Selon mon expérience, il est préférable de regarder la pratique concrète et la capacité à exercer un pouvoir que de s'intéresser simplement à ce qui disent strictement les textes. Je l'illustrerai par trois exemples que je suis régulièrement amené à exercer :
- le logement, domaine où plusieurs sources de droit se croisent : dans les degrés les plus graves d'insalubrité du logement relevant théoriquement de l'ARS, ce sont les maires qui font tout le travail. Nos services communaux d'hygiène et de santé (SCHS) ou les associations mandataires se chargent des visites et de la rédaction des arrêtés. L'ARS intervient presque uniquement pour signer en bas de la feuille. C'est piloté de manière très locale. Nous aimerions dans certaines situations dégradées avoir un peu plus d'aide et d'ingénierie mise à disposition par l'ARS pour ne pas porter seuls la charge de situations si complexes ;
- la santé psychique : nous intervenons bien souvent lorsqu'une personne malade décompense. Il arrive que nous soyons appelés à 2 heures du matin un samedi par une personne dont le voisin de palier est nu sur le palier, hurlant et poussant des meubles, ou parce qu'un individu agresse des passants dans la rue. Souvent, la police nationale intervient dans ces cas-là. La nuit ou le week-end, il n'est pas simple pour le maire de mettre en oeuvre son pouvoir d'hospitalisation d'office. Les personnes en sortent généralement après trois jours, tant la psychiatrie publique est saturée ;
- l'ébriété sur la voie publique : si nous souhaitons donner suite à une interpellation, l'ébriété doit être constatée par un médecin. Il est déjà compliqué de constater un décès le dimanche. C'est encore plus ardu dans le cas exposé ici. La police envoyée aux urgences doit y attendre quatre heures. Elle n'y reviendra plus. Vous pouvez demander à un médecin retraité, pompier ou militaire, cela ne fonctionne jamais. La capacité pratique à mettre en oeuvre les textes pose souvent problème.
Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit concernant la déconcentration et la décentralisation. Le système des ARS trouve sa limite. Nos interlocuteurs sont les préfets, qui ont la double qualité de savoir parler aux élus locaux et d'en reconnaître la compétence, et d'être polyvalents. Ils croisent les sujets de manière transversale.
Sur des déserts médicaux, ne pouvons-nous pas envisager de concentrer les médecins, ressources rare et chère, sur les tâches avec la plus-value la plus forte, et de transférer quelques tâches aux infirmiers et pharmaciens dont nous ne manquons pas sur nos territoires ? Nous faisons même parfois face à des situations de trop-plein.