Chers collègues, avant de débuter notre audition, je vous rappelle que dans la perspective de l'examen en séance publique au Sénat du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui devrait avoir lieu au cours de la première semaine de mai, notre collègue Claudine Lepage poursuit ses travaux sur le sujet de l'égalité femmes-hommes comme enjeu de l'aide publique au développement. Elle avait été nommée rapporteure sur cette thématique au nom de notre délégation au cours de la session 2019-2020. Elle fera à ce titre une communication en délégation, puis une intervention en discussion générale à l'occasion de l'examen de ce texte.
Nous nous intéressons ce matin, dans le cadre de notre rapport « Femmes et ruralités », aux conditions de vie des jeunes femmes en milieu rural, et accueillons à ce titre deux intervenantes ayant récemment publié des études sur le sujet :
- Laurie Pinel, chargée d'étude au Bureau Jeunesse Famille de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) et auteure d'une étude intitulée Conditions de vie des jeunes femmes en zone rurale : des inégalités par rapport aux hommes ruraux et aux urbaines, publiée en juillet 2020 ;
- et Yaëlle Amsellem-Mainguy, sociologue, chargée de recherche à l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP), auteure d'une enquête sur les jeunes femmes en milieu rural issues des classes populaires, intitulée Les filles du coin, publiée en septembre 2019, et d'un ouvrage du même nom à paraître aujourd'hui même.
Je les remercie de s'être rendues disponibles pour nous ce matin.
À l'attention de nos invitées, je précise que la délégation aux droits des femmes du Sénat a inscrit à son agenda de 2021 un travail destiné à établir un bilan aussi complet que possible de la situation des femmes dans les territoires ruraux, à partir de thèmes tels que la santé, la lutte contre les violences, l'orientation scolaire et universitaire, la mobilité, la précarité ou l'égalité professionnelle.
Notre objectif est aussi, à l'occasion de ce rapport, de mettre en valeur des femmes qui, par leur engagement, contribuent au dynamisme de ces territoires.
Je précise également que nous avons désigné, pour mener à bien notre travail, une équipe de huit rapporteurs associant tous les groupes politiques de notre assemblée et qui représentent des territoires très divers : Vienne, Drôme, Lozère, Rhône, Hautes-Alpes, Haute-Garonne, Finistère et Dordogne.
Avec nos deux intervenantes, nous nous intéressons donc aujourd'hui aux conditions de vie des jeunes femmes en milieu rural.
Laurie Pinel, en tant que chargée d'étude à la DREES, pourra notamment nous apporter un éclairage statistique sur les conditions de vie des jeunes femmes en zone rurale et souligner les inégalités auxquelles elles sont confrontées, à la fois vis-à-vis des jeunes hommes vivant dans ces territoires, mais aussi vis-à-vis des jeunes urbaines.
Yaëlle Amsellem-Mainguy, en tant que sociologue et auteure d'une enquête de terrain très fouillée auprès de jeunes femmes vivant dans des territoires ruraux très variés et souvent issues des catégories populaires, pourra nous expliquer en quoi l'origine géographique de ces jeunes filles a une influence déterminante sur leur destin scolaire et professionnel.
La question de l'orientation scolaire des jeunes filles qui grandissent dans les territoires ruraux est d'ailleurs pour notre délégation un sujet crucial. Nous avons conscience que ces jeunes filles sont confrontées non seulement aux difficultés que rencontrent les jeunes ruraux dans la définition de leurs projets d'orientation, mais aussi aux stéréotypes de genre. Ces obstacles cumulés contribuent pour ces jeunes filles à des choix doublement contraints vers des filières souvent moins prestigieuses et moins prometteuses en termes de débouchés professionnels.
Comment se manifestent concrètement les freins qui brident les ambitions des jeunes filles qui grandissent dans les territoires ruraux ? En quoi ces freins sont-ils spécifiques par rapport aux obstacles que rencontrent les garçons des mêmes territoires et à ceux que rencontrent des jeunes femmes issues d'autres zones géographiques ?
Quels sont les facteurs de la spécificité des trajectoires scolaires et professionnelles des jeunes femmes en milieu rural : la construction des réseaux de sociabilité ? Les difficultés de mobilité ? Les stéréotypes de genre ? Quel est l'impact de ces facteurs sur l'insertion socioprofessionnelle de ces jeunes femmes ? Avez-vous observé sur le terrain des bonnes pratiques permettant d'aider efficacement les jeunes filles des territoires ruraux à réaliser leur potentiel ? Quels sont, selon vous, les leviers les plus efficaces pour orienter les politiques publiques vers une véritable égalité des chances à l'attention des jeunes filles de ces territoires ? Autant de questions auxquelles j'invite nos deux intervenantes à répondre ce matin.
Je vais donc, dans un premier temps, donner la parole à Laurie Pinel afin qu'elle nous présente les principales conclusions de son étude, publiée en juillet 2020 pour la DREES, sur les conditions de vie des jeunes femmes en zone rurale. Puis j'inviterai Yaëlle Amsellem-Mainguy à nous faire part des résultats de son enquête de sociologie publiée en septembre 2019 sur les jeunes femmes en milieu rural, enquête que vous avez depuis actualisée et qui fait désormais l'objet d'un ouvrage intitulé Les filles du coin - Vivre et grandir en milieu rural sorti aujourd'hui dans toutes les bonnes libraires.