Monsieur le professeur, merci de vos propos. Lorsqu'on évoque la précarisation, je pense qu'il faut s'intéresser aussi à la destruction d'emplois salariés par la substitution d'autres formes de relations entre des donneurs d'ordres et des travailleurs. Cela se développe depuis des années : on l'avait vu avec les auto-entrepreneurs, utilisés dans certaines activités comme la publicité ou l'audiovisuel. Cela s'est accéléré avec la crise que nous connaissons : on parle maintenant d'« ubérisation » de certains emplois. On est dans un cycle de précarisation de ces personnes, qui ne bénéficient plus des avantages sociaux des salariés, puisqu'ils sont « à leur compte ». Ils doivent assurer eux-mêmes leurs congés payés, ils n'ont pas de cotisations de retraites, etc. Bref, on a encore amplifié la précarisation de ces dizaines de milliers de personnes par rapport aux salariés. Ils ne bénéficient même pas du chômage puisqu'ils sont considérés comme travailleurs indépendants.
Je voulais avoir votre avis sur ce phénomène qui se renforce. On voit maintenant des grandes surfaces qui mettent fin aux contrats de travail traditionnels pour les remplacer par des auto-entrepreneurs de ce type, et les gens n'ont plus aucune couverture sociale traditionnelle. Il arrive aussi dans certains pays, comme en Espagne, qu'on retransforme des emplois ubérisés en obligeant certains employeurs à salarier ces personnels. Nous devons être attentifs à ce phénomène de va-et-vient et à l'ampleur considérable que cela peut prendre du point de vue de la précarisation.