Intervention de Paul Bazin

Mission d'information Lutte contre la précarisation et la paupérisation — Réunion du 23 mars 2021 à 14h30
Précarité des travailleurs et « mal-emploi » — Audition de M. Paul Bazin directeur général adjoint en charge de la stratégie et des affaires institutionnelles Mme Firmine duRo directrice des partenariats et de la territorialisation de pôle emploi Mm. Martin daVid-brochen secrétaire adjoint de l'union nationale des missions locales président de la mission locale de lille et de l'association régionale des missions locales des hauts-de-france alain frouard vice-président mmes marlène cappelle déléguée générale de cheops bénédicte lefèvre vice-présidente et lucie becdelièvre déléguée générale d'alliance villes emploi

Paul Bazin, Directeur général adjoint en charge de la stratégie et des affaires institutionnelles de Pôle emploi :

En réponse à votre question sur les tendances, il existe une réalité structurelle du marché du travail depuis plusieurs années. Les formes d'emploi précaires telles que les CDD et l'intérim ne représentent certes que 15 % de l'emploi salarié, mais 85 % des embauches, pour une durée médiane des CDD de cinq jours seulement. Seconde réalité structurelle à garder à l'esprit : plus d'un un tiers des demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi sont en emploi.

Sur le plan conjoncturel, avec la Covid, nous avons connu une hausse brutale de la catégorie A - les demandeurs d'emploi sans aucune activité - dans les premiers mois de la crise sanitaire, puis une correction depuis quelques mois. Le niveau actuel s'élève à 300 000 demandeurs d'emploi supplémentaires par rapport à l'avant-crise. Ce chiffre s'explique surtout par le faible nombre de sorties vers l'emploi. On constate un début de correction des CDD et de l'intérim mais on est encore loin du niveau de février 2020.

Dans les entreprises, certains secteurs ont connu un arrêt brutal, alors que d'autres sont restés en tension et connaissent des besoins de recrutement de court terme.

Pôle Emploi doit composer avec cette réalité conjoncturelle et structurelle. Face à des parcours de plus en plus heurtés et spécifiques, elle doit proposer un accompagnement personnalisé : « le bon service au bon moment. »

Je propose de vous présenter cinq focales d'actualité qui semblent répondre, au moins partiellement, aux interrogations de votre mission d'information. La première réside dans le rôle accentué de Pôle Emploi au cours des derniers mois pour aider les demandeurs en situation de sous-emploi.

À l'été 2020, nous avons lancé deux nouvelles prestations ciblées à l'intention de ces demandeurs qui alternent entre emploi et chômage : « Un emploi stable, c'est pour moi » et « Toutes les clés pour un emploi durable. »

Celles-ci visent à mettre en valeur les expériences passées des personnes et à les inciter à convaincre les recruteurs de valoriser ces expériences. Il s'agit de parcours de trois mois au maximum, selon les besoins des participants. Des ateliers en présentiel et à distance sont organisés.

Ce service est ouvert les soirs de semaine et le samedi matin, afin de tenir compte des personnes qui se trouvent dans des formes d'emploi et qui ne sont pas nécessairement disponibles aux horaires habituels. 25 000 personnes sont entrées dans ce dispositif en novembre et décembre 2020, et 56 000 au mois de janvier 2021.

La deuxième focale est celle des jeunes. Pôle Emploi s'est investi dans le plan « Un jeune une solution », en mobilisant divers leviers : la formation, des aides financières à l'embauche de jeunes pour les entreprises, des contrats aidés et l'accompagnement intensif des jeunes. Plus de 150 000 jeunes ont bénéficié de ce dispositif en 2020.

Il convient d'y ajouter la promotion des contrats en alternance et les événements de recrutements réalisés chaque semaine en agence, en lien avec des secteurs du plan de relance. Récemment, des aides financières ont également été accordées à des jeunes confrontés à des freins financiers à leur recherche d'emploi.

La troisième focale correspond à la prise en compte des freins spécifiques liés aux travailleurs handicapés, en vue de favoriser leur insertion sur le marché du travail et d'empêcher leur paupérisation. Depuis l'année dernière, nous avons initié un rapprochement entre le réseau Pôle Emploi et le réseau des Cap Emploi. L'objectif consiste à créer un lieu unique d'accompagnement dans les agences de Pôle emploi et une offre de service intégrée, avec la mobilisation croisée des expertises des deux réseaux.

Nous avons observé des débuts très prometteurs dans 19 agences pilote. Le dispositif est désormais déployé dans plus de 230 agences, au sein de quatre départements. Nous avons le projet de généraliser le rapprochement entre Pôle Emploi et Cap Emploi à partir de la fin du semestre.

La quatrième focale concerne l'intensification de l'accompagnement des demandeurs d'emploi en quartiers prioritaires des politiques de la ville. Nous menions déjà une politique d'allocation des moyens particulière dans ces quartiers.

Fin janvier, le comité interministériel de la ville a décrété le renfort de 500 conseillers supplémentaires dans 66 agences Pôle emploi qui comptent plus de 30 % de demandeurs d'emploi issus de ces quartiers. Les objectifs sont les suivants : un accompagnement renforcé de ces personnes, une détection accrue de leurs besoins et une forte orientation de l'« aller vers », afin d'apporter le service public hors les murs.

Enfin, Pôle Emploi souhaite accompagner les personnes en situation de précarité dans leur globalité, dans le but de lever l'ensemble des freins à l'accès ou au retour à l'emploi. Tel est l'objectif de l'accompagnement global : un conseiller Pôle Emploi, un travailleur social du département et un nombre de demandeurs d'emploi réduit pour chaque conseiller (moins de 70). Plus de 90 000 demandeurs d'emploi ont bénéficié de cet accompagnement.

Pour conclure, il convient d'agir tôt, afin d'éviter l'enfermement dans la précarité, de personnaliser l'accompagnement en fonction des besoins de chacun et d'agir de manière partenariale et territorialisée, en traitant globalement les freins sociaux qui obèrent le parcours vers l'emploi.

Enfin, il faut être capable de mobiliser les entreprises pour les convaincre de donner une chance à des profils un peu moins « naturels » que ceux qu'ils ont l'habitude de recevoir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion