Intervention de Frédéric Valletoux

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 11 mars 2021 à 9h30
Table ronde relative aux « initiatives des territoires en matière de santé » avec la participation de m. frédéric valletoux président de la fédération hospitalière de france maire de fontainebleau ; mme véronique besse et m. frédéric chéreau co-présidents de la commission santé de l'association des maires de france ; m. olivier renaudie professeur de droit public à l'université paris 1

Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France, maire de Fontainebleau :

Merci de m'accueillir à cette table ronde. Vous avez raison de vous interroger sur la place des collectivités locales et des territoires dans le devenir du système de santé. Si la crise nous révèle quelques évidences, la première relève de l'attachement des Français à leur système de santé. La seconde est que l'hôpital a joué son rôle de bouclier sanitaire avec l'ensemble des professionnels, quel que soit leur statut. La troisième est que cette crise a attaqué un système déjà malade et sujet à de nombreux dysfonctionnements. Nous ne ferons pas l'économie, en sortie de crise, d'un retour d'expérience, mais aussi d'une remise à plat du système de santé de manière à le pérenniser. Je n'aborderai pas ici les questions de financements, de gouvernance et d'opacité de fonctionnement, de montée en puissance d'un système s'étant largement bureaucratisé ces dernières années au détriment de la confiance envers les acteurs de terrain.

La crise a également révélé qu'il n'était pas possible d'agir sans les collectivités locales et les élus locaux, dès la première vague. Nous le constatons encore avec le déploiement de la campagne de vaccination. Je portais déjà cette conviction profonde avec ceux qui s'impliquent dans la fonction hospitalière de France, tant une association d'élus que d'hospitaliers. Son Conseil d'administration est composé d'un tiers d'élus, un tiers de directeurs d'hôpitaux et un tiers de médecins hospitaliers. Toutes les composantes de ceux qui font la santé publique dans les territoires y sont ainsi réunies. Nous avions déjà tous la conviction profonde que l'avenir de notre système de santé passait par une réforme valorisant une approche par les territoires.

En nous intéressant aux grands champs de l'action publique, il est frappant de constater la modernisation de certaines structures publiques parmi les grandes politiques régaliennes. Je pense à tout ce qui concernait la politique, l'économie, les finances ou encore le système du Trésor. Seul le ministère de la Santé semble avoir échappé à ces réflexions. Les structures se sont complexifiées et bureaucratisées au fil du temps. Elles ont eu tendance à exclure les acteurs locaux plus qu'à ne les associer.

La France fait aujourd'hui face à une pénurie de médecins, qui devra encore été gérée pendant quelques années puisqu'il n'y a pas de génération spontanée de soignants. C'est peut-être son principal écueil. Si nous n'avançons pas vers un système valorisant les initiatives locales, baissant les barrières entre les professionnels de santé, quel que soit leur statut, incluant mieux les paramédicaux et les politiques de prévention, nous ne sauverons pas notre système de santé.

Nous avons pour enjeux de décloisonner et de favoriser l'approche par territoire, et de laisser les professionnels de santé imaginer les systèmes de prise en charge adaptés en lien avec les collectivités locales. Les données de santé du Douaisis sont bien différentes de celles de Fontainebleau, ou encore de la Nièvre. Nous attendons d'un système de santé, quelle que soit la qualité juridique de ses acteurs, qu'il réponde aux besoins de santé des Français et qu'il s'attaque aux maux des populations qu'il a à servir. Je rappelle qu'il est financé par l'assurance maladie, et donc par la cotisation des Français. Même les professionnels libéraux sont ainsi, d'une certaine manière, financés par de l'argent collectif. Ils doivent répondre, si ce n'est à des missions de service public, à des missions d'intérêt général. Les enjeux sont publics.

Dans les mois et années à venir, nous devrons faire travailler ensemble des personnes qui cohabitent plus qu'elles ne coopèrent. L'expérience de responsabilité populationnelle évoquée par M. Chéreau, initiée par la fédération hospitalière de France, est une démonstration par la preuve de ce que nous essayons de faire. Elle s'inspire du Québec, qui a réorganisé son système de santé sur le principe de la responsabilité populationnelle. Les professionnels de santé sont responsables de la prise en charge et de l'invention de réponses aux enjeux de santé publique. L'État en définit l'objectif, et les laisse libres de leur mise en place. Il évaluera ensuite la pertinence et l'efficacité des dispositifs proposés. Ce système ferait bien plus confiance aux acteurs du territoire. L'État serait repositionné dans la définition des grandes missions et des grands objectifs de santé publique. Le territoire serait capable d'accompagner les acteurs dans l'évaluation des dispositifs mis en oeuvre puisqu'il en est également le financeur global.

Nous expérimentons ce schéma autour de deux pathologies, l'insuffisance cardiaque et le diabète, dans cinq territoires : le Douaisis, la région de Troie, la Cornouaille, le territoire de Niort et Vesoul. Nous y travaillons depuis deux ans. Nous laissons faire les acteurs locaux pour inventer des solutions. Nous pourrons démontrer que la recherche en efficacité sur ces pathologies est passée par des voies différentes sur les territoires, puisque les forces en présence y sont différentes.

Je crois profondément en cette démarche, qui constitue une démonstration par la preuve qu'avec de la confiance, il est possible d'inventer des solutions adaptées aux besoins. Cela me semble être une belle illustration du rôle que les collectivités locales pourraient adopter demain. Ce système ne fonctionne que si les acteurs, présentant des intérêts divergents, sont entraînés et orchestrés par des élus fortement impliqués.

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