Intervention de Isabelle de Silva

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 7 avril 2021 à 9h10
Audition de Mme Isabelle de Silva présidente de l'autorité de la concurrence

Isabelle de Silva, présidente de l'Autorité de la concurrence :

Concernant l'avenir de la plateforme TNT et le fait que certains acteurs pourraient renoncer à leur licence pour s'exonérer des contraintes qui y sont associées, on n'en est qu'au stade des discours. C'est un développement qui doit véritablement interroger l'ensemble des régulateurs.

Première remarque : ce sont les développements technologiques des réseaux et les capacités de débit qui ont permis l'émergence des acteurs hors du fournisseur d'accès à l'internet (OTT) et grâce à cela qu'un acteur comme Netflix a pu se développer sans être titulaire d'aucune licence ni autorisation du CSA.

Ceci doit être pris en compte. Certains ont pu décider d'entrer dans un dialogue constructif avec le régulateur. Le législateur s'est un peu adapté en développant des cadres qui sont venus s'adapter a posteriori aux acteurs qui s'étaient déjà imposés par le succès de leur modèle économique.

On est aujourd'hui dans une situation à front renversé : depuis la loi de 1986, l'enjeu était plutôt d'obtenir une licence pour diffuser en hertzien, puis par des fréquences TNT. Aujourd'hui, certains acteurs se posent la question, considérant que le jeu n'en vaudrait pas la chandelle. Les contraintes sont telles qu'ils pensent s'en tirer à meilleur compte en rendant leur autorisation.

C'est une réflexion à mener pour le législateur et le CSA, régulateur du secteur. Cela illustre bien le constat qui figure dans notre avis, qui souligne la disproportion entre les contraintes réglementaires qui pèsent sur les acteurs soumis à licence - donc ceux de la télévision traditionnelle - et les autres acteurs des plateformes, qui ont pu se développer pratiquement sans aucune entrave, même si ce constat peut être quelque peu relativisé avec la directive SMA.

Quel serait l'effet sur le secteur si tel ou tel acteur renonçait à sa fréquence ? Il y aurait bien sûr des effets immédiats sur les obligations de production.

Il existe également un enjeu commercial : ces acteurs arriveraient-ils à maintenir leur économie en étant privés de la TNT ? Aujourd'hui, un certain nombre de Français ne reçoivent la télévision que par la TNT. Certes, les box des fournisseurs d'accès à internet (FAI) se sont énormément développées, mais une part de la population reste dépendante de la diffusion par la TNT, il ne faut pas l'oublier.

Certaines chaînes pourraient-elles néanmoins fonctionner sans cette part du public dépendant de la TNT ? Peut-être... C'est un choix d'entreprise qui leur revient. Je pense que cela doit interroger sur l'équilibre des obligations qui pèsent sur les acteurs, et c'est certainement une illustration des évolutions que nous avions soulignées.

Qu'est-ce que cela changerait pour une autorité de la concurrence sujette à l'examen d'une opération de concentration ? Dans notre appréciation, nous ne donnons pas une part prépondérante au statut sous lequel émet l'opérateur. Par exemple, nous avons délimité des canaux de la télévision payante et gratuite, et cela nous paraît un critère plus pertinent que celui d'une télévision payante émettant via une fréquence TNT.

Pour nous, ce modèle économique est vraiment déterminant. De prime abord, on pourrait très bien imaginer que nous mènerions notre analyse concurrentielle en comparant le poids des différents acteurs de la télévision payante sans que le fait qu'ils aient ou non une fréquence TNT soit un argument déterminant.

Nous prenons en compte l'accès aux droits de diffusion. Il existe pour le coup de grandes différences selon la licence accordée aux uns et aux autres quant à la possibilité de diffuser des films en lien avec la chronologie des médias.

Nous prenons donc en compte le statut réglementaire d'un acteur dans l'analyse concurrentielle. Pour autant, il peut arriver que nous considérions que des acteurs qui peuvent avoir un statut différent au regard de fréquences TNT sont en concurrence sur un même marché.

Nous ne serions nullement empêchés de mener une analyse concurrentielle. Il pourrait y avoir des changements assez importants dans cette analyse compte tenu de ces choix réglementaires s'ils étaient menés à bien par ceux qui les évoquent actuellement.

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