Intervention de Isabelle de Silva

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 7 avril 2021 à 9h10
Audition de Mme Isabelle de Silva présidente de l'autorité de la concurrence

Isabelle de Silva, présidente de l'Autorité de la concurrence :

Cette notion de marché pertinent est en effet un point essentiel, à la fois pour l'examen du contrôle des concentrations, mais aussi pour l'application du droit de la concurrence, notamment concernant les abus de position dominante. Il en découle des obligations particulières, l'opérateur en position dominante ne pouvant faire ce qu'une entreprise qui ne serait pas dans cette position est habilitée à faire par ailleurs.

C'est une notion qui repose sur beaucoup de jurisprudences et de pratiques. Lorsqu'on délimite un marché pertinent, on essaye de voir quel est le marché où se rencontrent les acteurs économiques pour la confrontation de l'offre et de la demande. Un certain nombre de tests économétriques peuvent nous aider dans ces délimitations.

L'une des questions est notamment celle de la substitution : tel produit est-il substituable à tel autre ? Est-ce une alternative ? Lorsque ce n'est pas le cas, il ne sera pas intégré dans le marché pertinent.

La Commission européenne a ouvert il y a quelques mois un chantier un peu plus général sur la notion de délimitation des marchés pertinents en vigueur depuis de très nombreuses années. Elle a considéré qu'il était utile de la mettre à jour pour tenir compte d'un certain nombre d'évolutions, comme la mondialisation et le fait que l'économie numérique se développe très fortement. L'Autorité de la concurrence française est très engagée dans ce travail de remise à plat.

Quant au marché de la publicité, nous avons des échanges avec nos partenaires européens et la Commission, puisque des opérations dans les médias peuvent se déployer en Allemagne et relever de la Commission européenne. Il est très important d'avoir une vision aussi cohérente que possible.

À ce stade, la délimitation du marché de la publicité télévisée en tant que marché pertinent demeure la constante pour les différentes autorités de la concurrence en Europe. On est dans une situation où l'ensemble des acteurs considère que le marché de la publicité pour la télévision gratuite est le marché pertinent.

Dans quelle mesure le développement des plateformes peut-il conduire à remettre en cause cette délimitation ? C'est une question qui devra être posée à l'avenir, notamment si des opérations nous sont soumises et que cet argument est invoqué devant nous.

Il peut y avoir concurrence des plateformes numériques sans que cela affecte la délimitation des marchés. Cela peut être pris en compte en termes d'appréciation de la réglementation applicable. Des évolutions peuvent devoir être menées, et c'est ce qui a conduit à l'évolution des règles applicables à la publicité à la télévision, notamment parce que des modèles technologiques de publicité se développent et qu'il n'était pas justifié que la publicité soit à l'écart de ces évolutions.

Il est arrivé par le passé que nous changions des délimitations de marché sous l'influence d'un certain nombre d'évolutions. L'affaire Fnac-Darty est très souvent citée dans ce domaine. Après une analyse très approfondie, nous avions considéré qu'on pouvait estimer que, pour certains produits, notamment électroniques, les magasins physiques étaient désormais dans un même marché que les sites de vente en ligne.

Une analyse très fine nous avait conduits à comparer les prix pratiqués de part et d'autre, les conditions de service après-vente, la façon dont le consommateur achetait ces produits en magasin ou en ligne. Il a donc pu arriver par le passé qu'on fasse évoluer des délimitations de marché en prenant ce type d'évolution en considération. Cela sera-t-il pertinent pour la publicité à la télévision ? Ce sera à voir dans les prochains mois.

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