Je partage votre avis sur le premier point. Les enquêtes sur le logement sont réalisées avec entre trois et quatre ans de retard, les enquêtes sur le niveau de revenu avec deux ans de retard... Les statistiques officielles ne sont jamais à jour. Heureusement, nous avons des capteurs. J'évoquais le travail de grosses associations comme le Secours catholique, la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement, le Secours populaire qui a également son propre baromètre. Il n'est pas nécessaire d'attendre les statistiques officielles pour savoir qu'en 2020, les files devant la distribution alimentaire sont plus longues et les publics plus variés. Il est vrai que l'on est dans l'intuitif, même si c'est un intuitif fondé. On devrait pouvoir arriver à avoir, parallèlement à ces chiffres, des méthodes de sondage qui permettraient d'aller plus vite sur un certain nombre de points. Il est important que les pouvoirs publics puissent réagir.
Je partage votre sentiment sur le deuxième point. Nous pouvons regarder des populations précises, des territoires identifiés, lancer des enquêtes flash dans un canton... Il est très difficile de faire des choix. On est face à des gens en grande fragilité, dont les difficultés ne sont jamais uniques. Ces personnes associent souvent la perte d'emploi avec un surendettement, un problème d'addiction... Ils cumulent les difficultés. La stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté a été ciblée sur les jeunes. Que deviennent les plus âgés ?
Les Britanniques sont dans une logique très différente de la nôtre. Ils sont davantage prêts à entendre des discours « raides » que les Français sur la pauvreté. Je ne suis pas sûr qu'ils aient raison et je ne les prendrais pas comme modèles. Je préfère le modèle finlandais. Il faut voir comment la Grande-Bretagne traite les chômeurs. Ils les soumettent à des procédures très dures que l'on n'impose pas à nos actifs ! Ils ont une culture et des pratiques différentes des nôtres.
Concernant la pauvreté rurale, les associations la découvrent. Elles ne savent pas comment s'y prendre. Ce sont des personnes très dispersées qui ne se considèrent pas comme pauvres et qui ne s'adressent pas aux structures étatiques ou associatives. La fracture numérique est un vrai sujet. Demander la Complémentaire santé solidaire devient très difficile sans assistance ! Les travailleurs sociaux passent une grande partie de leur temps à aider les personnes à accéder à leurs droits. Ils passent leur temps à remplir des formulaires pour les gens qui viennent les voir et qui sont incapables de les remplir. C'est un vrai sujet. Avec le numérique, il faut faire attention aux plus fragiles, certains ne sont pas équipés, d'autres n'ont pas les compétences, même chez les jeunes. Aller sur les réseaux sociaux est différent d'aller remplir un formulaire. La fracture numérique ne concerne pas que le monde rural, mais certainement le monde rural !
La mobilité est un problème majeur pour le monde rural. Quand vous vivez à la campagne, il vous faut un véhicule. Il n'existe plus de desserte de petits commerces sur les routes. À cela s'ajoute la question de la solitude des personnes. Je ne peux pas être plus précis car je connais très peu d'associations qui ont réussi dans ce domaine.