Intervention de Jacques Maureau

Délégation aux entreprises — Réunion du 4 mars 2021 à 9h00
Table ronde sur les : « difficultés des tpe et pme dans la crise : comment franchir le cap du 1er semestre 2021 ? »

Jacques Maureau, vice-président du Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables :

Nous sommes très heureux de pouvoir participer à cette table ronde. L'Ordre des experts-comptables compte 21 000 professionnels, experts-comptables inscrits au tableau de l'Ordre ainsi que 6 000 experts-comptables stagiaires, futurs professionnels prochainement diplômés, 130 000 collaborateurs et surtout 2 500 000 entreprises accompagnées au quotidien.

Mes propos, nécessairement, se rapprocheront de ceux du président Ollivier puisque nous travaillons sur la même matière : les entreprises. Indéniablement, la fonction de l'expert-comptable est plus élargie large parce que, par nature, nous intervenons aussi auprès de très petites entreprises qui n'ont pas l'obligation de recourir à un commissaire aux comptes. Nous ne sommes pas liés à nos clients par une mission légale mais contractuelle, qui nous lie aux dirigeants d'entreprises. Dans le cadre de cette mission, nous avons un devoir de conseil, notamment quand l'entreprise rencontre des difficultés. Ce devoir existe depuis toujours. Nous avons toujours assisté des entreprises en difficulté, ce qui explique que les experts-comptables aient constamment veillé à entretenir des liens serrés avec les tribunaux de commerce et leurs greffiers, afin de tout mettre en oeuvre pour aboutir à des solutions de préservation de l'entreprise et de l'économie. Nous participons d'ailleurs à ce titre, de manière active, aux centres d'information et de prévention - qui se rapprochent sans concurrence aucune des Groupements de prévention agréés (GPA) - - dont le but est d'informer et d'accompagner de manière lae plus anonyme possible des dirigeants en difficulté.

Notre métier au quotidien réside dans l'accompagnement des chefs d'entreprise, j'insiste sur ce point. Cet accompagnement a pris toute son ampleur avec la crise sanitaire. Dès la phase 1, la plupart des entreprises se sont tournées vers nous afin d'avoir des réponses sur leur avenir. Il faut saluer à ce titre les mesures de soutien à l'économie prises, qui, de l'avis unanime, ont joué un rôle de « parapluie » au-dessus des entreprises, mais leur ont permis avant tout de passer une première phase catastrophique. Pour les experts-comptables, la tâche a été lourde car même si les mesures étaient bonnes, elles n'ont pas été faciles à déployer. On le conçoit aisément, mes propos ne sont pas une remise en cause. Nous avons dû collaborer de manière extrêmement étroite avec les différents services de l'Etat pour le déploiement du fFonds de solidarité et du chômage partiel. Cette période de première phase de crise sanitaire a sincèrement changé nos relations avec nos clients, qui ont trouvé une ressource supplémentaire dans les services offerts par les cabinets d'expertise-comptable. Ce résultat est dû d'une part aux experts-comptables et à l'engagement de leur personnel, mais également à la très bonne collaboration qui s'est installée avec la Direction générale des finances publiques (DGFiP), la Direction générale des entreprises (DGE) et les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), dans le seul but de sauver un maximum d'entreprises.

La première phase, de mars à avril 2020, a été une phase de sidération. Les entreprises, comme l'ensemble de la population, ont été mises devant le fait accompli sans maîtriser totalement la situation. A la rentrée 2020 et à partir de la deuxième phase de confinement, la situation a changé. Les entrepreneurs ont ainsi réalisé, de manière imminente, les risques de remise en cause de la pérennité de leurs entreprises. Aujourd'hui, nous nous trouvons dans une troisième phase, qui consiste à faire l'état de la dette des entreprises. Celles-ci commencent à envisager de rembourser les PGE et les dettes accumulées. Les dirigeants d'entreprise ont pris conscience de leur situation réelle. Notre fonction primordiale sera d'accompagner les entreprises pour mettre en place des plans prévisionnels de sortie de crise en matière d'économie, mais aussi en termes de désendettement. Nous sommes particulièrement sensibles à cette période délicate, démoralisante et parfois décourageante pour certains, qui jusqu'alors avaient tenu grâce à une sorte de déni. Notre profession s'est bien entendu engagée, et a participé de manière active à la mission confiée à M. Richelme, en portant des propositions tant économiques que juridiques. Ces propositions seront selon nous, des moyens de favoriser la sortie de crise la plus favorable possible.

Avant toute chose, nous avons posé le constat selon lequel les entreprises accompagnées franchiraient mieux cette période difficile. Pour cette raison, nous tenons à appuyer toutes les mesures incitatives pour permettre aux entreprises de recourir à un expert-comptable. On pourrait y voir une position de préservation de la profession ou de volonté de développement de notre clientèle, mais tel est loin d'être le cas. Pour que le tissu économique local se maintienne et retrouve rapidement son dynamisme, il est nécessaire d'éviter un effet de dominos par lequel un grand nombre d'entreprises s'écrouleraient, en entraînant beaucoup d'autres dans leur sillage. C'est pourquoi au même titre que les commissaires aux comptes, nous sommes demandeurs d'un retour sur les signaux faibles, qui nous permettraient de déceler des situations de fragilité et de difficultés immédiates chez nos clients. De plus, nous avons proposé d'exercer un rôle d'accompagnement de nos clients dans des phases préliminaires aux procédures collectives, notamment dans certains cas - sans aucune concurrence avec les administrateurs judiciaires - dans le cadre de missions ad hoc de conciliation. Nous bénéficions en effet de connaissances acquises sur le dossier, qui permettent une plus grande réactivité.

Le point essentiel, sur lequel la profession d'expert-comptable souhaite insister, est cette mission contractuelle qui nous lie à nos clients, de devoir de conseil et d'accompagnement. Tout doit être fait pour inciter les chefs d'entreprise à avoir recours à nos conseils, tout en ayant conscience que les commissaires aux comptes et d'autres acteurs ont des missions légales de prévention. Nous souhaitons insister sur le rôle actif que la profession peut jouer aux côtés de l'économie et de la gestion sociale des entreprises. Par le tissu relationnel que nous avons su créer avec les différents partenaires territoriaux et de l'entreprise, nous estimons exercer un rôle premier aux côtés de nos clients, les dirigeants.

J'insisterai en outre sur le fait qu'à l'heure actuelle, nos clients nous sollicitent avec des plans de remboursement des PGE. C'est la première prise de réalité sur la dette accumulée pendant la période de soutien à l'activité, et c'est la première fois qu'ils doivent envisager un plan de sortie au sens large. Nos clients nous sollicitent par conséquent pour travailler avec eux sur des mécanismes de relance de leur activité et de sortie de crise, dont nous ne connaissons pas malheureusement le calendrier pour le moment. Cette prise de conscience due à l'obligation de se positionner sur les remboursements de PGE sera la première phase à gérer avec nos clients.

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