Il s'agit de sujets d'ampleur, qui suscitent beaucoup de questions.
Quelques rappels brefs sur le dispositif des ALD : une pathologie peut être reconnue en ALD si elle nécessite un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse. Depuis la loi du 13 août 2004, cette reconnaissance est formalisée par l'inscription sur une liste établie par décret après avis de la Haute Autorité de santé (HAS), qui joue un rôle central pour veiller à l'actualisation de la liste et formuler des recommandations sur le périmètre des actes et des prestations nécessaires à la prise en charge de ces ALD.
Sur les quinze dernières années, les évolutions de cette liste ont été relativement modestes. L'une des évolutions les plus importantes date de 2011 : sur la base d'avis de la Haute Autorité de santé la jugeant davantage comme un facteur de risques que comme une pathologie avérée justifiant des traitements longs et coûteux, l'hypertension artérielle sévère a été retirée de la liste.
Le système fonctionne selon trois niveaux : vous pouvez être pris en charge à 100 % si votre pathologie est inscrite sur la fameuse liste dite « ALD 30 », mais également si l'affection dont vous souffrez est « hors liste » ou « ALD 31 », c'est-à-dire est une forme grave, évolutive ou invalidante, d'une maladie qui ne figure pas sur la liste des ALD 30, et nécessite un traitement prolongé d'une durée prévisible supérieure à six mois et une thérapeutique particulièrement coûteuse. Quant à la liste des ALD 32, elle regroupe plusieurs affections qui peuvent entraîner un état pathologique invalidant nécessitant des soins continus d'une durée prévisible supérieure à six mois. C'est donc une logique par types de pathologies qui prévaut, avec les ALD 30, complétée par un filet de rattrapage, ALD 31 et 32, permettant d'aller au-delà de la liste normée.
Ce mécanisme est avant tout médico-administratif : le suivi des ALD n'épuise pas celui des pathologies chroniques dans leur ensemble. C'est la raison laquelle l'assurance maladie dresse depuis plusieurs années, dans son rapport annuel « Charges et produits », une cartographie des pathologies chroniques qui nous renseigne pour chacune sur la consommation de soins, les effectifs, le coût des traitements. Nous savons par exemple qu'en 2019 il y avait 4,1 millions de malades cardiovasculaires et 2,2 millions de maladies psychiatriques traitées, y compris hors ALD. C'est pour nous un point d'appui extrêmement utile pour apprécier la réalité de l'évolution de ces pathologies.
Ce dispositif des ALD est central dans la prise en charge des patients. Si l'assurance maladie garantit aujourd'hui un niveau très élevé de couverture de santé, globalement stable voire en légère amélioration - le reste à charge diminue progressivement année après année -, ces chiffres dissimulent un effet de structure lié à la part croissante des patients en ALD pris en charge à 100 % dans le périmètre de soins. Les facteurs déterminants de la croissance des dépenses sont l'évolution des effectifs et celle du coût moyen du traitement par patient, ce qui justifie des actions de gestion du risque, de prévention, d'accompagnement des patients, d'une part, et, d'autre part, de réorganisation des soins, par l'innovation notamment.
Le dispositif des ALD est également un dispositif de solidarité et de limitation du reste à charge pour les personnes bénéficiaires. Pour ce qui concerne les patients de plus de 65 ans, par exemple, la dépense moyenne est trois fois supérieure pour les assurés qui sont en ALD par rapport à ceux qui ne le sont pas ; le reste à charge est pourtant identique. Le bouclier fonctionne donc extrêmement bien. La Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) vient de publier, en octobre 2020, une étude qui montre combien le dispositif des ALD permet de faire face à l'augmentation significative des dépenses individuelles liées à une pathologie chronique. Il reste des dépenses de santé qui ne sont pas couvertes par les ALD ; ce bouclier a donc ses limites - nous pensons bien sûr aux soins dentaires, aux dépenses d'optique et aux aides auditives. Le « 100 % santé », dont le déploiement est achevé depuis le début de l'année 2021, constitue le corollaire du dispositif de solidarité que représentent les ALD. Il va permettre d'améliorer le taux de couverture de ces soins.
Le dispositif a aussi évolué, ces dernières années, du point de vue de sa gestion, dans le sens de la simplification et de la lisibilité pour les professionnels comme pour les assurés. Jusqu'en 2016, un contrôle a priori était systématiquement effectué par le service médical, quelle que soit la pathologie. Pour un certain nombre de pathologies, nous sommes passés à une logique de déclaration simplifiée : si vous avez un cancer, une hépatite C, un diabète, les critères sont évidents et l'instruction du dossier inutile. On a donc scindé en deux la liste des ALD, entre celles qui nécessitent toujours un contrôle a priori et celles qui peuvent donner lieu à un régime déclaratif. Ce mouvement de simplification s'est accompagné d'une dématérialisation du protocole de soins. Ce nouveau modèle est en place depuis 2016, la logique retenue étant analogue à celle qu'a mise en oeuvre le Gouvernement dans le domaine du handicap.
Quelques éléments sur l'endométriose et le covid long.
Un certain nombre de patientes atteintes d'endométriose voient d'ores et déjà leur pathologie reconnue au titre de la liste ALD 31, ce qui permet une prise en charge dans ce cadre. En 2018, 4 592 femmes bénéficiaient d'une ALD 31 pour endométriose, pour un montant remboursé moyen par personne de 7 591 euros. En 2020, sur 3 227 demandes d'ALD hors liste pour endométriose, 1 874 avis favorables ont été émis, soit un peu moins de 60 %. Autrement dit, le filet de sécurité de l'ALD 31 fonctionne d'ores et déjà sans reconnaissance de l'endométriose dans la liste des ALD 30.
Agnès Buzyn, alors ministre de la santé, avait lancé en 2019 les premiers éléments d'un plan d'action sur la prise en charge de l'endométriose ; le ministre Olivier Véran vient d'annoncer la préparation d'une stratégie nationale contre l'endométriose, à laquelle nous serons évidemment associés.
Il est utile de distinguer deux sujets : celui du parcours de soins des femmes atteintes d'endométriose, qui nous semble prioritaire, et celui de la prise en charge à 100 %. Nous constatons une forme d'errance médicale pour les patientes concernées, dont la prise en charge est parfois chaotique. Il faut donc structurer des parcours de soins adaptés, comme nous le faisons pour le diabète ou pour l'insuffisance respiratoire chronique. Pour ce qui est de la prise en charge à 100 %, il y va avant tout d'une appréciation médicale et scientifique qui relève de la Haute Autorité de santé. Il n'y a en tout cas pas de corrélation évidente entre la qualité du parcours et la prise en charge à 100 %. Je précise également que la HAS a inscrit dans son programme de travail l'élaboration d'un guide de parcours pour les personnes atteintes d'endométriose afin de limiter les risques d'errance thérapeutique.
Pour ce qui est du covid long, sa caractérisation scientifique est encore incertaine. Il est indispensable de disposer de davantage de recul pour observer des cohortes de patients suffisamment fournies. Ce covid long peut recouvrir beaucoup de symptômes et de pathologies. Certaines pathologies liées au covid-19 remplissent les critères d'admission dans la liste des ALD ; certaines pathologies chroniques préexistantes peuvent être aggravées par le covid-19. Dans ces deux cas, le mécanisme classique est automatiquement actionné. Il faut mentionner également le cas de pathologies qui, sans être directement imputables au covid-19, pourraient être liées à sa prise en charge et basculer en ALD.
Il faut, nous semble-t-il, prolonger les travaux déjà réalisés pour essayer de mieux comprendre les troubles liés au covid long et de mieux identifier les soins rendus nécessaires par ces troubles. L'assurance maladie sera loin d'être la seule à agir et à décider en la matière ; les décisions seront prises sur la base d'un texte réglementaire après analyse et avis de la Haute Autorité de santé.