Merci Madame la présidente, mes chers collègues, le groupe de travail sur l'avenir des missions de service public de La Poste a été constitué il y a près de deux mois, dans un esprit transpartisan, collaboratif, prospectif et opérationnel.
Transpartisan et collaboratif, car nous partageons des constats communs relatifs aux services publics exercés par La Poste, aux fragilités de leur financement, au sentiment de dégradation récente de la qualité de service, au manque de régulation et surtout concernant les recommandations à formuler pour préserver dans la durée un modèle exigeant de service public.
Prospectif, car si nous nous sommes d'abord intéressés aux quatre missions de service public existantes et à leur financement, c'est-à-dire le service universel postal, la contribution à l'aménagement du territoire, le transport et la distribution de la presse, et l'accessibilité bancaire, nous avons également mené une réflexion sur les nouvelles missions de service public qui pourraient être confiées à La Poste.
Opérationnel, car nous avons insisté sur les propositions, l'état des lieux étant déjà bien établi. Nous déposerons une proposition de loi commune visant à mettre en oeuvre nos recommandations à valeur législative et nous souhaitons interpeller le Gouvernement sur plusieurs points.
Depuis, nous avons réalisé 21 auditions, nous permettant d'interroger pendant plus de 22 heures plus de 50 intervenants. Fort de ces auditions, nous sommes convaincus que l'avenir des services publics de La Poste repose sur quatre leviers d'action : compenser, contrôler, améliorer, détecter.
Je vais désormais développer le premier levier d'action de notre rapport et de nos recommandations : compenser.
Premièrement, la compensation, c'est-à-dire le financement sur des fonds publics des missions de service public confiées à La Poste, concerne avant tout le service universel postal dont la situation financière est aujourd'hui inédite.
Fin février 2021, le président-directeur général de La Poste annonçait un déficit de 1,3 milliard d'euros pour le service universel postal. Pour rappel, cette mission de service public concerne la distribution du courrier et des colis sur l'ensemble du territoire, six jours sur sept, à des tarifs préférentiels.
Jusqu'en 2017, le compte du service universel postal était excédentaire. Or, depuis 2018, il est déficitaire. Cette situation s'explique par la baisse structurelle du volume du courrier, qui n'est plus contrebalancée par la hausse des tarifs et qui n'est pas encore contrebalancée par la hausse des activités de livraison de colis.
Pour la première fois, La Poste demande une compensation à l'État pour le service universel postal, car le déficit estimé en 2020 est près de quatre fois supérieur à celui constaté en 2018.
Si aucune compensation n'est accordée par l'État à La Poste, une « réduction » du service public s'imposera de fait aux usagers, cela nous a été indiqué lors des auditions des directions de La Poste et de la CDC.
Concrètement, cela signifierait une hausse des mesures d'optimisation des coûts, une accélération des réductions d'effectifs, des fermetures des bureaux de poste et de l'optimisation des facteurs, au détriment de la qualité de service dont les usagers ont déjà le sentiment qu'elle diminue.
Dans ce contexte, où des discussions sont actuellement en cours entre La Poste et l'État, nous avons souhaité apporter notre contribution afin d'inciter l'État à accorder la compensation la plus juste possible.
Nous proposons un mécanisme de compensation mixte, jusqu'à 1 milliard d'euros, à compter de 2021, qui se décompose de la manière suivante : d'une part, un volet fiscal, par un abattement sur la taxe sur les salaires dont s'acquitte La Poste, dans la limite de 270 millions d'euros par an ; d'autre part, un volet budgétaire, avec un complément apporté jusqu'à 730 millions d'euros par an.
Le montant est élevé, mais il ne doit pas nous effrayer car il est justifié, au moins pour les raisons suivantes :
- un mécanisme de compensation sur fonds publics est prévu par la réglementation européenne ;
- la compensation par l'État du déficit du service universel postal ne serait pas une exception française, d'autres pays de l'Union européenne accordent de telles compensations, avec des montants élevés et l'accord de la Commission européenne ;
- la « réduction » du service public postal est inenvisageable ;
- la compensation ne peut s'effectuer qu'à partir de 2021, alors que le déficit supporté pour l'année 2020 est estimé à 1,3 milliard d'euros.
Les trois autres missions de service public confiées à La Poste font l'objet d'une compensation par l'État, mais elles sont sous-compensées, c'est-à-dire qu'il y a un reste à charge pour La Poste.
Deuxième mission de service public, la contribution à l'aménagement du territoire se traduit par l'obligation de maintenir un réseau de 17 000 points de contact, ce qui garantit une densité du réseau postal spécifiquement française et qui constitue le principal atout de l'entreprise. En 2020, cette mission de service public était compensée à hauteur de 177 M€, pour un coût net évalué à 227 M€ par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep).
Déjà sous-compensée, cette mission doit être préservée des effets de la baisse des impôts de production qui contribuent à son financement. Comme le Sénat l'avait déjà remarqué lors de l'examen de la loi de finances pour 2021, cette mesure a un impact direct sur le financement de cette mission de service public, c'est pourquoi une compensation, à hauteur de 66 millions d'euros, doit également être accordée lors de l'examen du PLF 2022.
Troisième mission de service public, le transport et la distribution de la presse s'effectuent dans les conditions du service universel postal et à des tarifs préférentiels afin de favoriser le pluralisme des idées et des expressions. En 2020, cette mission de service public était compensée à hauteur de 96 M€, pour un coût net évalué à 296 M€.
Quatrième et dernière mission de service public confiée à La Poste, la mission d'accessibilité bancaire permet notamment aux personnes précaires d'ouvrir un livret A auprès de La Banque Postale et de l'utiliser comme un quasi-compte courant. En 2020, cette mission était compensée à hauteur de 230 M€, pour un coût net estimé à 260 M€.
En matière d'accessibilité bancaire, nous avons également constaté la nécessité d'améliorer l'accès aux espèces de la population, en particulier dans les zones peu denses, rurales et touristiques, c'est pourquoi nous appelons La Poste à mieux communiquer sur ses services existants et gratuits d'accès aux espèces, et à développer ses services pour ceux qui ne sont pas clients de La Banque Postale.
Les auditions successives ont démontré la forte utilité sociale de la mission d'accessibilité bancaire, avec environ 1,2 million de bénéficiaires, La Banque Postale étant aujourd'hui le seul opérateur capable de respecter cette obligation de service public.
En conclusion, si la sous-compensation des trois autres missions de service public était acceptée jusqu'à présent, c'est parce que le service universel postal était rentable. Or, aujourd'hui, le service universel postal est déficitaire, les trois autres missions demeurent sous-compensées et la charge financière pour La Poste est amenée à augmenter, au risque d'entraver son développement économique.
Par conséquent, nous considérons qu'une compensation par l'État du déficit du service universel postal est inévitable.
Je laisse désormais la parole à mon collègue, Pierre Louault, pour présenter les deux prochains leviers d'action : contrôler et améliorer.