Intervention de Stéphane Diémert

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 18 mars 2021 : 1ère réunion
Réunion commune avec la délégation aux outre-mer de l'assemblée nationale sur l'évolution institutionnelle outre-mer

Stéphane Diémert, président assesseur à la Cour administrative d'appel de Paris :

En réponse au sénateur Philippe Folliot, j'ai le souvenir de la loi du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer dite « DSIOM » qui a profondément rénové le statut des TAAF et de Clipperton, et intégré les îles Éparses dans les TAAF. Je me réjouis que ces îles intéressent la représentation nationale, même si elles n'ont pas de population permanente : les problèmes juridiques qui s'y posent sont souvent intrinsèquement liés aux questions de souveraineté. J'ai participé à la rédaction de l'amendement porté par Christian Cointat qui a inscrit Clipperton dans la Constitution et qui a d'ailleurs été adopté contre l'avis du Gouvernement et de la commission des lois, après un discours vibrant de Robert Badinter.

En réponse aux observations de M. David Lorion, député de La Réunion, et de M. Thani Mohamed Soilihi, sénateur de Mayotte, il est évident qu'il n'est pas question d'imposer des évolutions aux collectivités de l'article 73 qui souhaiteraient conserver leur statut actuel. Il serait politiquement suicidaire et antidémocratique de vouloir imposer à ces collectivités une évolution qu'elles ne souhaitent pas.

Pour autant, elles restent soumises à des « contraintes et caractéristiques particulières » comme l'indiquent l'article 73 de la Constitution et l'article 349 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Ces contraintes nécessitent l'adoption de mesures adaptées. L'un des aspects d'une éventuelle révision constitutionnelle devrait porter sur la modification des procédures existantes afin de faciliter l'adoption de ces adaptations, à identité législative maintenue.

Les amendements sénatoriaux examinés en octobre dernier ne contraignent évidemment aucune collectivité à changer de statut - ils prévoyaient même le maintien exprès des articles 73 et 74, le nouveau avec la possibilité d'un « glissement » ultérieur vers les nouveaux articles 72-5 et 72-6. Si les articles 73 et 74 devaient être réunis en un seul statut aux potentialités déclinées pour chaque collectivité, la substance de l'article 73 se retrouverait à La Réunion et à Mayotte, assortie des garanties démocratiques offrant aux électeurs la possibilité de se saisir eux-mêmes, par la voie de l'initiative populaire, d'une éventuelle modification de leur statut. La démarche des sénateurs est donc de permettre des évolutions, pas de les imposer.

Sur les questions d'inégalités et d'inadaptation de la norme nationale et sur d'éventuels recours juridictionnels à envisager, je n'ai pas, eu égard à ma qualité de magistrat, la liberté de parole d'un universitaire pour conseiller les parlementaires dans l'engagement d'actions contre l'État. Cependant, il est évident que la voie de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) n'a pas assez été explorée, et il n'a pas encore été jugé que le droit à l'égalité adaptée de l'article 73 ou le droit à un statut particulier de l'article 74 peuvent être ou non invoqués au titre des droits et libertés garantis par l'article 61-1 de la Constitution. D'autres voies de recours n'ont pas encore été explorées, notamment par rapport à la Convention européenne des droits de l'homme, en invoquant la méconnaissance du principe d'égalité ou d'éventuelles discriminations dans l'exercice des droits que les traités internationaux garantissent. Il y a peu de précédents jurisprudentiels sur ces questions.

De manière générale, il est certain que ces débats statutaires sont nécessaires. D'abord parce qu'ils sont souhaités par une partie des collectivités, mais aussi parce que d'éventuelles réformes doivent avoir pour objet de faciliter concrètement la vie des collectivités qui ne souhaitent pas changer de statut. À statut constant, des progrès peuvent encore être faits pour faciliter l'exercice des droits fondamentaux des citoyens ou l'exercice des activités économiques. À Mayotte, une partie du droit commun n'est pas adaptée et pourrait l'être sans remettre en cause le souhait absolument légitime des Mahorais de garder le statut départemental d'identité législative adaptée.

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