Intervention de Sophie Primas

Commission des affaires économiques — Réunion du 31 mars 2021 à 8h30
Audition de M. Nicolas duFourcq directeur général de bpifrance

Photo de Sophie PrimasSophie Primas, présidente :

Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Monsieur Nicolas Dufourcq, directeur général depuis 2013 - depuis sa fondation ! - de Bpifrance, organisme public de financement des entreprises co-détenu par l'État et par la Caisse des dépôts, dont on a pu mesurer le rôle essentiel au coeur de la crise économique liée à la Covid-19.

Nous vous avions reçu, Monsieur le directeur général, il y a près d'un an, à la fin du premier confinement, encore au plus fort de la crise. Nous nous étions alors réjouis de l'assouplissement des critères d'octroi des prêts garantis par l'État (PGE), que vous étiez - et que vous êtes encore - chargés de garantir. Près de 60 milliards d'euros avaient alors été accordés ; depuis, le « quoi qu'il en coûte » est passé par là : les montants prêtés ont été doublés, le délai pour contracter un PGE a été étendu de fin 2020 à juin 2021 et le délai pour le rembourser a été allongé d'un à cinq ans supplémentaires. Dans le même temps, un plan de relance de 100 milliards d'euros, une ampleur inédite, a été décidé par le Gouvernement - et vous en êtes aussi un opérateur pour ce qui concerne l'investissement dans des secteurs stratégiques ou via les « prêts Rebond » avec les régions. Ces éléments - hélas incontournables ! - de contexte me conduisent à vous poser une première question : quel bilan tirez-vous de cette année passée au chevet des entreprises face au choc causé par la crise sanitaire ? En particulier, dans quelle mesure la mise en oeuvre du plan de relance vous a-t-elle amené à changer vos méthodes, votre façon d'appréhender votre métier ? En somme, comment le groupe Bpifrance, au milieu de la tempête, a-t-il pu maintenir le cap ?

Il me semble que le résultat net du groupe que vous dirigez a été pour la première fois négatif en 2020, ce que vous expliquez, et nous vous croyons volontiers, par des provisions importantes : vous avez délibérément prévu le pire pour ne pas avoir de mauvaises surprises. Ma seconde question concerne donc votre appréciation de la situation actuelle et future des entreprises, notamment des TPE et PME. Vous publiez un baromètre trimestriel sur leur santé financière, dont les résultats sont à chaque fois très suivis. Aujourd'hui sous assistance respiratoire de l'État, ces entreprises devront un jour respirer par elles-mêmes - et l'air ambiant est plutôt morose actuellement, malgré les déclarations optimistes du ministère de l'économie et des finances ce matin... On ne sait pas si c'est la méthode Coué ou si c'est la réalité. Faut-il craindre, selon vous, un pic soudain et massif des faillites à l'issue de cette crise, comme le redoutent certains économistes ? Je vous sais d'un naturel plutôt optimiste, Monsieur le directeur général, mais je crois aussi que le désengagement de l'État et des collectivités, le moment venu, sera particulièrement délicat à gérer pour les entreprises - évidemment dans certains secteurs plus que d'autres...

Les spécificités de l'intervention publique en France aideront peut-être les entreprises à se développer au-delà de cette passe difficile. En effet, le Conseil national de productivité a dans un récent rapport souligné que les mesures d'urgence et de relance étaient en France, légèrement plus que chez nos voisins européens, destinées à l'offre et à la réallocation, par contraste avec des mesures centrées sur la demande et sur la protection. En d'autres termes, les stabilisateurs automatiques ayant bien joué leur rôle en France, on a pu donner au plan de relance une visée davantage structurelle, d'accompagnement à moyen terme de la transformation des entreprises. Aussi, je voudrais vous interroger sur un point que nous avons suivi avec attention ces derniers mois, tant il est apparu avec la crise sanitaire qu'il était crucial pour la compétitivité de nos entreprises : la numérisation des TPE et PME. Il ne nous a pas échappé que vous venez de lancer une seconde campagne d'appel à projets pour financer des actions en ce sens. Pouvez-vous nous détailler les modalités pratiques de ce programme et les résultats que vous en attendez ? Quel est plus généralement l'avancement de la numérisation des entreprises françaises ?

Monsieur le directeur général, vous revendiquez pour Bpifrance le titre de banque des entrepreneurs, et plus spécialement de banque des entrepreneurs innovants. Aussi, je ne saurais conclure sans vous interroger sur ce qui constitue l'un de vos coeurs de métier : le financement de l'innovation de rupture, l'amorçage des jeunes pousses et l'articulation entre le monde de la recherche et le monde des affaires, qui est souvent notre talon d'Achille. Au travers du plan Deeptech, abondé à hauteur de 70 millions d'euros chaque année par le Fonds pour l'innovation et l'industrie, vous vous êtes fixé comme objectif de doubler le nombre de jeunes pousses issues de la recherche d'ici à 2023 et de devenir leader mondial en la matière. Ces objectifs ambitieux vous semblent-il tenables à l'heure où nous parlons ? On sait que la France se caractérise par la faiblesse de son capital-risque et par le manque de profondeur de son marché. Ne pourrait-on pas davantage mobiliser l'épargne des Français pour le financement des entreprises, notamment innovantes ? Cette proposition ancienne est revenue sur le devant de la scène depuis que la crise économique de la Covid a porté l'épargne des ménages à des niveaux inédits.

Voilà, Monsieur le directeur général, une première série de questions. Avant que nos collègues ne vous adressent les leurs, je vous cède la parole que vous nous exposiez votre vision de la période que nous traversons.

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