Intervention de Isabelle de Silva

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 7 avril 2021 à 9h10
Audition de Mme Isabelle de Silva présidente de l'autorité de la concurrence

Isabelle de Silva, présidente de l'Autorité de la concurrence :

C'est une question passionnante. Nous avions commencé à défricher certains des enjeux que soulève la publicité en ligne dans un avis qui date de 2018. Il passait en revue l'ensemble des questions soulevées par le développement de la publicité en ligne, notamment les formats display, par opposition à la technique du référencement payant, dite « Search », liée aux recherches.

La technologie a permis l'émergence assez rapide de modes de publicité très nouveaux, notamment tout ce qu'on regroupe sous l'étiquette programmatique. C'est à la fois un effet de l'innovation technologique et de la liberté réglementaire. Cette publicité en ligne n'est absolument pas réglementée, même s'il existe une réserve importante portant sur l'application du RGPD et des règles antérieures, qui peuvent soulever certaines questions. On le voit avec le débat sur la collecte des cookies et du consentement.

Il ne faut pas oublier l'effet que peut avoir le RGPD sur l'univers de la publicité en ligne, comme nous avons pu le mettre en avant dans notre récente décision à propos des mesures qu'Apple avait souhaité mettre en oeuvre pour renforcer la protection de la vie privée de ses utilisateurs.

Comment vont évoluer l'écosystème de la publicité en ligne d'une part et les publicités sur les médias traditionnels d'autre part ? Certaines évolutions dépendent du législateur. Concernant la publicité à la radio, peut-être faudrait-il renoncer à ces mentions obligatoires qui pénalisent aujourd'hui énormément les radios et les publicitaires. Ce choix relève du législateur français ou européen, selon les cas. C'est une question d'arbitrage entre la promotion de la santé, par exemple dans le domaine des produits alimentaires, et le développement économique d'un secteur.

Pour ce qui est de la télévision, la PQR était très opposée à tout desserrement des contraintes. D'autres acteurs craignaient d'être pénalisés par la plus grande liberté donnée à la télévision. Un premier pas a été fait.

Jusqu'à quel point la publicité diffusée sur les chaînes télévisées pourrait-elle atteindre la finesse et la performance que l'on constate sur les plateformes ? Il y a là un enjeu technique et éventuellement juridique : comment les chaînes qui voudraient recourir à cette publicité ciblée pourront utiliser les données qui remontent par les box des FAI ? Peut-on considérer qu'elles disposent de la même marge d'appréciation que les plateformes Google ou YouTube lorsque l'intéressé y navigue ? C'est là aussi un sujet qui doit être pris en compte par le législateur.

Enfin, la dernière dimension est économique. Y aura-t-il une forte demande des annonceurs pour ce type de publicité ? Seront-ils prêts à payer en conséquence un peu plus que ce qu'ils paieraient pour le même spot, sans la finesse du ciblage ?

On dit souvent qu'avec la publicité ciblée, on peut doubler la rémunération d'une impression publicitaire par rapport à une publicité non ciblée. Cela fait partie des éléments que nous suivons de près s'agissant de la publicité en ligne.

C'est un domaine qu'il faut suivre de très près pour différentes raisons et, en tout cas, pour ce qui nous concerne, au regard du poids considérable qu'il représente désormais dans l'économie française.

Nous pensons aussi que c'est un secteur qui joue le rôle de laboratoire d'analyses des évolutions que l'on pourrait rencontrer demain dans d'autres secteurs. C'est pourquoi nous estimons qu'il mérite une très forte attention de la part de l'Autorité de la concurrence.

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