Intervention de Max Brisson

Réunion du 30 mars 2021 à 14h30
Respect des principes de la république — Discussion générale

Photo de Max BrissonMax Brisson :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je centrerai mon intervention sur les articles concernant l’école.

Oui, c’est un fait, les tentations séparatistes pénètrent la République en son cœur le plus sacré, l’école, laquelle constitue de moins en moins l’asile inviolable espéré par Jean Zay !

Oui, c’est un fait, les tentations séparatistes menacent l’éducation de la jeunesse de France !

Je pense bien entendu à l’existence d’enfants « hors radars » de l’obligation d’instruction, qui ne sont ni ceux de l’école publique ou privée ni ceux de l’instruction en famille, lesquels sont parfaitement connus, identifiés, déclarés et recensés. Je pense bien aux écoles de fait, ces établissements clandestins qui se développent, sans même avoir besoin d’utiliser le faux nez de l’instruction en famille. Je pense aussi aux pressions auxquelles sont confrontés enseignants et chefs d’établissement au cœur même de l’école publique, où l’islamisme déstabilise les professeurs et les enseignements, la vie scolaire et la vie périscolaire et même le vivre-ensemble entre les garçons et les filles.

Ce projet de loi apporte-t-il des réponses ? Malheureusement, en matière d’éducation, le faisceau républicain rate la cible du séparatisme, tout en se retournant paradoxalement contre l’un de ses piliers : la liberté d’enseignement. Or, dès le 15 janvier 1850, Victor Hugo, déclarait : « À côté de cette magnifique instruction gratuite, […], je placerais sans hésiter la liberté d’enseignement, la liberté d’enseignement pour les instituteurs privés, la liberté d’enseignement pour les corporations religieuses ; la liberté d’enseignement pleine, entière, absolue, soumise aux lois générales comme toutes les autres libertés, et je n’aurais pas besoin de lui donner le pouvoir inquiet de l’État pour surveillant, parce que je lui donnerais l’enseignement gratuit de l’État pour contrepoids. »

Monsieur le ministre, l’article 21 de votre projet de loi symbolise bien ce pouvoir inquiet de l’État. Ainsi, vous n’hésitez pas à jeter par-dessus bord la liberté d’enseignement, en créant un régime d’autorisation.

Alors même que vous avez été incapable, au-delà des cas d’espèce, d’étayer le moindre corollaire entre instruction en famille et menaces séparatistes, alors que ni l’ampleur du phénomène ni les dérives ou les infractions au dispositif ne justifient le recul d’une liberté fondamentale, la liberté de choix des parents devient, avec ce texte, un motif de suspicion de séparatisme. Avant tout acte, les parents sont présumés coupables de ne pas poursuivre l’intérêt supérieur de leurs propres enfants, et la puissance publique est jugée seule apte à le définir. Nous passons bien d’un contrôle a posteriori, que je ne discute pas, à un contrôle sociétal a priori de l’intention et de la motivation même des parents.

Aussi notre commission a-t-elle eu la sagesse de supprimer l’article 21, tout en introduisant un certain nombre d’éléments permettant de renforcer les contrôles en cas de doute sérieux. Notre commission a ainsi rappelé avec force que la liberté de choix des parents ne peut être aliénée a priori. Elle a aussi rappelé avec force que les parents sont les premiers et les ultimes éducateurs de leurs enfants. Elle a surtout rappelé que la coexistence de propositions éducatives variées est le signe d’une société démocratique plurielle, respectueuse de la diversité, laquelle n’exclut pas la concorde nationale.

Mes chers collègues, à rebours du « pouvoir inquiet de l’État », je souhaite que l’examen de ce texte soit l’occasion de changer de paradigme pour mieux contrôler ce qui doit l’être, sans faire peser sur les familles qui ne font pas le choix de l’école publique une insupportable présomption de culpabilité.

Si nous devons mieux armer l’école publique et ses « hussards noirs », en améliorant leur formation ou en rompant avec la culture du « pas de vagues », si nous devons nous mobiliser pour que l’instruction publique demeure un contrepoids et redevienne porteuse de promesses et d’avenir pour les enfants de ce pays, ce n’est pas en se reniant et en se comportant en État inquiet que la République luttera contre le séparatisme. Car s’il devait y avoir, comme le proclamait Clemenceau, un conflit entre la République et la liberté, c’est bien la République qui aurait tort.

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