Intervention de Reine Lépinay

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 4 mars 2021 : 1ère réunion
Table ronde sur l'accès des femmes aux responsabilités dans les collectivités des territoires ruraux et sur le rôle des élus pour y faire avancer l'égalité

Reine Lépinay, co-présidente de l'association Elles aussi :

Bonjour Madame la présidente, bonjour Mesdames les sénatrices, Messieurs les sénateurs, bonjour Mesdames et Messieurs, je vais intervenir sur le rôle des élus pour faire avancer l'égalité entre les femmes et les hommes. Tout d'abord, je dirais que le partage du pouvoir en politique aura pour effet de construire une société plus égalitaire entre les femmes et les hommes. À noter également que toute mesure favorisant cette égalité peut aider les femmes à s'engager sur des postes à responsabilité à la fois dans le domaine professionnel et dans le domaine politique, là où justement la difficile conciliation entre les deux fait débat. Je vous propose de présenter mon propos en deux temps, en vous parlant dans un premier temps des outils existants ou à créer qui peuvent faire avancer cette égalité, puis en en exposant des actions locales concrètes.

En ce qui concerne les outils, nous pouvons recenser deux outils existants et un troisième qui pourrait être créé. Le premier outil existant, qui date de 2005-2006, est la Charte européenne pour l'égalité femmes-hommes dans la vie locale. Il s'agit d'une charte basée sur six principes, développée par le Conseil des communes et régions d'Europe (CCRE). Elle peut constituer un premier guide pour les collectivités locales, afin de trouver des idées et faire avancer l'égalité femmes-hommes. Encore faut-il évidemment que cet engagement soit souhaité et respecté, ce qui est lié à une volonté politique. Le deuxième outil correspond à l'article 61 de la loi du 4 août 2014 pour l'égalité femmes-hommes qui demande aux communes et aux EPCI de plus de 20 000 habitants de mener sur leur territoire des politiques publiques d'égalité à partir de 2016. Est associé à cet article de loi un guide de conseils édité conjointement en 2015 par le ministère du droit des femmes et le centre Hubertine Auclert, de la région Ile-de-France. Or il existe un réel problème d'application de cette disposition de la loi, en l'absence d'évaluation, de contrôle et, le cas échéant, de sanctions. Nous pourrions imaginer un troisième outil, à savoir la création d'un poste d'adjointe à l'égalité pour toutes les communes et un poste de vice-présidente à l'égalité femmes-hommes dans toutes les intercommunalités.

Venons-en aux actions, parmi lesquelles nous pourrions répertorier plusieurs mesures, dont certaines pourraient être rapidement adoptées tandis que d'autres devraient l'être dans un avenir plus lointain, les changements de mentalité prenant du temps. Nous pourrions déjà envisager des actions dans le domaine des politiques publiques, notamment en appliquant le principe d'égaconditionnalité lorsque les collectivités accordent des aides, des subventions, ou établissent des conventions avec de l'argent public. Nous savons que toutes les collectivités subventionnent des associations et nous pourrions imaginer que la subvention soit conditionnée au strict respect de l'égalité femmes-hommes dans ces associations. Par ailleurs, nous pourrions imaginer prendre en compte à la fois les attentes des hommes et des femmes et équilibrer les réponses apportées localement, dans le cadre d'un budget « genré ». Cela relève encore une fois d'une volonté politique. Dans le domaine social, nous pouvons agir, surtout dans les communes. Le rôle du centre communal d'action sociale (CCAS) est très important auprès de la population. Il peut recueillir des témoignages, orienter, informer, être vigilant au sujet des violences sexuelles et sexistes dont nous parlons beaucoup aujourd'hui, ces problèmes étant particulièrement prégnants dans les territoires ruraux où il est plus difficile pour les femmes de pouvoir faire part de ce qu'elles vivent. Dans le domaine périscolaire, à la charge des communes, nous pourrions imaginer de renforcer l'éducation à la citoyenneté et l'engagement des jeunes, sans bien sûr oublier l'égalité femmes-hommes. Ce n'est pas difficile à mettre en place et relève encore une fois de choix à faire au niveau politique. Il serait également possible de promouvoir l'éducation sur l'égalité filles-garçons dans tous les domaines, qu'il s'agisse du domaine professionnel, familial, politique, associatif ou de la citoyenneté. Tout cela peut être imaginé au sein même des communes, y compris au sein des plus petites communes. Dans l'organisation des offres culturelles et sportives, nous pouvons imaginer en permettre l'égal accès aux filles, aux garçons, aux femmes et aux hommes et promouvoir l'image de la femme ou des femmes créatrices dans tous les domaines, par des expositions, des rencontres et des spectacles tout au long de l'année - et pas uniquement le 8 mars. Nous pouvons également favoriser les liens entre les acteurs locaux investis en faveur de l'égalité en organisant des rencontres entre tous ces acteurs pour rendre leurs actions visibles et promouvoir l'égalité femmes-hommes. Enfin, dans les transports et les espaces publics, les élus peuvent jouer un rôle et améliorer la place occupée par les femmes, par exemple dans les écoles, où j'avais l'idée du partage des cours de récréation. Certains maires se sont penchés sur cette problématique puisque les écoles relèvent de la compétence des communes. Nous pouvons aussi réfléchir à ce que les femmes et les hommes aient un accès équitable aux sports qui leur conviennent et qu'ils ou elles choisissent.

Je terminerai en disant que le partage du pouvoir politique aura pour effet de construire une société plus égalitaire. Nous pouvons mener des actions égalitaires pour permettre aux femmes de s'engager plus facilement en politique et dans la gestion communale. Il existe deux moteurs essentiels pour l'engagement des femmes dans les responsabilités politiques : l'éducation de toutes et de tous sur le principe de l'égalité femmes-hommes et l'engagement professionnel des femmes qui est seul en capacité de leur donner une autonomie financière ; c'est cela qui permet une liberté de choix dans l'engagement politique. Aujourd'hui, pour beaucoup d'entre elles, le renoncement à un mandat politique s'apparente à un non-choix ; il ne tient donc qu'à nous de faire avancer les choses, spécifiquement par la loi. Je vous remercie.

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