Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 30 mars 2021 à 14h30
Respect des principes de la république — Discussion générale

Gérald Darmanin :

Bien évidemment, nous pourrons travailler avec le Sénat sur ce sujet. Telle est d’ailleurs la position du ministre de l’éducation nationale. Mais nous devons rétablir un article 21, sous une forme ou une autre. Je le crois profondément, une partie de plus en plus importante de nos quartiers utilise, malheureusement, l’instruction en famille pour obéir à des motifs bien moins nobles que ceux que vous avez évoqués dans la discussion générale.

Monsieur Sueur, sur la question de l’organisation des cultes, vous m’avez demandé ce que cela pourrait bien changer. Votre interrogation est légitime.

Nous ne pouvons pas nous satisfaire du fait que 92 % des lieux de culte musulmans restent placés sous le régime de la loi de 1901. La volonté gouvernementale était de rendre obligatoire, sous cinq ans, le passage du régime de la loi de 1901 à celui de la loi de 1905. Le Conseil d’État, dans un avis extrêmement détaillé, qui appuie d’ailleurs fortement le projet de loi, chose rare pour un texte de cette nature, a indiqué que ce ne serait pas constitutionnel. Or mon travail, en tant que ministre de l’intérieur, ne consiste pas à faire des rodomontades pour, en définitive, voir le texte être censuré par le Conseil constitutionnel. Je dois m’adapter à l’état de notre droit. C’est pourquoi nous avons prévu de fortes incitations. À ce sujet, j’avais distribué un tableau lors de mon audition en commission.

Nous ne connaissons pas non plus les financements étrangers sur notre sol. Certaines associations constituées sur le fondement de la loi de 1901 – BarakaCity, Ummah Charity et d’autres officines que l’on pourrait qualifier d’islamistes – sont financées par des États, des fédérations ou des intérêts étrangers, sans pour autant être des lieux de culte. Millî Görüs, à Strasbourg, n’est pas une association cultuelle, c’est une association tout court !

Ne soyons pas naïfs et considérerons plutôt que nous devons connaître ces financements étrangers : nous devons savoir qui finance quoi sur notre sol et nous donner les moyens de nous y opposer.

Cette disposition, qui n’existe pas en l’état actuel, sera d’un grand bien pour la République. Le présent texte est particulièrement nécessaire – je remercie Mme la sénatrice Goulet de l’avoir souligné. La disposition a déjà été refusée par les chambres parlementaires : j’espère, cette fois-ci, qu’elle trouvera une issue plus positive.

En outre, nous ne pouvons pas accepter que des lieux de culte, quelle que soit la religion qui y est pratiquée, soient vendus à l’étranger sans que le Gouvernement ait son mot à dire. Que dire aux habitants d’Angers lorsque l’on apprend dans la presse que la mosquée de la ville et vendue au Maroc ? Nous nous entendons bien avec ce pays, et chacun sait que les Marocains sont les amis de la France, mais tout de même !

Si, demain, un lieu de culte était vendu à la Malaisie, au Qatar ou à l’Arabie saoudite, vous vous tourneriez immédiatement vers le ministre de l’intérieur pour lui demander d’intervenir. Or le ministre ne peut intervenir en l’état actuel du droit ; les dispositions intégrées au texte par l’Assemblée nationale lui donnent enfin ce pouvoir.

Aujourd’hui, des individus condamnés pour des faits de terrorisme ou inscrits au Fijait peuvent diriger une association cultuelle. Trouvez-vous normal qu’une personne puisse diriger une mosquée ou une église alors qu’elle a été condamnée pour apologie du terrorisme ?

Le projet de loi prévoit d’interdire aux personnes s’étant rendues coupables de concussion avec une entreprise terroriste, quelle que soit la nature des faits en cause, de diriger un lieu de culte. C’est la moindre des choses ! Aujourd’hui, je n’ai pas les moyens d’intervenir alors que vous m’interpellez presque toutes les semaines sur la situation de personnes qui, en dépit de leur condamnation ou de certains propos, dirigent un lieu de culte ! Je le répète, le projet de loi donne enfin au ministre de l’intérieur les moyens d’intervenir.

Je ne reviendrai pas sur les immeubles de rapport et leur importance…

Monsieur Retailleau – je le dis également à M. Bas –, nous n’avons pas choisi de faire une loi ad hominem ; nous n’avons pas souhaité retirer la limite de la non-reconnaissance des cultes. Pour un fait de droit évident, parce que c’est un principe républicain, comme l’a rappelé Mme de La Gontrie, et pour une raison d’opportunité, nous pensons sincèrement que, face aux moments graves que nous connaissons, nous devons veiller à ne pas faire basculer du côté des islamistes la très grande majorité des musulmans. Ces derniers se posent naturellement des questions ; ils se demandent s’ils sont les bienvenus dans la République, si l’on respecte la vie de leurs parents et de leurs grands-parents et si leurs enfants pourront vivre de manière libre, parce qu’ils voient leur foi être caricaturée.

Nous devons les rassurer, comme tous les enfants de la République, mais nous devons aussi prendre en considération que le combat idéologique des islamistes vise à récupérer l’oumma, c’est-à-dire la communauté. Notre réponse – vous avez raison, monsieur Retailleau –, c’est la communauté nationale. Il y a un « combat » à mener pour cette communauté. Mais attention à la mesure de trop ! Attention à cette mesure qui ferait basculer du mauvais côté tous ceux qui, parmi nos compatriotes, de façon tout à fait franche et honnête, se posent des questions eu égard à ce qu’ils voient, ce qu’ils entendent, à la façon dont ils vivent la République !

Je suis d’accord avec une partie des interlocuteurs de gauche, et je sais que la droite doit penser la même chose. L’urbanisme, la politique de peuplement, l’immigration, le social, l’éducation ont bien évidemment leur place dans la lutte contre le séparatisme. Mais ce n’est pas un discours de politique générale que l’on m’a demandé de porter…

Je remercie ceux qui apportent leur soutien à ce texte. Je pense au groupe RDPI, aux radicaux, aux centristes, de manière générale, ainsi qu’au groupe issu du Modem et de La République En Marche. Je comprends que des interrogations subsistent, que des alertes soient lancées. Je conçois aussi que certaines dispositions ne seront pas votées. Mais je remercie par avance ceux qui manifestent leur soutien : il fait chaud au cœur.

Je comprends aussi que la gauche – le parti communiste, les écologistes et les socialistes –, même si elle trouve quelques constats intéressants et approuvera sans doute certains combats, ne votera pas en faveur de ce texte. Je le déplore et espère pouvoir la convaincre du contraire. Quoi qu’il en soit, je respecte ses opinions.

En revanche, je n’ai pas bien saisi quelles étaient les intentions de vote du groupe Les Républicains. Sans doute, monsieur Karoutchi, attendez-vous les amendements déposés par votre groupe…

Je regrette que, à l’Assemblée nationale, les députés du groupe Les Républicains aient adopté 83 % des articles présentés par le Gouvernement, pour finalement voter contre le texte. Je respecte cependant cette position. Les députés m’ont dit attendre la façon dont le Sénat améliorera le texte. De nombreux amendements ont été acceptés par le Gouvernement, venant de tous les groupes de l’Assemblée nationale d’ailleurs.

Je veux dire au groupe Les Républicains du Sénat que c’est dans un esprit de compromis que le Gouvernement vient discuter ce texte, parce qu’il est très important pour la République. Devant les difficultés, « Fou qui fait le délicat », peut-on lire dans La Rose et le Réséda, pour citer le poème d’un auteur que n’ont pas cité nos camarades communistes.

Je vous en conjure, mesdames, messieurs les sénateurs, le temps presse ! Il est peut-être déjà trop tard… Mais mieux vaut tard que jamais ! Refuser une partie, parce que l’on veut le tout, n’a jamais fait la politique d’un parti de gouvernement.

1 commentaire :

Le 04/04/2021 à 17:34, aristide a dit :

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"pour citer le poème d’un auteur que n’ont pas cité nos camarades communistes."

Le communisme est fini, terminé, rendez-vous à l'évidence.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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