S'il n'existe pas de différence d'un point de vue statistique, nous avons observé lors de nos entretiens que les filles étaient bien plus freinées que les garçons dans l'acquisition d'un deux-roues. On leur oppose que la route leur serait plus dangereuse, que les gens conduiraient tous comme des fous ou alcoolisés et qu'elles ne seraient pas en mesure de faire face à une panne. Lorsqu'elles réussissent à bénéficier d'un deux-roues, il est souvent moins performant que celui de leurs copains.
En effet, les filles sont majoritaires au sein des personnels des EHPAD et dans les métiers d'auxiliaire de vie ou d'aide à la personne. Pour autant, elles occupent des postes extrêmement précaires. Ce travail difficile et peu reconnu dans sa légitimité, mais aussi en termes de rémunération, devrait faire l'objet de réflexions. Cette trajectoire pourrait être valorisée grâce à des postes pérennes avec des contrats permettant d'accéder à des emprunts pour acheter une voiture, une maison ou un appartement. Dans un premier temps, ces jeunes femmes sont positionnées sur des remplacements ne leur permettant pas d'atteindre l'indépendance économique à laquelle elles aspirent.
Je pourrais vous faire parvenir des travaux portant sur les jeunes ruraux et le monde agricole. Certaines jeunes femmes participent à la vie des exploitations, même s'il ne s'agit pas de la grande majorité des jeunes en milieu rural rencontrées du fait des territoires enquêtés.
Dans les outre-mer, l'injonction au départ est encore plus forte qu'en France hexagonale. Elle est encore plus exacerbée dans les discours affirmant qu'un jeune souhaitant s'en sortir se doit de parcourir 9 000, 11 000 ou 25 000 kilomètres alors qu'il vient parfois d'un petit village.
Vous évoquiez les pratiques et compétences culturelles et artistiques. Nous avons rencontré une comédienne à l'occasion du reportage Tantines lé Ô que je mentionnais précédemment. Nous avons suivi son parcours. Elle devait se rendre à Avignon l'année dernière, mais ce déplacement a malheureusement été annulé. Elle s'accroche, mais nous avons bien vu que son chemin était plus difficile que celui de ses homologues masculins pour obtenir une reconnaissance et pour que sa passion soit considérée comme un travail et non comme un passe-temps.
Enfin, sur la question sportive, vos observations sur l'outre-mer se retrouvent clairement en France hexagonale. Il n'y a pas de spécificités ultramarines concernant les espaces dans lesquels les filles ne se sentent pas à l'aise pour faire du sport, et les parcours de santé ou les voies vertes sur lesquels il pourrait se passer des choses. Le sentiment de sécurité ou d'insécurité des filles dans l'espace public ou sportif se pose au fil de l'adolescence, en même temps que les questions de sexualité et de légitimité d'être une femme dans l'espace social.
Merci pour votre éclairage.