Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 30 mars 2021 à 14h30
Respect des principes de la république — Article 1er

Gérald Darmanin :

L’article 1er du projet de loi est très important. Je ne voudrais pas qu’on le réduise à la question des sorties scolaires.

Il est proposé d’étendre la neutralité exigée des agents du service public à l’ensemble des personnes qui concourent au service public. Le texte déposé par le Gouvernement et enrichi par l’Assemblée nationale vise les délégations de service public, les marchés qui concourent directement au service public, les offices d’HLM, les CAF, Pôle emploi et tous ceux qui concourent à ce service public.

Contrairement à ce que Mme la rapporteure a indiqué, l’article 1er n’est pas qu’une codification de ce qui existe déjà. Il s’agit d’aller beaucoup plus loin que la simple jurisprudence. En tant qu’élus locaux, nous sommes nombreux à dénoncer depuis longtemps l’existence de règles contraires au principe de neutralité dans les transports en commun.

Revenons aux amendements examinés. Par conviction, je suis profondément opposé à la disposition proposée.

D’abord, la catégorie des « collaborateurs occasionnels » du service public n’existe pas en droit. Certes, elle est évoquée par la jurisprudence du Conseil d’État, notamment dans le cas particulier des personnes venant au secours d’autres, afin de permettre aux assurances attachées à un tel acte héroïque de citoyenneté de s’appliquer.

Ensuite, la comparaison qui est faite avec les jurés d’assises n’est pas pertinente. Une maman accompagnatrice lors d’une sortie scolaire ne perçoit aucune indemnité, contrairement à un juré d’assise. S’il est normal d’exiger un devoir de neutralité en échange d’une indemnité, même infime, on ne peut évidemment pas en demander autant à une personne qui viendrait au secours d’une autre ou à une maman qui accompagnerait une sortie scolaire.

Dès lors, le dispositif proposé encourt à coup sûr, me semble-t-il, une censure du Conseil constitutionnel.

Au demeurant, le législateur de 2004 n’a délibérément pas prévu d’étendre l’interdiction du port de signes religieux aux accompagnateurs scolaires, sauf s’ils font partie du monde de l’éducation nationale. C’est tellement vrai que, sous un autre gouvernement, celui de Nicolas Sarkozy et de François Fillon, au lieu d’inscrire une telle disposition dans la loi de 2010 sur le port du voile intégral – la volonté du Sénat, de l’Assemblée nationale ou du gouvernement de l’époque aurait pu s’exprimer sur ce texte –, M. Chatel a pris une circulaire prévoyant l’interdiction pour les accompagnants scolaires d’exprimer leurs convictions religieuses par leur tenue. Si M. Chatel a opté pour une circulaire, texte de rang normatif inférieur à celui d’une loi, c’est bien parce qu’une loi aurait à coup sûr été invalidée par le Conseil constitutionnel.

Au-delà du sujet constitutionnel – il ne s’agit pas de faire que du droit, même si le droit est important –, je voudrais formuler trois remarques.

Premièrement, l’argument de « l’école hors les murs » est rhétorique. Les enseignants, qu’ils soient dans les murs de l’éducation nationale ou hors de ces murs mais payés en tant que fonctionnaires de la République, sont évidemment tenus au devoir de neutralité. Mais là, nous parlons de parents d’élèves.

Deuxièmement, je trouve assez contradictoire de vouloir à tout prix supprimer toute expression religieuse des parents au nom du principe de neutralité de l’école publique tout en laissant les écoles sous contrat ou hors contrat autoriser le port de vêtements religieux. §Je rappelle d’ailleurs que le port du foulard islamique est possible dans certaines écoles catholiques sous contrat de notre République. Je m’étonne, comme je m’en suis étonné à l’Assemblée nationale, que les demandes ne concernent que l’école publique.

Il me semble tout aussi contradictoire, monsieur Brisson, que vous défendiez avec tant d’ardeur l’instruction en famille, où, par définition, tout vêtement religieux peut être porté intégralement sans le moindre contrôle de l’État, tout en vous montrant aussi sévère à l’égard des mamans qui accompagneraient une sortie scolaire avec un foulard. Il ne m’est pas apparu jusqu’à présent que le port d’un signe religieux par une femme était un acte antirépublicain.

1 commentaire :

Le 05/04/2021 à 09:23, aristide a dit :

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"Au-delà du sujet constitutionnel – il ne s’agit pas de faire que du droit, même si le droit est important –, je voudrais formuler trois remarques"

On n'a pas à sortir du droit, sinon on va tout droit vers la télé poubelle, avec des chaînes d'information en continue qui ne vivent que du scandale et du contresens.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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