Merci Messieurs Ollivier et Maureau de m'avoir ouvert un boulevard pour notre GPA, car nous sommes les derniers dans la hiérarchie et sur le terrain. Je remercie également Christian Nibourel d'avoir resitué à leur juste place les AGS, qui jouent en effet un rôle social très important.
Les GPA ont été développés à partir de 2017 dans la région Centre. Même si nous avons été un petit laboratoire d'expériences - et Serge Babary a fait partie des personnes qui nous ont aidés sur le terrain - la crise de la COVID a permis de mettre en place à l'échelon national l'ensemble des GPA. Onze régions sont couvertes aujourd'hui grâce à « l'armée de réserve des entreprises » (selon le terme de Bernard Hibert), composée en grande partie d'anciens experts-comptables, commissaires aux comptes, banquiers et représentants des institutions professionnelles, venus nous rejoindre dans cette période exceptionnelle pour aider les autres.
Je reviendrai sur quelques chiffres que vous avez donnés en partie, relativement à l'état des lieux. La France compte 3,2 millions d'entreprises, dont 90 % de TPE et PME. 50 % sont des entreprises de moins de dix salariés, tandis que le reste est constitué d'entreprises de moins de vingt salariés. 650 000 entreprises ont reçu un PGE, dont 88 % étaient aussi des entreprises de moins de dix salariés. M. Nibourel a communiqué le nombre d'entreprises défaillantes, sujet que je connais puisque j'ai eu la chance d'être juge au tribunal de commerce de mon département. Suivant les années, ont été concernées entre 55 000 et 65 000 entreprises par an, dont 70 % vont en liquidation immédiate. Sur les 30 % restantes, 50 % auront droit à un pPlan (soit 15 % du total). Finalement, seules 2 % iront au bout de leur plan. Par conséquent, nous avons un sentiment de gâchis au sein de la CPME et du GPA. Nous estimons qu'il est inutile de créer des milliers de micro-entreprises si 55 000 d'entre elles font défaut à terme. Les sommes communiquées par M. Nibourel pour payer ensuite les salariés suite à ces défaillances sont colossales pour la France.
Chacun des intervenants suivants a insisté sur l'importance de l'anticipation, constat que je partage entièrement. C'est notre coeur de métier. Les chefs d'entreprise possédant une certaine expérience peuvent certes avoir une capacité de réflexion et d'analyse, mais nous avons aussi décidé de proposer des outils supplémentaires, dont les premiers sont les GPA. A ce jour, environ 800 entreprises ont été traitées en deux ans dans notre région. Pendant la période COVID, nous avons reçu plus de 1 000 appels. Notre légitimité est acquise grâce à la compétence de l'ensemble de nos experts et la confidentialité dont nous faisons preuve. Nous possédons également l'avantage de proposer un accompagnement gratuit, car les frais de fonctionnement des GPA sont financés par les régions. De surcroît, nous sommes en mesure de pratiquer une anticipation grâce à nos lanceurs d'alerte. Les signaux faibles ont été évoqués, mais aujourd'hui comment avoir l'information ? Tel est le vrai problème. Alors que l'expert-comptable est le premier allié de l'entreprise, il n'est malheureusement pas toujours informé des difficultés rencontrées par son client car la détresse du chef d'entreprise le conduit parfois à se renfermer sur ses difficultés. C'est pourquoi nous avons décidé d'inviter toutes les parties autour de la table, à commencer par l`Urssaf et le Régime des indépendants, mais aussi la DGFiP, la DIRECCTE, la Banque de France et le terrain, c'est-à-dire les élus locaux et régionaux. Nos premiers partenaires sont les experts-comptables, les banques et aussi les branches, car il appartient avant tout aux chefs d'entreprise de trouver des solutions pour leurs pairs.
Les GPA sont composés d'une quinzaine de personnes. Dans notre région, environ 90 chefs d'entreprise et acteurs de vos professions sont présents sur le terrain au quotidien. Si un grand nombre de structures ont la capacité de donner des avis et un conseil, nous allons plus loin car nous exerçons une mission globale. La cellule d'écoute du tribunal a le mérite d'exister, mais elle signifie aussi que les entreprises concernées ne sont déjà pas loin des ennuis majeurs, surtout si l'on sait que 70 % d'entre elles seront liquidées.
En ce qui nous concerne, nous entendons traiter les causes et non les conséquences. Pour ce faire, il est nécessaire de trouver des moyens financiers, accompagner les entreprises et évaluer l'état de la dette avec pragmatisme. Nous aidons les experts-comptables sur le sujet car nous avons levé des fonds conséquents. Aujourd'hui, nous constatons l'existence d'un paradoxe. Il y a un an et demi, toutes les entreprises avaient un carnet de commandes, tandis que la situation de l'emploi était en amélioration. Il était donc relativement aisé d'obtenir le soutien des banques pour investir. Aujourd'hui, les carnets de commandes sont affectés, l'emploi se détériore mais la disponibilité des fonds foisonne dans les régions et l'Etat, avec peu de personnes en capacité de les investir. Le paradoxe est donc grand pour les chefs d'entreprise. De plus, s'agissant du PGE, nul n'a expliqué aux chefs d'entreprise la différence entre une caution simple et une caution solidaire. C'est pourquoi nombre de chefs d'entreprise pensaient qu'en cas de défaillance de leur part, l'Etat se substituerait à eux dans le remboursement du prêt. Or en réalité, l'Etat ne cautionne les entreprises qu'à la condition que les banques aient activé tous les procédés de recouvrement des créances. En d'autres termes, si l'entreprise est défaillante pour rembourser son PGE, les leviers classiques des procédures collectives seront actionnés. Cette réalité n'a pas été mise en évidence à l'occasion de la communication politique sur le terrain.
Dans notre région, nous avons levé des fonds auprès des assurances, et sommes aujourd'hui en capacité de prêter à nos entreprises entre 2 et 4 millions d'euros à taux zéro sur huit ans, avec un différé d'un an sans garantie sur du besoin en fonds de roulement (BFR). Par conséquent, nous travaillons sur la mutation économique avec des entreprises qui ont un modèle économique et un carnet de commandes. Ce travail s'effectue en coopération avec les banques et les fonds de la revitalisation. J'attire l'attention des experts-comptables et des commissaires aux comptes sur le fait que nous aurons des fonds très conséquents à notre disposition pour revitaliser les territoires, après qu'un nombre très élevé de plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) seront constatés. De ce fait, nous aurons les moyens d'aider les entreprises qui le nécessiteront.
Nous avons construit un outil global pour écouter, accompagner et financer les entreprises. Nous travaillons avec tous les acteurs du territoire, en particulier les institutionnels de l'Etat. Nous travaillons sur les causes et non sur les conséquences, et avons acquis une grande expérience en la matière.