Intervention de Nadine Kersaudy

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 4 mars 2021 : 1ère réunion
Table ronde sur l'accès des femmes aux responsabilités dans les collectivités des territoires ruraux et sur le rôle des élus pour y faire avancer l'égalité

Nadine Kersaudy, maire de Cléden-Cap-Sizun, représentant l'Association des maires ruraux de France (AMRF) :

Bonjour Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les sénateurs, chers collègues, bonjour à tous. Je suis maire d'une commune rurale et littorale du Finistère depuis 1995. J'étais la plus jeune maire du département à l'époque, ce qui m'a valu beaucoup de railleries puisque l'on m'appelait « la gamine ». À l'origine, je ne souhaitais pas devenir maire mais seulement m'inscrire sur une liste ouverte pour participer à la vie municipale. L'opposition a mal vécu mon élection et il a fallu que je fasse mes preuves. Nous étions très soudés au sein de notre équipe, ce qui m'a motivée pour la suite.

J'ai toujours eu à coeur que les femmes soient représentées. Début 1995, nous étions sept femmes, puis neuf lors de mon deuxième mandat et enfin huit lors du troisième. En 2014, l'élection s'est déroulée au scrutin de liste puisque ma commune comptait un peu plus de 1 000 habitants. Puis en 2020, nous avons appliqué le scrutin majoritaire plurinominal à deux tours. Il est bien dommage que le scrutin de liste ne concerne pas l'ensemble des communes car le scrutin majoritaire plurinominal à deux tours, avec le panachage, constitue un procédé archaïque. Que notre action plaise ou non, nous avons au moins le mérite de nous présenter au suffrage devant les électeurs pour faire avancer nos communes. Ce qui compte le plus, c'est de voir qu'avec notre équipe, nous parvenons à dynamiser et à apporter des services.

Depuis que je suis élue, je participe à un certain nombre de travaux, que ce soit avec l'Université de Bretagne occidentale (UBO), les associations d'élus et les réseaux comme Elles aussi ou Rien sans elles, afin d'encourager les femmes à s'engager en politique. Dans ma commune, je n'ai jamais eu de difficulté à convaincre des femmes de s'engager et je pense qu'il est même plus facile de trouver des femmes que des hommes. Mais les élus de terrain pourront faire tout leur possible pour inciter les femmes, si le statut de l'élu n'est pas amélioré, nous n'y arriverons pas. Avant chaque échéance électorale municipale, nous organisons des réunions sur ce sujet avec la préfecture du département ou au niveau régional ; nous avançons lentement mais le statut de l'élu est primordial. Nous faisons face à de fréquentes railleries ou à de « violences sexistes ».. J'ai toujours pensé que sur une femme maire pesait l'obligation de résultat. Quand vous parlez et que vous êtes sûre d'avoir raison, vous êtes toujours confrontée à des interrogations d'hommes qui vous demandent si vous êtes vraiment sûre de ceci, qu'ils n'ont pas entendu parler de cela. Il faudra changer les mentalités mais ce n'est pas simple ! Si nous organisons régulièrement des formations et animons des réseaux, il faudrait cependant que ce sujet fasse l'objet d'évolutions législatives.

Pour parler de l'intercommunalité, qui ne constitue d'ailleurs toujours pas une collectivité, je regrette infiniment que la loi, dès le départ, n'ait pas prévu a minima deux représentants de chaque commune pour assurer la parité. Peu de communes auraient contesté la parité dans ces conditions. Nous avons pu mettre en place ce dispositif au conseil départemental et nous pouvons nous réjouir de constater aujourd'hui l'existence d'instances paritaires. En outre, ne disposer que d'un seul délégué n'est pas compatible avec le fait que l'intercommunalité existe pour mener un travail d'équipe, pour développer un projet de territoire, pour faire à plusieurs ce qu'on ne peut pas faire seul.

Une ancienne élue de ma commune s'est rapprochée de son domicile dans une commune proche et s'est présentée lors des élections municipales de 2020. Je me dis alors que j'ai fait mon travail, en donnant envie à des femmes de participer à la vie politique au sein d'autres conseils municipaux. Cela est très encourageant et j'en parle en connaissance de cause car mes mandats ont été émaillés de projets difficiles à mener qui m'ont valu de nombreuses contrariétés, lesquelles n'auraient, selon moi, pas été infligées à un homme. J'ai vécu un mandat très compliqué de 2001 à 2008 mais en 2008, il ne manquait que 95 électeurs pour faire « carton plein ». L'équipe adverse nous diffamait sans cesse et les journaux nous insultaient. C'est là que nous avons constaté qu'un maire de terrain n'est qu'un simple maire et que même en allant au tribunal pour faire valoir nos droits, nous ne sommes pas grand-chose. Les électeurs nous ont cependant élus car ils ne voulaient pas travailler avec les personnes de l'équipe adverse. Mes collègues m'ont dit ensuite qu'ils n'auraient pas tenu le coup par rapport à tout ce que j'avais subi. Heureusement que j'avais une équipe soudée à mes côtés.

Un dernier point, le statut est vraiment primordial. Ma commune n'est pas soumise à la parité pour ces élections et j'ai quand même plus de femmes que d'hommes dans mon exécutif ; je n'ai qu'un seul homme adjoint. Mon ex-première adjointe m'avait indiqué, avant les dernières élections, qu'elle resterait conseillère mais qu'elle ne serait plus ma première adjointe car cela était compliqué au niveau de son travail et de sa vie familiale - elle a encore des enfants en bas-âge. J'assume toutes mes fonctions dont celle de vice-présidente de la communauté de communes, entourée d'hommes. Lors de ce mandat, le président a voulu mettre en place un bureau exécutif avec l'ensemble des maires, contrairement au mandat précédent au cours duquel le bureau était uniquement composé d'hommes et était très difficile à gérer en raison de relations compliquées et de problèmes d'ego. Le président actuel a souhaité nommer chacun des maires vice-président mais cela reste compliqué car les hommes, lorsqu'ils sont en désaccord avec le président, n'osent pas l'affronter.

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