Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 30 mars 2021 à 14h30
Respect des principes de la république — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des finances s’est saisie pour avis de quatre articles – 10, 11, 12 et 46 –, qui ont trait à son champ de compétences. Il faut noter que ces articles n’entretiennent qu’un lien assez ténu avec la lutte contre les séparatismes et le respect des principes de la République.

Je l’ai dit en commission, même si ces articles sont justifiés sur le fond – nous allons d’ailleurs dans l’ensemble les approuver –, leur inscription dans ce projet de loi consacré à la lutte contre les séparatismes semble quelque peu opportuniste.

Ainsi, les articles 10 à 12 du projet de loi concernent l’encadrement aussi bien des avantages fiscaux attribués aux associations que de leur régime fiscal. Vous le savez, en France, les associations comme les fondations ou les fonds de dotation bénéficient d’un régime fiscal privilégié, celui du mécénat, qui permet de délivrer des reçus fiscaux aux contribuables afin de les faire bénéficier d’une réduction d’impôt au titre de leurs dons.

Ce régime est aujourd’hui très peu contrôlé, alors même – il faut le reconnaître et la commission des finances est bien là dans son rôle – que le montant de la dépense fiscale est important : la réduction de l’impôt sur le revenu coûte chaque année 1, 5 milliard d’euros et concerne un grand nombre – 5, 5 millions – de foyers fiscaux ; quant à la réduction de l’impôt sur les sociétés, c’est-à-dire le mécénat pour les sociétés, elle représente chaque année près de 800 millions d’euros et concerne 77 000 entreprises.

L’article 10 du projet de loi vise à instaurer une nouvelle procédure de contrôle : le contrôle de l’éligibilité de l’organisme au régime du mécénat, que Gérald Darmanin vient d’évoquer. Je dois rappeler – mais faut-il vraiment le faire ? – que les associations suppléent l’État dans de nombreux domaines. On peut penser au secours aux plus démunis ou aux associations d’aide humanitaire, qui interviennent particulièrement dans le contexte de la crise actuelle. Il ne faudrait donc pas que ce projet de loi, en particulier ses articles fiscaux, conduise à faire peser des contraintes trop lourdes sur ces organismes sans but lucratif, notamment sur les plus petites associations qui reposent sur le bénévolat.

Les rapporteures de la commission des lois et moi-même avons été, je le crois, constamment guidés par la recherche de ce point d’équilibre. C’est la raison pour laquelle nous avons été conduits à proposer le report de l’entrée en vigueur de l’article 10 au 1er janvier 2022. Il existe en effet un risque que les associations ou les organismes sans but lucratif, afin de se prémunir contre les contrôles qui seront instaurés à la suite de cette loi, demandent plus fréquemment le recours à la procédure dite du « rescrit mécénat », qui permet d’interroger l’administration fiscale pour savoir si l’on est éligible au bénéfice des reçus fiscaux.

Le recours au rescrit mécénat pourrait être d’autant plus massif que, comme la Cour des comptes l’a souligné dans un récent référé, la doctrine fiscale relative aux conditions d’éligibilité au mécénat n’est pas vraiment stabilisée. La doctrine est vaste, et les critères reposent sur des cas d’espèce. J’espère, messieurs les ministres, que le Gouvernement utilisera le délai supplémentaire que nous instaurons pour laisser le temps aux associations de s’adapter et que la doctrine pourra se stabiliser.

Nous soutenons évidemment l’instauration de ce contrôle – nous n’avons pas d’opposition de principe –, destiné à protéger autant la générosité des contribuables que l’État. Mais il ne s’agit pas de rendre les choses plus difficiles pour les plus petites associations.

L’article 11 tend à créer, quant à lui, une obligation pour les organismes sans but lucratif de déclarer chaque année à l’administration fiscale le montant global des dons et des versements dont ils ont bénéficié. Il faut le reconnaître, nous sommes là assez loin du séparatisme… Cette mesure concernera toutes les associations, monsieur le ministre de l’intérieur, et pas seulement les associations cultuelles. Mais elle permettra peut-être aussi de mieux piloter la dépense publique.

Néanmoins, cette obligation pourrait entraîner un risque d’alourdissement administratif. Certes, l’obligation sera rendue plus légère par la plateforme numérique qui sera mise à la disposition des associations pour faire leur déclaration annuelle. Il faudra veiller à ce que cette plateforme soit mise en œuvre dans les délais, car la réponse de la DGFiP (direction générale des finances publiques), qui nous annonce une mise en service progressive, m’inquiète quelque peu… C’est la raison du report au 1er janvier 2022 que nous avons proposé pour permettre au Gouvernement de s’adapter, afin que le portail soit pleinement opérationnel d’ici à cette date.

L’article 12 tend à élargir la liste des infractions susceptibles d’entraîner la suspension des avantages fiscaux au titre des dons. Là aussi, vous le savez, les infractions concernées sont aujourd’hui peu limitées puisque ce sont celles qui font peser une menace grave sur la société : terrorisme, blanchiment d’argent. Le nombre de condamnations est actuellement extrêmement réduit, avec moins d’une centaine par an.

J’en terminerai avec l’article 46 qui concerne le droit d’opposition de Tracfin, c’est-à-dire la capacité de bloquer une association. En commission, nous sommes revenus sur une disposition adoptée par l’Assemblée nationale qui renvoyait à un décret les conditions dans lesquelles les assujettis pouvaient ne pas répondre à certaines opérations.

En définitive, messieurs les ministres, si nous n’avons pas d’opposition de principe à ce texte, nous souhaitons veiller à préserver la vie associative, qui est très largement concernée par ce texte et bien au-delà.

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