Intervention de Olivier Renaudie

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 11 mars 2021 à 9h30
Table ronde relative aux « initiatives des territoires en matière de santé » avec la participation de m. frédéric valletoux président de la fédération hospitalière de france maire de fontainebleau ; mme véronique besse et m. frédéric chéreau co-présidents de la commission santé de l'association des maires de france ; m. olivier renaudie professeur de droit public à l'université paris 1

Olivier Renaudie, professeur de droit public à l'Université Paris 1 :

La crise a révélé la manière dont été envisagée l'articulation délicate entre l'exercice par le maire de son pouvoir de police administrative générale, a priori très vaste, et l'existence de très nombreuses polices administratives spéciales venant limiter son exercice. Un auteur en a dénombré plus de 300, créées par le législateur dans des domaines particuliers dans lesquels il a estimé qu'il était nécessaire de ne pas s'en remettre à la généralité des pouvoirs de police, mais de spécifier des pouvoirs particuliers. Ces dernières années, nous n'avons pu que constater qu'un certain nombre d'arrêtés municipaux de police se révélaient illégaux, car ils entraient dans le champ de ces polices administratives spéciales s'exerçant pour la plupart d'entre elles à titre exclusif. C'est ce qui s'est passé à Sceaux. Le maire considérait qu'il fallait porter un masque en centre-ville, au regard de la topographie de sa commune, de sa population, de la configuration des commerces. Il a eu raison, politiquement et sanitairement, mais juridiquement tort. La décision du Conseil d'État, qui a jugé cet arrêté illégal, est imparable. Elle pose toutefois problème car elle indique que l'arrêté aurait pu être légal à la condition que le maire fasse la démonstration de circonstances locales très particulières, et à la condition que cette décision ne remette pas en cohérence l'efficacité des mesures de l'État. Que voulons-nous ? Souhaitons-nous faire des maires des préfets sanitaires ? Quelle est cette idée de remettre en cause la cohérence des politiques de l'état ? Est-ce la décentralisation que la France a connue ? Cette décision est juridiquement parfaite. Pour autant, souhaitons-nous réduire les maires au statut de ceux qui mettent en oeuvre la politique de l'État sans jamais en sortir ? Ce n'est pas cela, la décentralisation. Dès lors que des élus locaux ont la possibilité d'exercer des compétences dans un cadre décentralisé, ils doivent le faire librement.

Le pouvoir réglementaire d'adaptation est un sujet cher à la délégation. Comment faire en sorte d'accélérer l'édiction des textes d'application des lois ? Comment faire en sorte que le pouvoir exécutif ne soit pas le seul à les prendre ? La matière sanitaire pourrait à mon sens constituer un très beau terrain d'expérimentations de ce pouvoir d'adaptation des textes législatifs, en essayant de confier aux collectivités territoriales la possibilité de prendre des mesures adaptées aux spécificités de leur territoire.

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