Intervention de Jacques Maureau

Délégation aux entreprises — Réunion du 4 mars 2021 à 9h00
Table ronde sur les : « difficultés des tpe et pme dans la crise : comment franchir le cap du 1er semestre 2021 ? »

Jacques Maureau, vice-président du Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables :

En complément des propos qui viennent d'être tenus, je rappelle que le PGE était un contrat en deux temps. Le déblocage des fonds au printemps 2020 s'est plutôt bien déroulé pour les entreprises les plus à l'aise et les plus solides, notamment dans leurs relations avec leur banque. Néanmoins, ce contrat prévoyait qu'au terme de dix mois suivant le déblocage des fonds, l'entreprise devait se positionner sur un plan de remboursement immédiat ou échelonné sur une période d'un à cinq ans. La principale bonne mesure a été l'option possible de choisir un différé supplémentaire d'un an, c'est-à-dire le démarrage du remboursement effectif de la dette PGE à l'issue de vingt-quatre mois. Cependant, la contrainte complémentaire tient à l'obligation d'un remboursement en quatre ans. Or dans la mesure où le montant du PGE représente jusqu'à 25 % du chiffre d'affaires, les niveaux de remboursement peuvent poser des difficultés dans une économie au redémarrage incertain à l'issue de la crise. Comme le précisait M. Duceau, dans l'esprit de certains chefs d'entreprise, la possibilité que cette dette s'éteigne ou s'échelonne sur des délais plus longs a sans doute pu germer. Bien entendu, la profession n'a en aucun cas colporté ou conforté de telles rumeurs car nous savions que l'engagement était contractuel.

En définitive, le début du remboursement du PGE doit donner lieu, dans les années à venir, à la possibilité de transformer cette dette exigible par des prêts participatifs ou des échelonnements sur des durées plus longues. Pour toute la dette COVID, nous avons un souci majeur. La dette, une fois constatée en comptabilité, a pour effet immédiat de dégrader la cotation de l'entreprise. A ce titre, nous souhaiterions que la dette COVID soit clairement identifiée dans les comptes de l'entreprise, et qu'elle soit extraite de l'endettement récurrent. En effet, le taux d'endettement est supérieur à la normale, ce qui entraîne des effets néfastes pour les entreprises. Nous partageons le souci des organisations patronales de prise en compte de cette problématique.

En tout état de cause, l'expert-comptable a certes un rôle d'accompagnement de l'entreprise, mais est aussi tenu par une contrainte liée à la capacité contributive de ses clients. En d'autres termes, notre budget d'honoraires suppose que notre mission soit proportionnelle au budget engagé. Par conséquent, nous ne sommes pas au quotidien dans l'entreprise. La relation ne fonctionne qu'à la condition d'une parfaite relation de confiance entre l'expert-comptable, son équipe et le client chef d'entreprise. Je ne sais pas si ce point est propre à la culture française ou latine, mais faire face à des difficultés dans son entreprise équivaut, dans la perception du dirigeant, à se mettre en situation d'échec. Toutes les cellules d'accompagnement oeuvrent par conséquent pour éviter toute situation de déni, de honte ou d'évitement de la confrontation avec la réalité de son entreprise. Nous avons d'ailleurs mené ce débat avant même la crise COVID, avec notamment l'accompagnement par les professionnels de l'expertise-comptable de leurs clients en difficulté, grâce à des mesures de prévention. Les chefs d'entreprise en difficulté, généralement, se referment sur eux-mêmes et se coupent des conseils des professionnels, par peur d'être mis dans une position désagréable. Si un dirigeant perd sa source de rémunération et parfois même son patrimoine, que devient-il ? Nous connaissions ce sujet avant la crise COVID, et je crains qu'ils ne deviennent encore plus prégnants aujourd'hui.

Les signaux faibles, dans l'hypothèse où une comptabilité est tenue parfaitement à jour au quotidien, nous reviennent naturellement. Pour autant, nos missions varient entre accompagnement et assistance périodique. C'est pourquoi nous avons proposé de remonter un certain nombre de signaux faibles, essentiellement les incidents de paiement avec certaines administrations et les inscriptions de privilèges directement liées. L'Ordre des experts-comptables a ainsi signé une convention de partenariat avec les greffiers des tribunaux de commerce, afin d'échanger ce type d'informations dans un cadre légal. Lors de la mission sur la justice économique, nous avons présenté des propositions de mesures incitatives au recours à un expert-comptable en phase d'activité classique, mais également dans les cas où l'entreprise rencontrerait des difficultés. Le renforcement de l'assurance des difficultés des entreprises, notamment, permettrait d'assurer un budget de fonctionnement aux experts-comptables, aux côtés des entreprises qui ne seraient plus en mesure d'acquitter leurs honoraires.

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