces verts) et certaines pathologies s'y retrouvent en nombre beaucoup plus important qu'ailleurs en France. La mortalité y est également 30 % supérieure à la moyenne nationale, à toutes les tranches d'âges.
Je me retrouve tout à fait dans les propos du professeur Renaudie, qui a souligné que la santé était une compétence exclusive de l'État. Quand bien même nous ne souhaitions pas nous y intéresser, en réalité cette question de la santé nous revient en permanence. La santé constitue le troisième sujet pour lequel nous sommes sollicités, après le logement et l'emploi. En réalité, ces trois sujets sont souvent concomitants et liés, en raison de problèmes de handicap par exemple. Les habitants nous contactent car ils n'ont plus de médecin traitant. Nous rencontrons également, souvent la nuit, des problèmes de santé mentale. Évidemment, lorsque nous examinons toutes les problématiques d'une personne pour essayer de l'aider à se réinsérer, la santé est toujours l'un des déterminants, l'un des problèmes non traités. Dans nos écoles, nous rencontrons également des problèmes d'allergies, de handicap ou autre.
Les conseils de surveillance des hôpitaux sont les seuls endroits où les élus locaux sont invités de droit à participer aux questions de santé. Je n'entrerai pas dans le détail des groupements hospitaliers de territoire, sur lesquels j'ai quelques questionnements. Je pense que le zonage n'est pas toujours très confortable et pertinent.
Nous militons pour une approche territoriale, globale et systémique de la santé, où les élus pourraient financer des maisons de santé, aider l'installation de professionnels de santé, travailler sur le lien ville-hôpital. J'ai eu l'occasion de le mettre en place dans le Douaisis. Les médecins hospitaliers et de villes s'apprécient, mais se méfient parfois les uns des autres. Ces deux mondes ne savent pas toujours travailler ensemble. Tout fonctionne beaucoup mieux en présence du catalyseur élu.
L'approche systémique de la santé, c'est aussi s'intéresser au halo entourant ce coeur strictement sanitaire : le lien avec les services locaux du département, avec nos ateliers santé ville, avec nos associations de prévention... L'importance des contrats locaux de santé est ici à souligner. Cet outil n'est pas encore généralisé en France. Il devrait l'être. N'oublions pas les déterminants de santé au sens large, sur lesquels les collectivités sont également aux premières loges : alimentation dans les écoles, espaces verts, sport, qualité du logement, air, bruit... L'approche est très différente d'un territoire à l'autre. Un regard local est de ce fait absolument essentiel au travers de ce que nos schémas de cohérence territoriale (SCoT), nos EPCI et nos communes peuvent construire. Cette approche des déterminants est majeure. Les principales pathologies que nous rencontrons aujourd'hui sont des pathologies de société, de mode de vie ou environnementales. Je parle ici du diabète, de l'insuffisante cardiaque, de l'obésité et autres pathologies liées au vieillissement. Elles ne se traitent pas avec le SAMU, mais par la compréhension du mode de vie de la personne et son accompagnement au long cours.
Nous avons le sentiment que le modèle très national, centralisé et hospitalo-centré, qui a eu son heure de gloire et qui fut nécessaire à un moment, arrive à sa limite. Il doit trouver un second souffle. Resté concentré sur l'hôpital et les urgences coûte cher. Certaines personnes se retrouvent aux urgences alors qu'elles ne devraient pas y être. Les hôpitaux se plaignent que leurs urgences sont surchargées, mais elles constituent leur apporteur d'affaires principal.
Ces biais existent. Je n'accuse pas les individus, mais le système qui les génère. Lié à ce système très hospitalo-centré, celui des ARS, elles aussi très centrées sur l'hôpital, est un peu à bout de souffle. Nous défendons un modèle territorial fondé sur la prévention, le repérage, l'accompagnement. Les élus peuvent parfois être accusés de réclamer toujours plus de moyens, et d'être un peu dépensiers eux-mêmes. En réalité, un modèle visant davantage à empêcher les gens d'être malades plutôt qu'à soigner leurs pathologies dans l'urgence ne coûte pas plus cher.
Je vous exposerai plus en détail, si vous le souhaitez, une expérience que nous menons dans le Douaisis, mais aussi dans les Deux-Sèvres et les Cornouailles. Il s'agit de la responsabilité populationnelle. Aujourd'hui, des outils comme les big data permettent de travailler beaucoup plus finement sur le suivi des maladies que sont notamment l'insuffisance cardiaque et le diabète, en les repérant à l'avance et en proposant un accompagnement via les médecins traitants, permettant aux malades de vivre avec leur pathologie et de la stabiliser.