Merci beaucoup Madame la présidente. Bonjour à tous. Je suis très heureux de pouvoir commenter nos travaux à vos côtés.
Pour le bilan 2020, nous avons fait deux séries de communications, tout d'abord sur le bilan d'activité le 4 février, puis le 22 mars sur notre résultat.
Je reviens sur le bilan de notre activité. Pratiquement toutes nos activités suivent une croissance très importante, sauf une : l'activité de garantie. La garantie sur fonds propres de Bpifrance a en effet basculé sur le PGE, qui est une garantie qui repose directement sur l'État. Nos activités de prêts des banques privées françaises garantis par Bpifrance diminuent de 27 %. En contrepartie, nous avons fait à la fin de l'année 2020 environ 120 milliards d'euros de PGE, dont la commercialisation n'est pas arrêtée, même si elle est relativement faible - on doit être à 120 milliards aujourd'hui.
Par ailleurs, les crédits à l'investissement réalisés par Bpifrance ont connu une hausse de 30 % en 2020, à 10,3 milliards d'euros pour 20 000 entreprises contre 6 000 l'an dernier. Cela indique une croissance considérable de l'activité. Pour l'essentiel, cela s'est fait à effectif constant dans les 50 agences du réseau Bpifrance sur le territoire. Toutes les équipes ont mené un travail très intense cette année, d'autant plus qu'outre les crédits qu'elles avaient à octroyer, elles ont rééchelonné les crédits passés. Bpifrance a été, le dimanche soir du 15 mars 2020, la première banque à annoncer ce rééchelonnement de toutes ses échéances de crédit.
Parmi ces crédits, le prêt sans garantie a explosé. On l'appelait, à la création de Bpifrance et du temps d'Oséo, le prêt participatif. Il a crû de 144 %, avec notamment les prêts à taux.
Pour anticiper sur une question sur le changement des méthodes de Bpifrance, le prêt Rebond a constitué une nouveauté fondamentale. Il s'agit d'un prêt à taux zéro, assis sur des fonds de garantie dotés par les conseils régionaux de 12 régions sur 13 - seule la Nouvelle-Aquitaine ne l'a pas fait. Ce prêt a bénéficié à environ 15 000 entreprises, ce qui est considérable. Pour une partie très importante - 1 milliard d'euros à la fin de l'année - il est 100 % digital, c'est-à-dire en ligne. Au lieu de parler à des banquiers physiques, vous cochez des cases, et, à la fin, des algorithmes décident si le crédit peut être octroyé ou non. Le taux de refus est inévitablement significatif, mais les allocations et octrois de crédits sont nombreux. C'est la nouveauté de 2020 pour Bpifrance. Nous sommes devenus pour les TPE et les petites PME une fintech, et même la plus grande fintech française de crédit direct 100 % digital.
En ce qui concerne les prêts à l'innovation, les prêts à l'amorçage, les aides comme les avances remboursables et les prêts à taux zéro, et l'ensemble du programme 192, avec le début de la mise en oeuvre du plan de relance à partir de septembre, on est en croissance de 140 %. Sur les prêts, assis sur des fonds de garantie dotés par la Commission européenne, la croissance est de 111 %. Nous avons doublé nos prêts à l'amorçage et prêts à l'innovation. Ce doublement s'explique notamment par la très forte demande des start-up qui ne pouvaient plus lever de fonds propres, et par le fait que nous avons mis en oeuvre le PGE « Inno », également appelé prêt de soutien à l'innovation (PSI). Il a très bien marché : cela a été le premier des PGE - annoncé par la première des banques - à se situer non pas sur un mais sur six ans, avec un taux annoncé d'emblée de 1,8 % sans garantie.
2020 est une très grosse année de fonds propres. En fonds de fonds, notre activité contracyclique est assumée. Tous les fonds qui ne pouvaient pas lever, notamment à cause d'un retrait des investisseurs internationaux de France, ont pu clore car Bpifrance s'est portée au devant d'eux, en acceptant exceptionnellement, et sur la base d'une validation de notre gouvernance, d'augmenter notre taux d'emprise de 20 à 30 %. Ensuite, ces fonds ont pu déployer leur capital. Sur 2020, notre activité de fonds de fonds s'établit à plus de 1 milliard : Bpifrance est le plus gros fonds de fonds de capital-risque et capital-développement de PME en Europe. Nous avons par ailleurs déployé d'importants investissements directs en capital-risque. Nous gérons à peu près 3 milliards d'euros, pour compte propre, pour le compte de l'État et pour celui de certaines grandes entreprises technologiques qui nous confient du capital. Ces investissements directs en capital-risque ont crû de 50 % en 2020. Les investissements dans les grosses entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les entreprises cotées françaises ont crû de 90 %, car nous avons commencé à déployer le fonds Lac d'argent, que nous avons levé pour 4,2 milliards d'euros. Nous avons investi dans Arkema et dans EssilorLuxottica pour bien ancrer ces entreprises en France.
Notre activité en 2020 a donc été intense.
Je fais mon commentaire sur notre résultat net. Nous nous mettons en résultat net négatif à 120 millions d'euros. Cela est dû à deux raisons. La première est la norme comptable bancaire IFRS 9, qui permet de calculer une provision pour risque attendu et non avéré. Nous avons voulu profiter du fait que nous ne sommes pas cotés pour nous mettre au maximum de nos possibilités, en tant que banque publique amenée à intervenir de façon forte en 2021. Nous avons ainsi largement augmenté la provision pour risque attendu. Elle passe de 15 millions d'euros en 2019 à 328 millions d'euros en 2020. C'est calculatoire, et cela n'indique pas une explosion du risque avéré dans nos comptes. Celui-ci reste faible chez nous, comme dans la plupart des banques françaises, et reste très concentré sur un nombre limité de « grumeaux ».
La seconde raison pour laquelle nous sommes en résultat négatif tient aux méthodes de comptabilisation des entreprises mises en équivalence dans nos comptes. Trois principales entreprises le sont aujourd'hui : STMicroelectronics, Eutelsat, et PSA - devenu Stellantis à partir du 10 janvier 2021. Les deux dernières ont nécessité le passage de provisions significatives, non parce qu'elles sont en perte - elles ont engendré des résultats corrects pour 2020, voire excellents pour PSA - mais parce que la règle comptable est paradoxale. En effet, quand une entreprise a une comptabilité en mise en équivalence, on lui fixe une valeur dans nos comptes. Quand elle accumule ensuite, année après année, des résultats nets de très grande qualité qui ne se traduisent pas par une augmentation du cours de bourse terme à terme, on est obligés de provisionner. C'est paradoxal, mais c'est la réalité, et c'est ce qui s'est passé avec PSA. Tous les ans, son résultat est impressionnant, mais la bourse n'en tient pas compte terme à terme, donc nous sommes obligés de provisionner et de réduire dans nos comptes la valeur de mise en équivalence de PSA. C'est une des complexités de la lecture des comptes de Bpifrance : nous allons essayer autant que possible de limiter les mises en équivalence. Nous avons réussi à en sortir Orange, nous sortons Stellantis de la mise en équivalence en 2021. Il ne nous restera plus que STMicroelectronics et Eutelsat. Cela représente à chaque fois plusieurs centaines de millions d'euros.
Pour le reste, je vous rassure : Bpifrance a créé de la valeur en 2020. Il s'agit d'une augmentation de la valeur sous-jacente du portefeuille, à laquelle s'ajoutent les dividendes, les revenus des obligations et la valeur du portefeuille de crédit. Bpifrance a créé 130 millions d'euros de valeur en 2020, en dépit de la crise.
Nous avons, par ailleurs, effectivement changé de méthode. À la fin de l'année 2020, 3 200 personnes travaillent à Bpifrance, dont 180 recrutées en 2020. Nous sommes une banque en forte croissance. Les encours de crédit de Bpifrance ont crû de 12 % en 2020, atteignant 42 milliards d'euros. Les actifs sous gestion représentent la même somme. Lorsqu'on ajoute les 14 milliards d'euros d'encours de nos fonds de garantie, on approche de 100 milliards d'euros. Lorsqu'on a créé la banque au 1er janvier 2013, on était à 45 milliards d'euros environ : on a doublé. On continue de recruter par nécessité, tout en maintenant nos ratios de gestion à des niveaux record de frugalité, comparés aux niveaux de la place de Paris. Le coefficient d'exploitation de notre activité de crédit est en-dessous de 50 % et le ratio entre nos charges et les actifs sous gestion est sous 0,5 %. On se tient à ces deux ratios, qui sont fondamentaux et largement commentés.
Notre forte croissance nous pousse à recruter. Nous avons dû en particulier le faire en fin d'année, de manière importante dans nos activités directement liées au plan de relance. La direction de l'expertise de Bpifrance et les ingénieurs de nos 50 directions régionales, qui instruisent notamment les dossiers Territoire d'industrie, ont été confrontés à une augmentation puissante des volumes. En 2019, ces équipes géraient environ 1,5 milliard, mais 3,5 milliards en 2020. Il a fallu instruire un nombre très conséquent de dossiers supplémentaires : on n'est pas passé loin de la surchauffe. Nous avons donc décidé de recruter des effectifs additionnels, y compris des consultants recrutés dans l'urgence en novembre-décembre, car la productivité demandée aux collaborateurs devenait excessive.
On s'est réoutillé pour un nouveau rythme de distribution de subventions, de produits d'intérêt général et de prêts à l'innovation de Bpifrance, à hauteur de 3 milliards par an. C'est deux fois supérieur à ce qu'on avait en 2019.
C'est le principal changement de calibrage de nos ressources humaines, qui s'ajoute au fait que Bpifrance passe de plus en plus au digital. Nos plateformes digitales sont de plus en plus utilisées. Vous avez pu mesurer le time to market, c'est-à-dire leur rapidité de mise en oeuvre sur le PGE, le prêt à taux, le prêt Rebond et le fonds de développement économique et social (FDES) dont nous sommes opérateurs pour le compte de l'État. Nous sommes aussi, dans certaines régions comme la Bretagne, opérateurs des fonds Résilience et Résistance. Ces plateformes servent, à partir de janvier 2021, à la distribution de nos prêts d'honneur pour la création d'entreprises. Nous avons l'intention d'en faire environ 70 000 cette année, ce qui représente un volume très important. Nous serons à nouveau mobilisés, avec ces plateformes digitales, sur le sujet des prêts participatifs et des obligations subordonnées.
Effectivement, nous publions régulièrement notre baromètre. On est très à l'écoute de nos clients, nos empreintes digitales en capital se trouvent dans un grand nombre d'entreprises : nous avons un portefeuille direct de l'ordre de 1 000 entreprises et indirect, au travers du fonds de fonds, de 4 000 de plus. Il nous montre que les entrepreneurs sont incroyablement résilients. Ils se préparent tous à ce que je me suis permis d'appeler sur France Info hier midi la « catapulte » du second semestre. En ce moment on tend le ressort et la catapulte, et à un moment donné cela va partir. Tout le monde se prépare un rebond post-Covid qui sera très puissant. Ce ne sera pas forcément un rebond de consommation, comme vous le disiez, mais un rebond d'investissement. Ce dernier se porte plutôt bien, et c'est la conséquence du policy mix du Gouvernement français, consistant en un plan de relance très axé sur l'offre. Il faut prendre une seconde d'arrêt pour constater que ces 100 milliards contiennent le plan de soutien à l'industrie française le plus important depuis très longtemps, avec la baisse des impôts de production, les plans en faveur des secteurs automobile et aéronautique, et Territoires d'industrie. Les entrepreneurs sont conscients du fait qu'ils vivent un moment exceptionnel, d'autant plus que la demande est très forte. Nous avons été, avec le ministère de l'industrie, récipiendaires d'environ 7 000 dossiers, dont tous ne pourront pas être satisfaits. Agnès Pannier-Runacher arrive à négocier des enveloppes supplémentaires, qui sont bienvenues.
Pour en revenir au moral des entrepreneurs, si vous laissez de côté les cafés-restaurants, l'hôtellerie de centre-ville et une partie de la filière aéronautique (les cadences sur différentes catégories de Boeing et d'Airbus sont en forte baisse), les entrepreneurs sont très résilients. On mesure beaucoup de choses chez eux, y compris la psychologie collective, le capital mental. Les indices que nous mesurons montrent qu'il a fortement baissé entre mars et juin 2020. Cela a été un très grand choc pour eux, ils ont eu très peur. Puis, voyant à quel point ils ont été soutenus par l'État, ils se sont stabilisés à ce niveau, voire ont remonté. Les mesures qui, le cas échéant, seront prises cette semaine ajouteront à la grande histoire de ce qu'ils vivent depuis le 15 mars 2020. Cela n'enlèvera pas leur certitude que les choses seront pour l'essentiel résolues au second semestre 2020.
Ensuite, le tourisme de centre-ville ainsi que l'économie du spectacle et de l'événementiel continuent de brûler du capital. Il faut reconnaître que nous sommes dans un moment très darwinien. Des petites chaînes hôtelières qui s'étaient bien préparées, possèdent leurs murs, ont de l'equity et commencent à être actifs en rachats, vont sortir leur épingle du jeu. En revanche, pour l'hôtelier de centre-ville qui ne possède pas ses murs, ce sera très difficile. Je pense que la casse sera importante. Quant au secteur des cafés-restaurants, il est soumis à un fort turn-over et a toujours été considéré comme secteur à risque, y compris avant la crise sanitaire. Il le sera encore plus. En dépit du fonds de solidarité, les faillites par non-redémarrage des activités devraient fortement augmenter en sortie de crise. C'est aussi l'opinion, par exemple, du patron du groupe Ricard, qui suit cela de très près et dans tous les pays.
Les chiffres des faillites sont les suivants. En année normale, 50 000 faillites se produisent en France. Dans les années de crise ou post-crise, ce chiffre atteint 60 000. En 2020, on en a eu 40 000. Par conséquent, il devrait selon moi y avoir un effet de report sur 2021, avec un chiffre qui atteindra probablement 60 000. Tous les économistes, Coface, ou Euler Hermes prévoient un tel effet. Se stabilisera-t-on à 60 000 comme on y est resté entre 2009 et 2016 ? C'est très difficile à dire. Je n'en suis pas sûr. Nous avons toujours été plutôt optimistes à Bpifrance et les faits nous ont donné raison. En dehors de la géopolitique, qui casse le moral des entrepreneurs européens, je crois à un rebond post-Covid lié à des changements technologiques et sociétaux fondamentaux vecteurs de croissance.
Je termine par la numérisation des TPE et des PME. Le programme France Num se déploie, à travers des appels à projets pour apporter des prestations d'accompagnement en ligne pour les TPE. Nous sommes à la manoeuvre pour piloter ces appels à projets dans les territoires.