… ni la neutralité politique – ce serait absurde – ni la neutralité religieuse. Le devoir de discrétion n’existe pas dans notre droit, dans notre laïcité. Cette dernière prévoit seulement la pluralité religieuse et l’expression des opinions mêmes religieuses, ainsi que la neutralité des agents publics. Le droit est fait de telle sorte que l’équilibre est gardé entre ce que nous devons accepter pour la nécessaire neutralité de l’action publique et la liberté de chacun, à commencer par celle des élus d’une assemblée délibérative.
Le maire, lorsqu’il agit comme officier d’état civil ou officier de police judiciaire, ainsi que les adjoints ou les conseillers municipaux qui exercent ces fonctions de façon déléguée, pour célébrer un mariage par exemple, sont tenus à la stricte neutralité politique et religieuse. Mais lorsque le maire préside le conseil municipal, il n’est pas agent de l’État : il exerce une fonction délibérative que lui confie le suffrage universel direct. C’est la seule autorité qui est à la fois agent de l’État et élu d’une assemblée délibérative. Tous les autres élus – parlementaires, conseillers régionaux, conseillers départementaux, conseillers d’agglomération, etc. – ne sont tenus à aucune neutralité, pour la seule raison qu’ils n’ont pas de pouvoir de police : ils ne sont pas des représentants de l’État.
En résumé, le maire de même que les conseillers municipaux ne sont tenus à la neutralité que lorsqu’ils agissent en qualité d’agents de l’État.
Les règlements des assemblées législatives ont valeur constitutionnelle ; ils s’imposent dans le bloc de constitutionnalité. Il appartient donc à votre assemblée de régir le port de tel ou tel signe, ou de certains vêtements.
À l’échelon des collectivités locales, un règlement intérieur peut déterminer les règles de bienséance applicables au sein d’un conseil municipal, mais ne peut jamais limiter l’expression d’opinions même religieuses. Le Conseil d’État a plusieurs fois statué en ce sens, car cela porte atteinte à la liberté d’expression d’une femme qui souhaite porter un foulard ou d’un ecclésiastique élu au sein d’une assemblée délibérative – il y en a encore beaucoup dans les conseils municipaux des petites collectivités.
Votre amendement, dont l’adoption imposerait la neutralité aux élus, non pas en leur qualité d’agents de l’État, mais en tant que citoyens élus par des pairs, serait à coup sûr inconstitutionnel, car contraire au principe même de notre laïcité.