Intervention de Yann Auger

Mission d'information Lutte contre la précarisation et la paupérisation — Réunion du 6 avril 2021 à 14h30
Précarité alimentaire — Audition de Mm. Yves Mérillon et louis cantuel responsables des relations institutionnelles des restos du coeur yann auger directeur général de l'association nationale des épiceries solidaires nicolas champion membre du bureau national du secours populaire français jean-baptiste favatier président de l'ordre de malte - france et claude baland président de la fédération française des banques alimentaires

Yann Auger, directeur général de l'Association nationale des épiceries solidaires (Andes) :

L'Andes fédère un réseau d'environ 420 épiceries solidaires, qui accompagnent environ 200 000 personnes chaque année, sous une forme spécifique qui allie aide alimentaire et accompagnement social. Notre volonté est de distribuer l'aide alimentaire dans des établissements qui ressemblent à des commerces de proximité quelconques, mais qui sont dédiés à des personnes en situation en précarité, lesquelles y font leurs courses pour un coût entre 10 et 30 % de la valeur marchande des produits pendant quelques mois. De fait, ces personnes sont censées ne faire que passer dans les épiceries avant de retrouver une « vie normale », même si, sur le terrain, ce n'est pas toujours aussi simple.

Nous avons d'autres activités : nos chantiers d'insertion livrent en particulier des fruits et légumes aux structures d'aide alimentaire, aux épiceries du réseau Andes, mais aussi à d'autres structures, y compris à certaines qui participent à l'audition d'aujourd'hui.

Pour ce qui concerne l'impact de la crise, la situation a parfois été fort complexe depuis un an, surtout lors du premier confinement. Petit à petit, les choses se sont structurées, mais le mode de fonctionnement dégradé est presque devenu la norme, ce qui n'est pas sans poser de nombreux problèmes et soulever maintes questions.

L'accompagnement social, les ateliers collectifs sont très fragilisés par la situation. En 2019, le réseau Andes avait organisé un peu plus de 12 000 ateliers à destination des bénéficiaires. En 2020, ce chiffre est tombé à 4 000. Ce n'est pas une très bonne nouvelle et cela nous inquiète sur notre capacité à accompagner les personnes autrement que par l'aide alimentaire, ce qui n'est absolument pas la vocation des épiceries solidaires.

Nous avons enregistré des hausses de fréquentation de 30 % en moyenne sur l'année 2020, avec des pics très élevés durant les confinements. L'augmentation a notamment été de 40 % en moyenne pendant le premier confinement. Toutefois, les situations sont extrêmement variables, avec des structures qui n'ont presque pas connu de hausse et d'autres qui font face à des augmentations de 100 %, voire 150 %, ce qui interroge quant à leurs capacités à absorber de telles évolutions.

Nous n'avons pas encore de visibilité sur le premier trimestre 2021, mais les chiffres devraient être connus assez rapidement. Il me semble que toutes les associations réunies aujourd'hui sont désormais amenées à produire des statistiques trimestrielles, sous l'impulsion de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), de l'Insee et de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). Cela nous aidera à appréhender la situation de manière formalisée et standardisée, au-delà des enquêtes que l'on peut faire en interne.

Pour ce qui est des profils, je ne peux que confirmer ce qui a été dit précédemment : on retrouve beaucoup de personnes seules, de personnes ayant subi l'impact économique de la crise, beaucoup d'étudiants - certaines de nos épiceries leur sont dédiées -, des familles monoparentales, qui ont souffert de la fermeture des cantines scolaires au printemps dernier et en souffriront encore lors des prochaines semaines.

Nous avons été aidés, en particulier en 2020, au travers des deux plans d'urgence, qui ont été mis en place de manière assez rapide et significative pour l'aide alimentaire. Nous nous interrogeons fortement sur la pérennité des moyens futurs, au-delà des enveloppes très importantes mais ponctuelles mises à disposition au travers du plan de relance. J'ignore comment nous pourrons faire face de manière relativement durable à une hausse de 30 % de la fréquentation.

Les épiceries représentent 5 à 6 % de l'aide alimentaire. L'une de nos principales sources de financement est le crédit national pour les épiceries sociales (CNES), qui permet de pallier le fait que les épiceries n'ont pas accès au FEAD, puisqu'elles ne pratiquent pas l'aide alimentaire gratuite - en tout cas pas majoritairement. La dotation du CNES n'a pas augmenté entre 2020 et 2021, alors même que les besoins sont en hausse de 30 % au sein des épiceries existantes et alors que s'ouvrent de nouvelles épiceries solidaires à peu près toutes les semaines. Nous nous demandons comment le CNES pourra évoluer dans les années à venir, au-delà des démarches ponctuelles menées au travers du plan de relance.

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