Je vous remercie de votre accueil. Je suis accompagnée par Cécile Cassouret : conseillère en stratégies territoriales, elle s'occupe en particulier des départements ultramarins et complétera utilement mon propos.
En propos liminaire, puisque vous avez déjà auditionné la DGOM et la DHUP, je rappellerai brièvement que l'ANAH est un établissement public administratif ayant pour mission depuis cinquante ans d'améliorer le parc privé de l'habitat détenu par des propriétaires occupants et des propriétaires bailleurs, de plus en plus concernés par la rénovation énergétique, laquelle passe par des travaux d'amélioration de l'habitat dans son ensemble.
Le régime des aides de l'Agence est différent en métropole et dans les départements ultramarins. Il a été décidé voilà plusieurs années de créer une ligne budgétaire unique (LBU), gérée par le ministère des outre-mer, pour financer un certain nombre d'actions complémentaires de celles de l'Agence. Par conséquent, nous ne finançons dans les départements ultramarins que les travaux des propriétaires bailleurs - à l'exclusion de ceux des propriétaires occupants - et nous accompagnons les collectivités territoriales dans l'ingénierie, notamment les études préopérationnelles, le suivi-animation et la direction de projet.
Une petite nuance a été introduite dans ce distinguo entre propriétaires bailleurs et propriétaires occupants le 1er janvier 2020 lorsqu'a été créée une aide nouvelle distribuée par l'Agence : MaPrimeRénov'. Cette aide à la rénovation énergétique a été ouverte à l'origine aux propriétaires occupants modestes et très modestes, et sur l'ensemble du territoire français, c'est-à-dire à la fois en métropole et dans les départements d'outre-mer. Les travaux des propriétaires occupants ultramarins sont donc financés, non sur les programmes « historiques », mais au travers de cette nouvelle aide.
Le décor est campé concernant les règles qui régissent notre intervention outre-mer. Je répondrai donc maintenant aux questions dans l'ordre où elles nous ont été transmises.
Vous avez cité le nouveau plan Logement outre-mer 2019-2022. Nous sommes engagés dans ce plan qui concerne un certain nombre d'établissements publics nationaux, dont l'ANAH. Nous avons notamment, dans une mesure dite « 2.2.2 », établi un programme d'objectifs faisant l'objet d'une convention pluriannuelle entre l'ANAH, le ministère des outre-mer et le ministère de la ville et du logement. Les derniers points de cette convention viennent d'être finalisés, et elle devrait être signée sous peu. Il s'agit d'améliorer l'investissement dans le parc privé, de dynamiser les programmes nationaux à l'instar du programme Action coeur de ville, qui s'est beaucoup développé dans les départements d'outre-mer, du plan « Initiative copropriétés » ou du plan national « Logement d'abord » pour aider les plus démunis à trouver un logement après la rue, sans passer nécessairement par des structures d'hébergement. Des adaptations sont nécessaires pour une bonne articulation entre les financements du ministère des outre-mer via la LBU et les aides de l'ANAH. Elles sont également en cours de réflexion et figurent dans la convention.
Dernier élément très important de ce plan Logement outre-mer 2019-2022, MaPrimeRénov' a donc été ouverte en 2020 aux propriétaires occupants modestes et très modestes - les quatre premiers déciles de la population française -, et depuis le 1er janvier 2021 à tous les propriétaires occupants, y compris dans les départements d'outre-mer (DOM). Les propriétaires bailleurs pourront en bénéficier à compter du mois de juillet 2021.
Vous nous avez interrogés sur le financement et la coordination, en particulier sur les résultats exceptionnels de l'Agence en 2019 et en 2020, ainsi que sur le déploiement dans les départements d'outre-mer. Trois facteurs principaux expliquent cette situation, à commencer par le fait que l'intervention sur le bâti existant est en constante augmentation et de plus en plus portée par la puissance publique, l'État et les collectivités territoriales. L'incitation à ouvrir moins de terres à l'urbanisation se fait toujours plus insistante dans les documents programmatiques de l'habitat et dans ceux qui sont relatifs à l'urbanisme.
Deuxième facteur, les programmes nationaux lancés par le Gouvernement dès le début du quinquennat : le programme Action coeur de ville, prolongé par le programme Petites villes de demain, le plan Logement d'abord qui permet pour partie d'intervenir sur le parc privé et le plan « Initiative copropriétés » en faveur des copropriétés les plus dégradées.
Troisième facteur, une certaine stabilité budgétaire. Le budget de l'ANAH n'a subi aucune tension budgétaire ces dernières années. Il a même été augmenté par le Gouvernement. En conséquence, les éléments votés par le conseil d'administration de l'Agence en fin d'année pour l'année n+1 sont tenus sur toute l'année. Les programmes impliquent fortement les collectivités territoriales, les opérateurs qui oeuvrent sur le terrain et les habitants. A travers cette implication, nous envoyons vers les territoires des signaux de cette stabilité et d'une capacité à s'engager dans des démarches d'intervention sur l'habitat privé.
Qu'entend-on par « résultats exceptionnels » ? Cela signifie que les objectifs fixés chaque année par le Gouvernement à l'Agence sont complètement atteints, y compris pour 2020, année exceptionnelle de crise sanitaire. Néanmoins, durant le confinement, qui a affecté tous les opérateurs, les services de l'Agence, à Paris et dans tous les territoires, ont réussi à engager les dossiers ; à la sortie de cette période à la fin du printemps de 2020, les entreprises sont retournées sur le terrain et les services ont continué leur action en faveur des propriétaires, y compris le paiement des subventions lorsque les travaux sont réalisés, qu'il s'agisse des aides historiques de l'ANAH ou de MaPrimeRénov'. Nous avons ainsi atteint les objectifs ambitieux qui nous avaient été fixés.
La dynamique est également positive dans les DOM. En effet, en 2021, le montant d'aide qui leur est réservé est en augmentation de 3,3 millions d'euros, dont 700 000 euros sont dédiés à la rénovation énergétique des copropriétés dans le cadre du plan de relance. Outre ces aides, l'enveloppe prévue pour MaPrimeRénov' est quasiment de 1,5 milliard d'euros sur l'ensemble du territoire national. Les propriétaires occupants dans les DOM peuvent en bénéficier s'ils répondent aux conditions d'attribution de l'aide. Aucune limite n'a été fixée entre la métropole et les départements ultramarins.
La deuxième question portait sur le premier bilan du dispositif MaPrimeRénov', lancé en 2020. Les résultats dans les DOM sont un peu en deçà de ceux de la métropole, car c'est une aide nouvelle en outre-mer, alors qu'elle s'inscrivait dans la continuité d'une aide existante en métropole. Lorsque l'ANAH aide des propriétaires bailleurs à réaliser des travaux, elle s'adresse à des personnes qui ne sont pas forcément des professionnels du bâtiment, ce qui requiert de leur part un temps d'adaptation et d'appropriation de l'aide. Nous avons été particulièrement concernés par ce phénomène en 2020, première année où les propriétaires occupants dans les outre-mer ont pu en profiter.
MaPrimeRénov' s'intègre dans un écosystème d'aides spécifiques dans la mesure où une aide de l'ANAH est toujours assortie d'autres enveloppes. Elle est complétée par les certificats d'économie d'énergie en métropole, et par les aides de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) dans les DOM. Le temps de montage des dispositifs financiers pour accompagner les propriétaires prend du temps. Près de 700 dossiers ont été engagés en 2020 pour bénéficier de MaPrimeRénov'. Entre le 11 janvier dernier, date où cette aide a été plus largement ouverte aux propriétaires occupants, et la fin du mois de février, 500 dossiers ont été déposés. En deux mois, les demandes ont représenté 70 % du volume de 2020. Par ailleurs, quatre cinquièmes des aides de 2020 ont été engagées à La Réunion, département particulièrement dynamique. En revanche, aucune ne l'a été en Guyane et à Mayotte. C'est dire si les différences entre les départements sont réelles.
Le volume de ces aides, qui monte progressivement en puissance, s'explique par la nouveauté du dispositif et le temps nécessaire d'appropriation. Par ailleurs, les aides du programme MaPrimeRénov' ne sont distribuées aux propriétaires que s'ils répondent aux critères d'éligibilité et font appel à une entreprise reconnue garante de l'environnement (RGE), dont le nombre est moindre dans les DOM. Enfin, autre élément important : les besoins en matière de rénovation énergétique sont différents entre les DOM et la métropole ; il convient d'ajuster les aides en fonction des besoins réels. Afin d'adapter les critères techniques aux spécificités ultramarines, un groupe de travail, piloté par la DHUP, a été mis en place, auquel participent la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), la DGOM et l'ANAH.
Concernant MaPrimeRénov', l'ANAH distribue cette aide de l'État mais ne communique pas directement sur ce dispositif. Les actions de communication sont portées par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et pilotées par le ministère chargé du Logement. À l'ANAH, nous effectuons un travail d'information et de formation des agents qui oeuvrent pour le compte de l'Agence dans ces départements et nous permettent de communiquer en direction des collectivités territoriales et des opérateurs instruisant ces aides.
Une autre question portait sur le plan Logement outre-mer (PLOM). Une part importante de ce plan concerne l'articulation des aides de l'ANAH et celles portées par le ministère des outre-mer, notamment dans le cadre de la LBU. Cette coordination doit être plus lisible pour les acteurs. Une convention pluriannuelle va être signée par l'ANAH, le ministère chargé du logement et le ministère des outre-mer, dans laquelle on retrouve des dispositions qui n'étaient pas prévues dans le PLOM.
Ce plan met tout d'abord l'accent sur la nécessité de consolider les connaissances. Le parc privé est peu connu, il requiert beaucoup d'études, et nous nous sommes fixés un objectif commun de consolidation des connaissances avec le ministère chargé du logement et le ministère des outre-mer.
Deuxièmement, les actions pour intervenir sur un parc privé sont tout à fait spécifiques. Dans les DOM, on trouve des habitats informels, sans titre de propriété, sur lesquels il est compliqué pour l'ANAH d'intervenir. Une stratégie d'action est donc nécessaire, cela rejoint à la fois la question de la connaissance et les possibilités d'intervention.
Autre axe important, celui de la formation et de l'information. Les modalités d'intervention sur du bâti appellent des compétences spécifiques et complexes. Nous avons besoin de former et d'informer sur les dispositifs existants et les bonnes pratiques.
Dernier axe enfin : le suivi de l'évaluation et du contrôle, afin de dresser des bilans des actions, de lutter contre les phénomènes de fraude et, si nécessaire, de faire évoluer les aides à la lumière des retours d'expérience.
L'impact du programme Action coeur de ville est très positif. Il rejoint notamment un des points évoqués dans le PLOM, avec la mise en place de véritables stratégies d'intervention en concertation avec les collectivités territoriales. Ces interventions relèvent d'une volonté globale de revitalisation territoriale qui concerne la rénovation de l'habitat mais aussi l'amélioration de l'espace public, le développement des mobilités, le traitement des équipements... Céline Cassourret peut vous citer quelques exemples intéressants.