Je n'avais pas répondu à votre question sur la deep tech : je vais commencer par là. Nous avons publié les résultats du deuxième anniversaire du lancement du plan Deeptech, débuté en janvier 2019. Il se déroule de manière formidable. Nous avons en effet de grandes ambitions de création de start-up à partir des laboratoires des grands pôles scientifiques français. Il s'accompagne d'une boîte à outils, renforcée par le plan de relance s'agissant des fonds propres. Face à nous, même s'il a démarré, s'ouvre un réel changement culturel dans le monde de la recherche scientifique française autour de la possibilité de créer ces start-up. Le statut de chercheur-entrepreneur est fondamental, le début de simplification que nous appelons de nos voeux, qui est la deuxième étape des sujets de transfert de technologies, est une bonne nouvelle.
Le plan est d'autant plus important que la deep tech consiste à fabriquer des objets complexes. Elle comporte bien entendu du code et de l'intelligence artificielle, mais surtout énormément d'incarnation sous la forme d'objets fabriqués dans des usines. Le plan Deeptech engendre donc une partie du futur de l'industrie française sur notre territoire. L'énorme usine Ynsect construite à Amiens, pour fabriquer de l'alimentation animale à base d'insectes, est directement issue de ce plan. Il y aura de plus en plus de grandes usines de ce type. Nous avons d'ailleurs des fonds spécialisés pour y injecter du capital, notamment le fonds SPI (société de projets industriels). Ce plan Deeptech viendra en relais de l'industrie actuelle, qui a déposé les 7 000 dossiers du plan de relance.
J'ai eu beaucoup de questions sur le tourisme. La question qui se pose maintenant est bien sûr de savoir comment on rebondit à l'issue de la crise sanitaire pour franchir une étape de modernisation de l'offre touristique française, autour de la numérisation, du développement plus rapide d'entreprises qui, elles-mêmes, réinventent leurs concepts. J'étais ainsi récemment avec un entrepreneur qui a développé progressivement un concept de camping nouveau, avec des tentes préinstallées, un peu à la scandinave, et qui décolle actuellement. C'est ce genre de personnes que nous accompagnons depuis des années et au capital desquels nous rentrons pour leur permettre d'exploser.
Nous menons donc une action très importante en matière de numérisation du tourisme et d'innovation dans les concepts. C'est de l'accompagnement - nous avons nos écoles, un accélérateur de tourisme -, du crédit, des aides à l'innovation et des fonds propres. Nous venons par exemple de réinvestir dans le réseau de campings Sandaya, qui est une entreprise particulièrement innovante en la matière.
Je suis très intéressé par la remarque concernant cet organisme espagnol, Segittur. Nous allons regarder cela tout de suite. Chez Bpifrance, on apprécie les benchmarks qui nous permettent d'avancer. Si c'est une bonne pratique, on tentera de la reproduire.
Pour terminer sur le plan tourisme, nous travaillons avec les régions : sur les plans montagne de la Région Rhône-Alpes et montagne Pyrénées de la région Occitanie. Nos directions régionales déclinent nos actions touristiques avec les conseils régionaux pour monter des plans spécifiques aux régions en question. Je pense que cela se passe très bien avec les équipes de Laurent Wauquiez et de Carole Delga.
Je passe aux PGE. Ils représentent, selon les derniers chiffres, 119 milliards d'euros pour 710 000 entreprises. 365 000 entreprises, qui sont de facto de petites PME ou des TPE, ont pris moins de 50 000 euros de PGE, sachant que le PGE moyen est de 170 000 euros. On a également créé le PGE saison, qui permettait aux entreprises touristiques de reprendre un PGE fondé sur les meilleurs mois de la saison 2019. Il ne marche pas très bien : les banques françaises n'en ont placé que pour 1 milliard à 6 300 entreprises, avec un PGE moyen se chiffrant également à 170 000 euros.
Par ailleurs, nous maintenons en effet nos hypothèses de sinistralité entre 4 et 7 %. Depuis que la possibilité est offerte aux banques de permettre à leurs clients de différer non d'un mais de deux ans le premier remboursement du PGE, sur cette partie-là du portefeuille, le risque devient plus important. En effet, le risque augmente avec la longueur du différé. Nous avons fait tourner nos algorithmes, et il apparaît que si une proportion importante de détenteurs de PGE diffère de deux ans plutôt que d'un, le risque de perte finale en sinistralité, pour le plan PGE, de 4 à 7 % passerait à une fourchette de 5 à 8 voire 8,5 %. L'augmentation du risque n'est donc pas considérable. En termes d'efficacité de la dépense publique, les effets multiplicateurs demeurent très importants.
Pour ceux qui ne rembourseront pas, se pose la question de la conversion en capitaux propres. Depuis que cette idée est évoquée, j'ai souvent eu l'occasion de dire qu'on ne met pas de capitaux propres dans de toutes petites entreprises, ou alors c'est de la subvention ou du don : il s'agit dans ce cas de capitaux propres. En revanche, un pourcentage de capital, avec une représentation au conseil d'administration, est tout à fait inadapté à des petites entreprises. Vous pouvez imaginer des obligations convertibles, qui sont du quasi-capital, mais il n'est pas prévu aujourd'hui de convertir le PGE en de telles obligations.
En revanche, un enrichissement de la boîte à outils française, avec les prêts participatifs et les obligations subordonnées, a été annoncé il y a quinze jours. Il a été ardemment négocié avec la Commission européenne depuis de nombreux mois, et désormais avec les assureurs, qui vont financer le fonds.
Je fais une incise sur le sujet. Les prêts participatifs sont des prêts à 8 ans avec 4 ans de différé de remboursement. Ils sont garantis à 90 % par l'État. Leur taux sera autour de 4,5 % pour les PME et 5 à 5,5 pour les ETI. Ces prêts font payer le différé de 4 ans par un taux d'intérêt assez élevé. Ce sont bien des prêts, et pas du capital. Ils sont intéressants pour des entreprises qui ont besoin d'un nombre important d'années de différé pour pouvoir se remettre. Quelle est la profondeur réelle du marché pour de tels prêts ? C'est très difficile à dire. L'essentiel est que la place financière soit équipée de cette possibilité, sachant que l'État garantit aux assureurs qui investiront dans le fonds un rendement de l'ordre de 2 %. Ce fonds est donc attractif.
Les obligations subordonnées sont des obligations à 8 ans, à 5 % pour les PME et 6 % pour les ETI. Elles sont remboursables in fine : pendant 8 ans vous ne remboursez rien. Ce très beau produit sera commercialisé par une quarantaine de fonds d'investissement, habitués à investir auprès des PME en capital, quasi-capital, ou en dette (s'agissant des fonds de dette). Bpifrance est candidat pour commercialiser aussi bien les prêts participatifs que les obligations subordonnées, qui sont de la dette reportée.
Aujourd'hui, indépendamment de la subvention pure, qui est le constat de la perte, il n'existe pas pour les TPE de mécanisme de masse de conversion du PGE en capital. Je pense honnêtement qu'il ne peut pas y en avoir : le capital, tel qu'on le connaît, n'est pas la solution pour les toutes petites entreprises, d'autant plus que la quasi-totalité de leurs chefs d'entreprise ne veulent pas ouvrir leur capital.
Vous avez posé une question sur les PGE des très grands groupes. Ils sont gérés en direct à Bercy par les équipes de la Direction générale du Trésor. C'est à eux qu'il faudrait poser la question. Des conditionnalités ont effectivement été mises en place à chaque étape mais je ne les connais pas. Je sais qu'elles sont contrôlées, mais je ne sais pas comment et par qui.
J'ai eu une autre question sur le PGE : le PGE non remboursé rentre-t-il dans la dette liée au Covid-19 ? Oui. Le PGE non remboursé, mettons 6 % des 120 milliards - dont la partie État représente 90 % - seront financés par le déficit du budget de l'État, lui-même financé par la dette liée au Covid-19.
J'en viens au climat. Nous avons un accélérateur climat, et nous en aurons de plus en plus. Nous allons faire passer beaucoup d'entreprises dans nos écoles. Ces accélérateurs de Bpifrance sont très efficaces, avec un taux de satisfaction des clients de 99 % dont nous sommes très fiers. Leurs programmes s'étalent sur un à deux ans, ils proposent beaucoup de conseil, du consulting, un mentor, un advisory board, c'est-à-dire un comité consultatif de quatre dirigeants de grands groupes qui vient épauler le chef d'entreprise, et des sessions collectives qui permettent aux entrepreneurs de se parler les uns aux autres, de se comparer, et de se donner l'énergie d'être plus audacieux dans leurs plans de transformation. Par rapport à l'effet multiplicateur qu'il engendre sur la performance des entreprises, établi par des études économétriques assez puissantes faites par des chercheurs de l'école française, cet outil d'intervention publique est peu onéreux.
J'ai eu une question sur l'Arctique et le Mozambique qui citait le chiffre de 9,3 milliards d'euros. Il correspond en quasi-totalité aux expositions de l'assurance export sur compte État, autrefois Coface et qui s'appelle maintenant Bpifrance Assurance Exports. Ces décisions ne sont pas prises par Bpifrance mais par la commission des garanties au ministère de l'économie et des finances. Par le passé, celle-ci a effectivement accepté de garantir des grands contrats à l'export portant sur l'installation d'infrastructures de liquéfaction du gaz. 2035 est la date votée par le Parlement. Je pense que c'est la bonne décision : le compte à rebours commence à partir de cette date. S'il n'est plus possible d'assurer de grandes infrastructures de liquéfaction du gaz en 2035, c'est cinq à dix ans plus tôt que les acteurs commencent à s'ajuster. L'effet transformant de cette mesure existe donc. La position de Bpifrance est que le gaz naturel joue un rôle dans la transition énergétique, et en particulier celui qui est issu de l'Arctique. C'est le moins polluant. Pour liquéfier du gaz il faut en effet des températures très basses : il se trouve que c'est le cas là-bas. J'y suis allé moi-même, et c'est très impressionnant. Dans le mix de la transition, le gaz naturel trouve donc sa place, une place transitoire. C'est une raison pour lesquelles Bpifrance a continué de soutenir le retour en France de l'entreprise Technip Énergies, dont le siège est désormais à Levallois-Perret, qui a un management français, et qui dispose maintenant de son autonomie stratégique après avoir été extraite du groupe TechnipFMC, qui était devenu de facto un groupe atlantique.
Je termine sur ce commentaire : nous pensons que les grandes infrastructures d'extraction et de liquéfaction du gaz, notamment en Arctique, vont servir à produire, le moment venu, de l'hydrogène bleu, décarboné. Il constituera un élément fondamental de la transition énergétique.
Les banques ont-elles joué leur rôle ? Oui. Il faut continuer de le dire. Il suffit de se comparer avec les autres pays de l'Europe continentale. Les 17 000 agences des réseaux bancaires privés français ont fait un travail exceptionnel. Pendant un an, elles n'ont fait que du PGE et du report d'échéance. Nous pensions que le taux de refus serait plus important. C'est la raison pour laquelle j'avais beaucoup poussé pour que l'État isole une enveloppe d'un milliard d'euros, dite « du FDES », pour venir au secours des refusés du PGE, avec les fonds Résistance de toutes les régions, etc. L'enveloppe du FDES ne s'arrache pas aussi rapidement que ce que j'aurais imaginé. Le fait que, par ailleurs, entre 60 et 70 % des PGE n'aient pas été décaissés - ce sont des PGE de précaution en banque dans les entreprises - montre à quel point les banques ont joué le jeu à tous les niveaux. Je prends ce non-décaissement comme une très bonne nouvelle pour l'économie française. Cela montre la résilience des entreprises, le fait qu'elles sont entrées dans cette crise en étant assez liquides et plutôt bien préparées, et cela montre enfin que les autres dispositifs, liés au chômage partiel et au plan de relance, leur permettent d'économiser leur PGE. Que vont-elles en faire ? Je pense qu'une grande partie d'entre elles vont décider de le garder. C'est un très bon produit sans garantie, avec un taux relativement faible, et qui donne de la visibilité sur le financement du besoin en fonds de roulement (BFR). Ce financement sera important : nous pensons en effet que le rebond économique sera fort. Avoir une ressource de financement du BFR de cette qualité-là est une bonne chose. On avait prévu que le PGE financerait un fossé de trésorerie massif et transitoire. Il s'avère que pour énormément d'entreprises, le PGE est une bulle de crédit à l'investissement, que nous avons injectée dans l'économie française. Elle va trouver son affectation dans de l'investissement ou dans du financement de BFR engendré lui-même par de l'investissement. C'est donc une très bonne nouvelle.
Existe-t-il un effet d'aubaine sur les investissements liés au plan de relance ? Il est vrai que quand on voit 7 000 dossiers arriver, on se doute qu'ils n'ont pas tous été inventés sur le siège par une nuit de pleine lune au milieu du mois d'octobre. Dans la plupart des cas ces investissements étaient envisagés par les entrepreneurs, mais ils ne passaient pas à l'acte. Le plan de relance est l'étincelle dans le nuage de gaz, qui fait passer les entrepreneurs à l'acte, pour la partie gérée par Bpifrance, c'est-à-dire les subventions. En revanche, pour la partie gérée par l'agence des paiements de l'État, on est sur un guichet automatique, sur une liste de machines que vous pouvez vous acheter et que l'État rembourse à hauteur de 40 % ou un peu moins. C'est là aussi de l'ordre du déclenchement du passage à l'acte. C'est peut-être ainsi que cela doit marcher. Je ne considère pas que ce soit un effet d'aubaine. Les entrepreneurs ont besoin d'être poussés. Pour le futur, c'est par ces soutiens que la nouvelle économie française va être progressivement engendrée pour 2030. J'y inclus le plan Deeptech comme un ingrédient fondamental.
On m'a également posé une question sur le futur des recrutements chez Bpifrance. En 2021 nous recrutons à nouveau 150 personnes. Ensuite, nous nous stabiliserons pendant quelque temps à ce niveau. Le plan de relance, le quatrième plan d'investissement d'avenir (PIA 4), notre activité en matière de crédit sans garanties et d'opérateur de banque de place ainsi que nos activités d'accompagnement induisent un effet de marche d'escalier.
En ce qui concerne la diaspora française, je suis malheureusement obligé de redire que les statuts de Bpifrance nous empêchent de déployer une action d'ampleur de financement des entrepreneurs de la diaspora française. Il faudrait changer ces statuts pour permettre de le faire, mais également qu'on puisse gérer d'autres monnaies que l'euro, dont nous sommes aujourd'hui un opérateur. Il arrive dans des cas très exceptionnels, et quand une proportion importante des emplois de l'entreprise sont situés sur le territoire national, que nous mettions du capital dans une entreprise dirigée par les Français, ayant des salariés français, mais incorporée à l'étranger. C'est arrivé trois ou quatre fois, et nous nous autorisons cela, mais il faut vraiment qu'il y ait un centre de recherche en France.
J'en viens aux fonds souverains régionaux. Nous contribuons effectivement au fonds souverain de la Région Rhône-Alpes. Des projets existent dans pratiquement toutes les régions. Nos outils d'intervention sont notamment nos fonds propres et le plan « 1 200 tickets ». Il consiste à déployer 100 tickets de fonds propres par mois dans les PME et territoires et pour ce faire il faut plus d'argent dans les fonds régionaux, et plus de fonds régionaux. Pour cela, nous avons créé deux outils : un fonds de fonds public - qui est le fonds de fonds du plan de relance - avec 250 millions d'euros. C'est de l'argent de l'État confié en gestion à Bpifrance pour le répartir aux différents fonds régionaux, dont le fonds souverain Rhône-Alpes. Nous avons fait la même chose avec les ressources privées : nous avons constitué un fonds de fonds régional que nous présentons à la souscription aux assureurs français. Il trouve son public : de nombreux assureurs français ont décidé de contribuer, et je pense qu'on arrivera là aussi à 200 millions. Une poche publique d'État et une poche privée avec les assureurs convergent donc vers les fonds régionaux. La France a une grande chance : elle dispose maintenant, dans toutes les régions, d'un équipement en fonds de private equity - c'est-à-dire en équipes de gestion avec des investisseurs chevronnés - qui tient la route et peut déployer du capital.
J'ai eu une question sur Amazon Web Services (AWS). Lorsque nous avons décidé de structurer notre stratégie de cloud, au printemps 2019, nous avons procédé à un appel d'offres où nous avons examiné les propositions d'Amazon, Microsoft et d'OVH. C'était à peu près tout. Microsoft s'imposait puisque quand vous êtes sur 365, vous êtes sur le cloud de Microsoft, comme toutes les entreprises du CAC40 et du SBF120. Il y avait aussi Amazon et OVH, qui ne se comparent pas. Elles sont toutes deux une couche d'infrastructure. Mais au-dessus de ces couches, il y a une couche platform as a service, qui offre tout un stack applicatif, c'est-à-dire une quantité d'applications qui tournent sur le cloud et offrent des gains de productivité très importants dans le développement de nos actions. OVH en développe beaucoup, et de qualité. Amazon en a beaucoup plus. Quand nous avons dû développer en cinq jours et cinq nuits la plateforme permettant de gérer les attestations du PGE, il nous fallait des outils logiciels que seul AWS offrait : il n'y avait aucune alternative, et tout le monde le reconnaît. Il en était de même pour le plateforme des prêts rebond pour le compte des régions. Nous avons fait notre travail de développement avec nos développeurs internes pour mettre en ligne cette plateforme PGE, dans des délais record. Les données sont évidemment cryptées avec une clé de cryptage détenue par Bpifrance. On compte deux couches de sécurité : une couche générale sur AWS - pour laquelle la sécurité offerte est la meilleure parmi celles qu'on peut trouver sur le marché - et une deuxième couche « propriétaire de sécurité », avec une clé détenue par Bpifrance. Nous n'aurions pas fait tout cela si la plateforme n'avait pas été auditée par l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI) à partir du moment où nous avions déterminé notre choix dans l'appel d'offres. Notre stratégie est multicloud. Nous sommes par ailleurs actionnaires d'OVH. Nous faisons nos meilleurs efforts pour que son offre devienne une alternative possible. À ce moment-là, des débordements de nos applicatifs s'accompliront.
J'en viens à l'endettement des entreprises françaises depuis 2019. Parmi les chiffres macroéconomiques, on peut s'intéresser aux lignes de crédit confirmé des très grandes entreprises. Quand j'étais directeur financier de Capgemini, on négociait avec un pool de banques une ligne de crédit confirmé, qu'on ne tirait pas, mais qui représente des centaines de millions d'euros. Le total des lignes non tirées des entreprises françaises représente des montants très importants. Comme avec la crise, elles ont négocié des « RCF » (Revolving Credit Facilities, crédit renouvelable) très importantes, cette partie-là de l'endettement a augmenté, d'où les déclarations du gouverneur. Pour les PME, l'augmentation de l'endettement est due au PGE. Il n'y pas vraiment, de notre point de vue, d'alerte grave sur le surendettement des PME et ETI françaises. Nous le voyons bien dans notre portefeuille de clients bancaires et de clients fonds propres. On parle de 120 milliards d'euros répartis sur 710 000 entreprises.
J'ai eu une question sur la réorientation de l'épargne française vers le financement des entreprises. Si je peux me permettre de partager une conviction avec vous, je pense que l'économie française est très bien financée aujourd'hui. La politique monétaire européenne, avec le TLTRO (targeted long term refinancing operations), incite fortement à faire des prêts aux entreprises. La concurrence bancaire est féroce, les taux sont extrêmement bas pour les belles signatures et très corrects pour des notations de 4 à 5+, les PGE ont été mis en place et les fonds propres sont abondants. Un entrepreneur qui cherche des fonds propres aujourd'hui et dit ne pas en trouver cache sans doute un petit vice dans son projet. On compte également de plus en plus de prêts à taux zéro pour les TPE, il existe un système de garantie financé par l'État qui permet de couvrir de nombreuses situations. Au total, je ne pense pas qu'on ait besoin des 200 milliards de l'épargne des Français pour financer l'économie française. En revanche, les projets nous manquent, et en particulier dans le domaine du climat. Il y en a mais on en aimerait beaucoup plus. Je pense, à titre personnel, que les 200 milliards d'euros stockés par les Français trouveraient un meilleur emploi dans la préparation de la longue vie qui angoisse tellement nos concitoyens. Il existe un très bon instrument pour ça : le plan épargne retraite (PER). On a une chance exceptionnelle et presque historique de gonfler les PER des Français, avec l'épargne dont l'économie française n'a pas absolument besoin pour financer son investissement aujourd'hui.
J'en viens aux outils de Banque du climat. Il s'agit principalement du prêt vert. Il est à 10 ans, avec 3 ans de différé de remboursement, sans garantie, bonifié par l'État. On l'accorde aux entreprises qui se mettent en transition. Je voudrais faire une remarque importante, en tant que nous nous considérons à Bpifrance comme devant être une Banque du climat : nous sommes une banque militante. On est là pour convaincre les entrepreneurs et non pour les punir. Vous, représentation nationale, avez voté pour la neutralité carbone en 2050. Bpifrance se tient donc à cette date. Nous ne sommes pas là pour jouer les bons élèves et le faire en 2030, car cela nous forcerait à punir et à sortir de notre fichier client quantité d'entrepreneurs qui n'ont pas eu le temps de s'y mettre ou qui ne savent pas comment faire. Si je puis me permettre, nous ne sommes pas l'école de l'élite, mais l'école de la République. On va voir tout le monde en porte-à-porte de masse. Cela prendra le temps qu'il faut, d'où nos écoles, nos programmes d'accompagnement, le conseil digital. Dans le cas particulier des prêts verts, nous faisons des diagnostics « Éco-Flux », construits avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Nous en ferons par centaines, car ils permettent à l'entrepreneur de réaliser son plan stratégique de décarbonation. C'est un outil très important.
On compte d'autres outils : certains sont subventionnels, il y a beaucoup de financement de l'innovation dans les clean techs et les green techs, et beaucoup de capital : nous en investissons énormément chez les développeurs de la transition énergétique (photovoltaïque, éolien). Vous allez trouver de l'argent de Bpifrance et de la Banque des territoires dans une très grosse proportion des projets qui sont menés dans vos territoires. Quand nous finançons les entrepreneurs, la Banque des territoires finance en capital les infrastructures. Par ailleurs nous finançons en prêts, à ses côtés, les infrastructures. Cela représente plus de 2 milliards d'euros par an, presque 3 milliards. C'est le coeur du plan climat de Bpifrance, et il nous a amenés à nous engager sur 20 milliards d'euros pour les cinq ans s'étalant de 2019 à 2024.
En ce qui concerne le thermalisme, je considère que c'est un sujet pour la Banque des Territoires. C'est essentiellement elle qui finance ce secteur. Je me sens peu pertinent sur le sujet.
Comment les collectivités départementales et régionales peuvent-elles soutenir les entreprises du tourisme qui vont être en difficulté ? La boîte à outils consiste en une présence physique autour du conseil. Je me félicite que les régions financent les accélérateurs de Bpifrance. La boîte à outils consiste aussi en des fonds propres pour les belles entreprises de tourisme qui ont vu les leurs brûler comme une forêt pendant la crise du Covid-19, mais qui restent viables. Les fonds souverains régionaux servent notamment à cela. Sinon, pour les toutes petites entreprises, l'action des fonds Résistance et Résilience a été très appréciée sur le terrain.
J'en viens à la répartition territoriale des crédits et des actions de Bpifrance. Nous sommes en train de faire treize conférences de presse de publication de nos résultats par région. Ces documents sont en ligne et nous vous les adresserons. Il existe donc un rapport par région des actions de Bpifrance. La répartition territoriale des actions de Bpifrance est grosso modo indexée sur le PIB, avec une surpondération des régions hors Île-de-France, notamment dans le financement de l'innovation. Nos actions comportent donc une petite dimension d'aménagement du territoire.
Une question portait sur la lourdeur des démarches administratives pour les plans en faveur de l'automobile et de l'aéronautique. Ce sont des subventions sur des régimes d'aide très encadrés par la Commission européenne. On n'y peut pas malheureusement pas grand-chose. Tous ces programmes seront contrôlés, le moment venu, par la Cour des comptes européenne. Les entreprises doivent comprendre qu'il y a un minimum à leur demander quand elles reçoivent de pures subventions. On a essayé de raccourcir au maximum les délais, qui sont de trois mois entre le dépôt de la demande et l'octroi.
En ce qui concerne l'assurance-crédit, toutes les entreprises ont peur de ce qui s'est passé en 2008-2009, c'est-à-dire d'un crunch de l'assurance-crédit. Les dispositions prises par Bercy sont importantes : les assureurs-crédit ont bénéficié d'une contre-garantie de l'État à hauteur de 10 milliards d'euros, qui doit assurer la continuité de la garantie. À ce prix-là, je comprendrais mal que ce ne soit pas le cas.
J'en viens aux PME du secteur agricole. Nous finançons l'industrie agroalimentaire, la méthanisation dans les exploitations agricoles, on est parfois au capital de coopératives ou de filiales privées de coopératives agricoles, mais on s'arrête là. Je ne constate pas de sinistralité spécifique à ce secteur.
J'ai eu ensuite une question sur le pessimisme de Patrick Artus face à l'optimisme de Bpifrance. M. Artus a une vision très sombre sur le côté définitif de la désindustrialisation française. Je ne le pense pas, et Bpifrance non plus. J'estime que ce qui a été détruit en quinze ans peut être reconstruit dans les quinze ans pourvu qu'on soit très bon, et qu'on ne fasse pas du zigzag, du stop-and-go. Si on est permanent, si on est déterminé durablement sur quinze ans, on peut y arriver. La baisse des impôts de production est fondamentale : elle représente 20 milliards d'euros de fonds propres. Revenir dessus réduirait les espoirs de réindustrialisation. Il en est de même du plan Deeptech : il est fait pour favoriser la réindustrialisation par le digital et les hautes technologies. C'est la même chose pour la structuration des filières ou l'accompagnement à l'électrification du secteur de l'automobile. Il ne faut pas que la main tremble dans les dix ans qui viennent, c'est certain.
La catapulte suffira-t-elle à nous remettre sur le sentier de croissance perdu au début de l'année 2020 ? Personne ne peut le dire aujourd'hui. C'est la forme de la racine carrée : jusqu'où remonte-t-on avant de revenir à notre plateau ? Il est en tout cas certain que cette remontée sera très forte, ce qui donnera une impression de projection vers l'avant très massive. Mon optimisme est alimenté par mon dialogue avec les directeurs généraux des grands groupes cotés au capital desquels nous sommes. Ils prévoient un rebond mondial post-Covid très puissant. La France serait alors emmenée dans le mouvement.
Madame la présidente, je crois avoir parcouru toutes les questions que j'avais notées.