Intervention de Marlène Schiappa

Réunion du 30 mars 2021 à 14h30
Respect des principes de la république — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Marlène Schiappa :

Monsieur le président, mesdames les rapporteures, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, messieurs les ministres, nous avons présenté le présent projet de loi, avec le ministre de l’intérieur, le 9 décembre 2020, soit 115 ans après la promulgation de la loi de 1905. Ce texte est le fruit de larges consultations avec la société civile, les partis politiques, les représentants des cultes, les intellectuels, les associations philosophiques. Il a été examiné par l’Assemblée nationale, qui y a apporté de nombreuses améliorations, après plus de 80 heures de débat dans l’hémicycle et quelque 2 700 amendements.

Nous avons eu, depuis lors, des échanges francs avec Mmes les rapporteures, dont je voudrais ici saluer le travail et l’engagement. Nous nous présentons aujourd’hui devant vous avec la même disposition d’esprit et un objectif clair : défendre nos valeurs et la promesse républicaine de laïcité, promesse de liberté, d’émancipation et de progrès, et donner à la République les moyens de lutter plus efficacement contre ce que le Président de la République appelle « le terreau du terrorisme ». Nous rappelons ainsi la souveraineté absolue des principes de la République sur tout autre système.

Cela passe, bien sûr, par la neutralité des services publics et par un meilleur accompagnement des activités associatives, pour empêcher qu’y prospèrent des discours et des pratiques contraires aux valeurs de la République. Notre mot d’ordre est clair : pas un euro d’argent public pour les ennemis de la République.

En ce sens, comme l’a voulu le Président de la République, nous proposons la création d’un contrat d’engagement républicain, évoqué par le ministre de l’intérieur à l’instant. Le principe en en est simple : les associations qui souhaitent recevoir une subvention publique s’engageront, par ce texte, à respecter les valeurs de la République ; en cas de non-respect de l’engagement, la subvention pourra être reprise.

Ce contrat d’engagement républicain, élaboré avec les élus et les associations, est un contrat de confiance avec le monde associatif. L’immense majorité des associations participent de l’offre républicaine, mais une minorité d’entre elles véhiculent des valeurs contraires aux principes sur lesquels repose la République. Grâce à ce contrat d’engagement républicain, l’État et les collectivités auront à leur main un outil juridique clair.

Le respect des principes de la République implique, bien sûr, celui des droits des personnes, et notamment l’égalité entre les femmes et les hommes.

Les idéologies séparatistes s’attaquent d’abord aux femmes, en voulant décider à leur place ce qu’elles ont le droit de faire ou de ne pas faire. Ces idéologies ne supportent pas leur liberté, qui préfigure celle de la société dans son ensemble.

Nous pensons que toutes les femmes qui vivent en France doivent être respectées dans leur intégrité. Elles doivent toutes être protégées dans leur dignité, dans leur liberté. Le féminisme, c’est de ne pas accepter pour les autres femmes ce que l’on ne tolérerait jamais pour nous-mêmes, pour nos sœurs, pour nos filles.

Nous affirmons donc que les pratiques coutumières – mariage forcé, polygamie, discrimination des filles face à l’héritage, certificat de virginité – n’ont pas leur place dans notre pays. Ce texte permettra de renforcer encore l’arsenal existant et de combler certains vides juridiques.

Il y a des années de cela, la France a eu le courage de dire non à l’excision en prenant une loi forte, en montrant la voie à de nombreux pays du monde et en portant ce travail de conviction, via la diplomatie féministe. Nous devons aujourd’hui poursuivre ce combat et oser affirmer que la République ne tolère aucune atteinte à la dignité humaine et qu’aucune atteinte à la dignité des femmes n’est excusable au motif de la coutume ou de la pratique.

C’est ce que nous vous proposons avec le chapitre III, que l’Assemblée nationale a souhaité intituler « Dispositions relatives au respect des droits des personnes et à l’égalité entre les femmes et les hommes ».

Dans ce chapitre, nous veillons à l’égalité de traitement entre héritiers, afin que les filles ne puissent pas être déshéritées. Je tiens à remercier le garde des sceaux pour son engagement personnel sur cette mesure.

Nous instaurons également une réserve générale de polygamie pour la délivrance et le renouvellement des titres de séjour. Nous affirmons que les hommes de nationalité étrangère qui sont coupables de faits de polygamie n’ont rien à faire sur le sol français.

Nous voulons également interdire aux professionnels de santé d’établir des certificats de virginité.

Les professionnels qui en délivreront seront passibles de poursuites. Je veux être très claire, ce n’est pas en produisant des certificats de virginité, même s’il s’agit de certificats dits « de complaisance », que nous améliorerons la condition des jeunes femmes victimes de pressions séparatistes. Ce n’est pas en agissant ainsi que nous les protégerons.

La commission des lois a d’ailleurs souhaité apporter plusieurs modifications au texte, dans le prolongement des débats de l’Assemblée nationale, pour poursuivre également les personnes qui incitent ou contraignent à cette pratique. Je crois que ces modifications vont dans le bon sens.

Nous renforçons aussi la lutte contre les mariages forcés, après avoir consulté notamment l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), en rendant obligatoire la saisine du procureur de la République par l’officier d’état civil, dès lors qu’il y a un doute sérieux sur le consentement de l’un des deux époux.

Toutes ces dispositions s’accompagneront de politiques publiques fortes pour les concrétiser. Nous y travaillons déjà.

Enfin, le ministre de l’intérieur et moi-même avons déposé à l’Assemblée nationale des amendements pour mieux renforcer la laïcité dans le service public. La commission des lois du Sénat a souhaité les maintenir dans le texte qu’elle a élaboré, et je l’en remercie. Je crois en effet que la laïcité est le ciment de la citoyenneté et de la République, et qu’elle doit être au cœur du service public.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, la loi que nous portons est, je le pense, une loi de liberté raisonnable et équitable, qui respecte la liberté de culte et qui protège la liberté de conscience. C’est une loi qui, je l’espère, fera honneur à votre assemblée républicaine.

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