Monsieur le président, messieurs les ministres, madame, messieurs les rapporteurs – je n’oublie pas ces messieurs car ils l’ont été jusqu’à présent ! –, mes chers collègues, voilà un peu plus d’un an que le Président de la République a placé le terme de « séparatisme » au cœur de notre débat public, une prise de conscience tardive mais nécessaire.
Nous n’avions pas attendu cette parole présidentielle, toute bienvenue qu’elle soit, pour prendre la mesure du défi auquel fait face notre République. Le Sénat s’est penché, au travers de nombreux travaux, sur la question du terrorisme, sur la radicalisation, sur la place des cultes dans notre pays.
Le dernier en date de ces travaux a été mené par la commission d’enquête sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre.
Nous avions fait collectivement le constat de la nécessité de lutter contre la volonté d’une minorité active de soumettre à des normes prétendument religieuses la vie de nos concitoyens. Cette pression s’exerce sur les jeunes, sur les femmes, sur tous ceux que l’on veut assigner à résidence géographique ou identitaire.
Pour lutter contre ce phénomène, nous avions formulé plusieurs propositions que nous sommes heureux de retrouver en nombre dans ce texte. Composé dans son immense majorité d’anciens élus locaux, le Sénat mesure la réalité de l’islam radical et de ses conséquences sur la remise en cause de l’unité nationale.
Le texte que nous vous présentons est le fruit du travail de la commission des lois et de la commission de la culture du Sénat, de diagnostics de terrain et de larges concertations avec les élus, les représentants des cultes, des universitaires, des intellectuels et le monde associatif.
Je souhaite rapidement vous présenter les modifications adoptées par la commission des lois sur les articles que j’ai plus particulièrement suivis.
En ce qui concerne les services publics, le texte vise essentiellement à codifier de la jurisprudence et apporte peu d’innovations. Il entend inscrire dans la loi le respect des principes de neutralité et de laïcité des personnes chargées d’un service public, quelles que soient les modalités d’organisation de celui-ci.
Nous débattrons du champ d’application de ce principe et des personnes auxquelles il doit s’appliquer, une question qui me semble importante. Deux catégories de personnes sont en effet concernées.
La première est celle des personnes qui participent de manière occasionnelle au service public. La commission des lois considère qu’elles ne sont pas toutes dans la même situation, et qu’il est en pratique impossible de leur imposer à toutes la même exigence de neutralité. Cependant, nous le verrons, nous sommes favorables à aller au bout de la logique pour certaines d’entre elles, qui interviennent dans le cadre très particulier de l’école.
La seconde catégorie de personnes est celle des usagers des services publics. Ici encore, nous devons être réalistes. Imposer une neutralité des usagers du service public n’a pas de sens. À l’inverse, et nous aurons ce débat, interdire, dans certains cadres délimités, le port de signes religieux ostentatoires semble être une piste judicieuse.
S’agissant, ensuite, des mesures relatives au respect des droits des personnes et à l’égalité entre les femmes et les hommes, il nous a semblé nécessaire d’être efficaces sur ces questions essentielles et sensibles, en posant des principes clairs et en ne nous contentant pas de mots. Nous avons supprimé certains articles, comme l’article 13, et en avons précisé d’autres sur les certificats de virginité ou les mariages forcés.
J’en viens à la police des cultes.
L’actualisation des mesures relatives à ce sujet est bienvenue, et nous la soutenons. Nous nous sommes cependant attachés à préserver la responsabilité du ministre des cultes et avons rétabli l’article 35 de la loi de 1905, en prévoyant un quantum de peine actualisé et renforcé.
Par ailleurs, nous approuvons le principe d’une nouvelle mesure de fermeture administrative des lieux de culte en cas de provocation à la haine ou à la violence et avons porté sa durée à trois mois, tout en précisant les raisons pouvant conduire à cette extension. Parallèlement, nous souhaitons caractériser davantage les locaux annexes au lieu de culte qu’il sera possible de fermer s’il existe des raisons sérieuses de penser qu’ils seraient utilisés pour faire échec à l’exécution de la mesure de fermeture du lieu de culte.
Ces mesures pragmatiques, utiles, sont de véritables avancées dans la lutte quotidienne contre le séparatisme. J’espère que nous pourrons trouver ensemble les formulations les plus adéquates.
Ce texte nous permet de donner aux services de l’État des clés et des outils nécessaires pour lutter contre le séparatisme au service de la République et de ce ciment qu’est la laïcité. Néanmoins, il ne suffira pas à construire l’immense rempart que nous avons à bâtir tous ensemble : il n’en sera que la première pierre.