Intervention de Perrine Forzy

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 4 mars 2021 : 1ère réunion
Table ronde sur l'accès des femmes aux responsabilités dans les collectivités des territoires ruraux et sur le rôle des élus pour y faire avancer l'égalité

Perrine Forzy, vice-présidente du conseil départemental de l'Eure, représentant l'Assemblée des départements de France (ADF) :

Mesdames et Messieurs, bonjour. J'apprécie beaucoup les propos de mon collègue conseiller départemental sur les bienfaits de la parité obligatoire à l'échelle des conseils départementaux. Il faut quand même reconnaître que cela n'a pas été simple pour y parvenir.

J'ai le souvenir qu'en début de mandat en 2015, au moment de la constitution des commissions, je me suis insurgée lorsqu'il nous a été proposé une commission à l'action sociale uniquement féminine et une commission des finances uniquement masculine. J'ai réalisé qu'une prise de conscience ne s'était pas opérée. Ce n'était sans doute pas intentionnel et beaucoup de femmes trouvaient cela normal, beaucoup d'hommes trouvaient cela normal aussi mais personnellement, cela me choquait et heureusement, un collègue m'a cédé sa place au sein de la commission des finances, mais quelques mois plus tard, il m'a été proposé de prendre la vice-présidence de la commission à l'action sociale, ce que j'ai accepté.

Pour ma part, j'ai un parcours semblable à beaucoup d'autres. Je m'étais présentée au départ aux élections départementales en 1998 ; j'avais à peine quarante ans. Un ancien conseiller général était venu me chercher alors que je venais d'être élue maire. Je n'ai pas été élue, ce que je n'ai pas regretté car il m'aurait été difficile d'élever mes quatre enfants, en bas âge à l'époque, tout en menant de front mon mandat de maire, ma fonction de mère de famille et celle d'élue d'un conseil départemental ! Cela ne m'a pas empêchée d'occuper quatre mandats de maire, deux mandats de présidente d'intercommunalité, dont le dernier d'une intercommunalité agrandie à plus de 30 000 habitants, sachant que j'étais la présidente de la plus petite intercommunalité, ce qui montre que le plafond de verre n'est pas aussi difficile à briser qu'on le pense.

Je pense que les profils très différents apportés par la féminisation des conseillers départementaux est une bonne chose. Cela a amené de la fraîcheur et une manière différente d'aborder les sujets. Je remarque quand même qu'il existe une forme d'entre soi chez beaucoup de collègues masculins, certains groupes restent encore assez fermés et je pense que cela est davantage dû à une façon d'être entre hommes, peut-être à une forme de grivoiserie ou de gauloiserie. Ils ne sont pas forcément très à l'aise lorsque nous intégrons leur groupe car cela modifie leur manière de se détendre. Je pense que cela relève d'habitudes de travail à développer dès le plus jeune âge, afin que chacun trouve sa place au sein de groupes mixtes.

Je me retire petit à petit de la vie politique après quatre mandats de maire, deux mandats de présidente d'intercommunalité et un mandat de conseillère départementale. J'arrive à un stade de ma vie où d'abord je trouve qu'il est important de laisser la place à d'autres, notamment au niveau de la commune de 330 habitants que j'accompagnais jusqu'ici ; je pense également qu'il y a des âges, pour les femmes, où elles peuvent avoir envie de privilégier leur vie de jeune mère, ou bien comme moi en ce moment, de privilégier leur temps de grand-mère et d'épouse d'homme à la retraite. Il faut laisser chaque femme choisir et trouver la manière de s'investir mais il est difficile de repérer ces femmes. Pendant deux mandats, j'étais la seule femme maire de mon canton. Petit à petit, cela se féminise mais aujourd'hui, je dois réfléchir afin de trouver le profil de la femme qui voudra s'investir et dont le mari, le conjoint, sera prêt à l'accompagner car je pense que c'est important. Une conseillère municipale de mon équipe s'est retrouvée par deux fois enfermée en dehors de sa maison en rentrant d'un conseil municipal car son mari avait mal vécu le fait que je l'ai sollicitée plutôt que lui ! Il s'agit d'une réalité, certains conjoints peuvent encore aujourd'hui difficilement accepter le rôle de leur femme. Il existe donc la question de l'appétence de la femme mais également celle du couple. La question de mobilité est également primordiale ; j'habite à une heure et quart de trajet de l'Hôtel du département et il est vrai qu'en milieu rural, trouver le temps de s'investir n'est pas forcément facile.

S'agissant de la parité dans les intercommunalités, j'ai réussi à composer des conseils municipaux paritaires sans y avoir été obligée, le fait qu'il n'y ait qu'un seul délégué par commune rurale ne facilite pas la parité dans les intercommunalités et cela semble être le point focal sur lequel il faut travailler de manière plus spécifique.

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