Intervention de Danièle Bouchoule

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 4 mars 2021 : 1ère réunion
Table ronde sur l'accès des femmes aux responsabilités dans les collectivités des territoires ruraux et sur le rôle des élus pour y faire avancer l'égalité

Danièle Bouchoule, co-présidente de l'association Elles aussi :

Bonjour à toutes et à tous et merci à Madame la présidente et à la délégation de donner à l'association Elles aussi l'occasion de présenter quelques conclusions des enquêtes récentes qu'elle a menées. Concernant l'accès des femmes aux responsabilités dans les collectivités rurales, le constat incontournable est le suivant : après les élections de 2020, nous sommes encore très loin de la parité dans les petites communes de moins de 1 000 habitants et dans les conseils communautaires pour lesquels aucune loi paritaire n'existe de manière contraignante. En zone rurale, dans les communes de moins de 1 000 habitants où il n'existe aucune contrainte paritaire, 34,6 % seulement des conseillers municipaux sont des femmes. La sous-représentation des femmes est flagrante dans les intercommunalités avec 36 % de femmes dans les conseils, 25,6 % dans les vice-présidences et seulement 11,6 % dans les présidences. Ces statistiques sont bien sûr le résultat de l'insuffisance du système actuel de fléchage pour les conseils communautaires et de l'absence totale de contrainte dans leurs exécutifs. Nous remarquons que les femmes président majoritairement des EPCI de petite taille, souvent dans la ruralité. Elles président 12,5 % des EPCI de moins de 15 000 habitants et seulement 8,7 % des EPCI de plus de 300 000 habitants.

Madame la présidente, dans son propos introductif, a rappelé l'exigence de l'article 28 de la loi Engagement et proximité. Nous prenons acte du lancement de la mission de l'Assemblée nationale sur ce sujet, qui doit publier son rapport au printemps 2021. Nous formons des espoirs pour des avancées efficaces. Nous pensons que ces évolutions législatives amèneront des solutions, et lèveront notamment le frein culturel qui appartient à notre histoire, laquelle a pendant très longtemps exclu les femmes de la citoyenneté. Nous pouvons citer de nombreuses situations où les femmes ont été oubliées, des reconductions de vieux modèles inégalitaires, de stéréotypes dans la vie politique comme d'ailleurs dans la vie professionnelle, familiale, sociale et domestique. Nous pouvons également dire qu'il existe dans la ruralité des freins particuliers qui limitent l'engagement des jeunes femmes. Il s'agit notamment de difficultés de transport et de mobilité, ou d'offres d'emploi plus réduites. Nous savons que les femmes souhaitent conserver leur activité professionnelle pour garder leur autonomie, d'où une difficile conciliation entre mandat et profession. Il existe également des difficultés liées aux offres d'accueil des jeunes enfants, à l'éloignement des offres d'activité culturelles et sportives et de soins.

Quelles sont les préconisations de l'association Elles aussi pour un meilleur accès aux responsabilités politiques ? À Elles aussi, nous pensons premièrement qu'il faut un scrutin de liste paritaire alterné pour les communes de moins de 1 000 habitants comme pour les autres communes. Pourquoi traiter à part les petites communes dans la loi républicaine ? Il s'agit finalement d'une question de démocratie et d'égalité entre tous les territoires de la République. L'objection souvent entendue selon laquelle nous ne trouverons pas suffisamment de candidates a été mise en défaut en 2000, en 2007 et en 2013. Nous trouvons des femmes si nous les cherchons et c'est souvent assez facile dans les petites communes car les gens se connaissent. À l'objection sur le risque d'anti-constitutionnalité ou sur le risque d'absence de confrontation démocratique dans le cas où il n'existerait qu'une liste, nous répondons que dans de nombreuses communes de 1 000 à 3 000 habitants, il n'existait qu'une seule liste en mars 2020, notamment en Bretagne ; or le résultat a été validé par les préfectures.

Deuxièmement, dans les exécutifs locaux des communes et intercommunalités, nous préconisons d'élire le bloc exécutif (maire-adjoint/adjointe ou présidence/vice-présidence) sur une liste paritaire alternée. Nous pensons que ce tandem paritaire constituera un symbole fort de la légitimité des femmes à occuper des postes de responsabilité, un symbole du refus du plafond de verre et un moyen d'utiliser les compétences des femmes. Nous abordons ainsi la question de la parité à la fois quantitative et qualitative dans les exécutifs locaux. C'est tout à fait possible, il faut de la volonté politique. En Bretagne par exemple, sur cinquante-quatre EPCI, nous trouvons dix exécutifs quasiment paritaires et pourtant il n'existe pas de loi contraignante.

Troisièmement, dans les conseils communautaires, qui constituent des instances regroupant de très nombreuses compétences où la sous-représentation des femmes est flagrante, si le fléchage est maintenu, il ne garantit pas la parité et ne peut qu'être provisoire me semble-t-il. Nous rencontrons inévitablement un sérieux problème avec le fléchage, ayant trait à la question des petites communes qui n'y envoient qu'une seule personne, le maire dans 80 % des cas. Nous préconisons de favoriser la création de communes nouvelles par fusion de petites communes, ce qui permettrait d'augmenter le nombre de membres représentés à l'intercommunalité, de favoriser la parité et d'augmenter le poids de ces communes au sein de l'intercommunalité, d'augmenter l'efficacité de la gestion communale par mise en commun de services, de compétences. Enfin, en Europe, le nombre important des petites communes françaises est tout à fait particulier. Nous pouvons également penser qu'il faut assouplir le fléchage actuel pour que le maire, un homme dans 80 % des cas, ne soit pas automatiquement envoyé à l'intercommunalité, ce qui permettrait de participer au non-cumul des mandats, à la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Il faut enfin donner à la conférence des maires tout son poids avec un rôle de réflexion et de préparation des orientations stratégiques. La deuxième possibilité qui nous semble la meilleure a trait à l'élection du conseil communautaire au scrutin direct avec liste paritaire alternée. Il s'agirait premièrement d'appliquer cette méthode aux vingt-et-une métropoles. L'article 54 de la loi modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM » prévoyait une telle élection. Nous pouvons nous inspirer de la métropole de Lyon et du scrutin des élections régionales. Nous pouvons dire que la parité est possible puisque dans la métropole de Lyon, le conseil métropolitain est paritaire ainsi que le bloc exécutif. La deuxième étape consisterait à étendre ce scrutin direct à toutes les intercommunalités sur le principe de l'égalité entre tous les territoires de la République et favoriser ainsi la parité dans toutes les métropoles et dans toutes les intercommunalités. À l'objection entendue selon laquelle les élus communautaires ne seraient pas automatiquement membres des conseils municipaux, nous répondons que les sujets traités par les communes et par les intercommunalités sont différents, que bien évidemment les élus communautaires et les élus municipaux se concerteront, ce qui relève du débat démocratique et d'une représentation élective transparente et constructive ; nous estimons également que cela participe au non-cumul des mandats, avec toutes ses conséquences bénéfiques.

Quatrièmement, nous avons d'autres préconisations, d'abord en termes d'avancées complémentaires dans les limitations des cumuls de mandats (mandats simultanés et mandats dans le temps). Des avancées ont été réalisées mais il en faut encore progresser. Il est ensuite nécessaire de prévoir des avancées sur le statut de l'élu local, au-delà des avancées de 2015 et de 2019. Il s'agit de verser des indemnités à la hauteur du travail, de favoriser les formations d'élus quelle que soit leur fonction, de soutenir les bilans et les validations d'acquis, d'informer les candidats et les candidates qui ne sont ni élus ni adhérents d'un parti pour favoriser l'engagement des femmes, et enfin de penser à la place des femmes dans la ruralité dans les syndicats de communes et dans les pôles d'équilibre territorial et rural. Il n'existe aucune règle paritaire dans ces instances sur lesquelles une attention particulière doit être portée.

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