Intervention de Philippe Dallier

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 11 mars 2021 à 9h30
Examen du rapport d'information sur le grand paris de mm. philippe dallier et didier rambaud

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Je remercie Didier Rambaud d'avoir accepté de s'intéresser au sujet. Il devient le spécialiste provincial de la question de la métropole du Grand Paris. Ce sujet est complexe et doit être pris à bras le corps pour être compris.

En 2008, pour l'Observatoire de la décentralisation du Sénat, j'avais rendu un rapport proposant une solution pour la petite couronne. Nous ne sommes plus dans cette optique. Aujourd'hui notre rapport ne propose pas une solution, mais dresse un état des lieux des grandes solutions évoquées par les uns et par les autres. Il pointe leurs avantages et inconvénients, sans décider laquelle est à mettre en oeuvre. Nous avons voulu poser le débat et proposer une méthode. Celle-ci s'appuie sur un constat simple : pour trouver le bon scénario, il faut l'aborder par l'angle des compétences, du périmètre et des moyens. C'est à notre sens la seule méthode permettant de parvenir à la meilleure solution, ou du moins la moins mauvaise.

Nous avons retenu cinq scénarios, voire six puisqu'il y a une variante. Il est bien évident que la diversité de propositions est plus large encore, mais nous couvrons 90 % des suggestions évoquées. Il ne peut, selon nous, y avoir de métropole sans mutualisation des moyens et de la richesse fiscale.

Le premier schéma du rapport présente les 5 principaux scénarios. Je commencerai par ceux qui s'appliquent à la zone dense. Nous nous en sommes tenus à la petite et grande couronne, sans imaginer de périmètre intermédiaire, bien que certains nous y aient poussés lors de nos auditions.

Si nous nous en tenons au périmètre actuel de la métropole du Grand Paris, la première solution serait un simple pôle métropolitain. Donc un simple objet de coordination des politiques sans véritable mutualisation des moyens ou un syndicat mixte auquel adhéreraient les communes, les EPT redevenus EPCI et les départements. Il n'aurait pas pour vocation d'exercer des compétences ou de partager la richesse économique, mais aurait le mérite d'exister pour examiner en commun les problématiques de l'espace concerné, sans véritable pouvoir d'action. Nous qualifions cette métropole de « faible », si tant est que nous puissions la qualifier de métropole.

La deuxième solution est qualifiée de métropole intermédiaire, avec une mutualisation limitée. La métropole du Grand Paris actuelle intégrerait les EPT comme des échelons administratifs déconcentrés. C'était un peu l'esprit initial de la loi, lorsque Marylise Lebranchu, alors ministre de la Décentralisation, avait présenté son premier projet. Les EPT n'avaient, à l'origine, pas vocation à avoir la qualité de personnalité juridique ou à percevoir des recettes fiscales. Après discussion avec le Parlement et les élus locaux, nous avions mis en oeuvre une solution unique en France, la métropole étant un EPCI et les EPT ayant été créés en conservant les contributions foncières des entreprises, dans un régime transitoire qui devait se terminer en 2021. Ce terme a été repoussé de deux ans.

Cette solution consisterait à pousser la logique initiale du texte de Marylise Lebranchu en indiquant que les EPCI deviendront des échelons déconcentrés de la métropole dès lors qu'ils auront perdu leurs recettes fiscales. Elle ne pose pas la question des départements de petite couronne. Ils restent en place en assumant leurs compétences, qui sont importantes pour le financement des politiques sociales. Celles-ci pèsent lourd, notamment en termes de lutte contre la ségrégation territoriale.

Sur la zone dense, une solution de métropole forte consisterait à renforcer la mutualisation en intégrant les départements qui deviendraient des échelons déconcentrés de la métropole du Grand Paris. Dans ce cas, nous constaterions une concentration du pouvoir et des moyens, les budgets des départements de Paris et de la petite couronne remontant à la métropole avec un réel effet péréquateur pour financer les politiques sociales. L'impôt économique serait également concentré au niveau de la métropole. Dans cette solution, une variante concerne la modification du statut des EPT. Nous n'avons pas tranché cette question. En tout état de cause, nous aurions ici une métropole forte, puisque tous les impôts économiques et les ressources des départements, droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et TVA, lui remonteraient.

Au niveau régional, la quatrième solution serait une métropole faible ou intermédiaire. Elle consisterait à porter la métropole au niveau de la région et à la couvrir d'EPCI en grande et petite couronnes, coordonnées par la région métropole. Dans ce cas, l'impôt économique resterait au niveau des EPCI. La région métropole coordonnerait des politiques sans disposer de moyens budgétaires lui permettant d'agir fortement. Cette solution est mise en avant par la présidente de la région. Elle ne crée pas, à notre sens, de métropole forte.

Enfin, la cinquième solution concerne une région métropole ultra-puissante dont tous les départements de la région Ile-de-France deviendraient des échelons déconcentrés. Toutes leurs ressources remonteraient au niveau métropolitain, tout comme l'impôt économique. Nous y pointons une complexité assez importante avec un « monstre » technocratique à l'échelle de 12 millions d'habitants. Cette solution avait été étudiée, parmi d'autres, par le préfet Michel Cadot, dans sa mission de conseil auprès du Président de la République. Il semble intéressant de la faire figurer dans ce rapport. Les EPT deviendraient des EPCI, couvrant totalement la région.

Il existe certainement d'autres solutions, plus anecdotiques ou non évoquées par nos interlocuteurs.

Le deuxième schéma figurant dans le rapport présente ces différents scénarios selon leur degré de simplification du modèle actuel, auquel on reproche sa complexité et son illisibilité. La simplification ne réglera pas tous nos problèmes, mais la question est posée.

On observe plusieurs solutions permettant la suppression d'un échelon territorial, voire de deux échelons. Cette simplification est obtenue lorsque les départements ne sont plus que des échelons déconcentrés de la métropole, et quand les EPT ne sont pas des EPCI.

Le projet de loi « 4D » ne devant pas comporter de chapitre sur la métropole du Grand Paris, quel pourrait être le calendrier nous permettant de prendre une décision ? Je ne crois pas à un texte en 2022, en raison des élections présidentielles. Je l'imagine plutôt en 2023. Il nous faudra donc gérer la période intermédiaire car les EPT et la métropole sont aujourd'hui sur la sellette. Cette dernière pourrait se trouver en grande difficulté avec la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) après la crise sanitaire. Cette phase transitoire s'étendra de 2023 à 2026 ou 2027. À l'évidence, toute modification législative ne pourrait se mettre en place qu'à l'échéance des prochaines élections municipales ou régionales l'année suivante.

Ce calendrier nous laisse un peu de temps de réflexion. Nous sommes un peu à la croisée des chemins : soit l'élection présidentielle constituera pour les différents candidats une occasion de s'exprimer sur le sujet, soit nous revivrons l'occasion manquée de 2017. Depuis, Emmanuel Macron n'a pas été en mesure de mettre en oeuvre les actions fortes qu'il avait à l'époque évoquées. J'ose espérer que des solutions émergeront en 2022, et surtout qu'elles prendront une forme législative en 2023 pour une mise en oeuvre en 2026 ou 2027.

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