Intervention de Gilbert Cette

Mission d'information Lutte contre la précarisation et la paupérisation — Réunion du 23 mars 2021 à 14h30
Audition de M. Gilbert Cette professeur d'économie associé à la faculté de sciences économiques de l'université d'aix-marseille et adjoint au directeur général des études et des relations internationales de la banque de france

Gilbert Cette, professeur d'économie à l'université Aix-Marseille :

Exactement. Et parmi ces emplois non satisfaits, on compte effectivement des emplois très qualifiés, qui ne trouvent pas preneur en raison d'une déficience de nos systèmes de formation, portée par les pouvoirs publics ou les partenaires sociaux.

En France, on manquait de chaudronniers alors même que la métallurgie est sans doute l'activité dans laquelle les partenaires sociaux sont les plus organisés. L'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) est une puissante organisation patronale. Les besoins s'anticipent dix ans à l'avance : un paquebot ne se construit pas du jour au lendemain. Que, dans cette branche d'activité, on n'ait pas anticipé un manque de chaudronniers, est un peu désespérant et illustre une carence des partenaires sociaux.

Il existe d'autres emplois non qualifiés, pour lesquels l'attractivité est tellement faible que des jeunes au chômage, ou moins jeunes, n'y vont pas. Je pense aussi qu'il existe là une déficience tant de la part des partenaires sociaux, qui devraient élaborer des conventions collectives au niveau des branches qui renforcent l'attractivité sans entamer la concurrence, que de la part des pouvoirs publics, qui ont laissé proliférer des branches où s'observait une carence de négociation collective.

Depuis la loi du 5 mars 2013, les choses ont radicalement changé : on est passé de 700 à 200 branches. Le mouvement de restructuration des branches est très fortement engagé. La volonté de beaucoup est d'arriver en France à une situation où on aurait moins de branches qu'en Allemagne (60 à 70 branches). Je vous renvoie au rapport de Pierre Ramain, qui est désormais directeur général du travail, et qui a impulsé ce mouvement dans les années d'avant-covid. Si on arrive à une situation à 50 ou 60 branches, la réalité du dialogue social et de la négociation collective au niveau des branches permettra de donner de la consistance à ces dernières pour l'élaboration de lois professionnelles : elles élèveraient alors par le haut l'attractivité de certains postes (salaires, conditions de travail) et permettraient de réduire le nombre de ces emplois qui ne trouvent pas preneurs. Bien qu'elle soit suspendue par la crise sanitaire, on est dans une phase très positive.

Pour aller au coeur de votre question, j'ai encore une fois du mal à me mettre dans la tête des individus. Je fais partie de ceux qui considèrent qu'il faudrait davantage conditionner le bénéfice de certaines aides ou transferts sociaux à la réalité d'une recherche d'emploi ou de l'inscription dans un parcours de formation. Laisser décrocher les personnes pendant longtemps fait prendre le risque de voir ces gens-là prendre une distance infranchissable vis-à-vis de l'emploi. Il faut empêcher de décrocher. Tout transfert ne doit pas être inconditionnel. En France, on a été dans l'inconditionnalité. Elle est peut-être généreuse mais se retourne contre leurs bénéficiaires.

Des pays qu'on cite souvent en exemple en termes de faibles inégalités et de respect de l'individu, comme le Danemark, sont allés très loin dans la conditionnalité pour le bénéfice de certains minima sociaux. On peut envier leurs résultats en matière de chômage et de taux d'emploi.

Si vous le permettez, je souhaiterais également évoquer la question du contrat unique, parce que c'est une des idées qui m'ont le plus mis en colère ces vingt dernières années.

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