Pour répondre à René-Paul Savary, en effet, l'identité électronique n'est pas la carte d'identité électronique. La question est de savoir si vous pouvez être identifié par des moyens biométriques indépendamment d'un support physique, avec des conséquences potentielles en termes de liberté individuelle. Cette question n'est pas totalement tranchée.
La carte d'identité électronique telle qu'elle est présentée aujourd'hui n'implique pas un identifiant unique dans l'utilisation des services publics. Il semble qu'il y ait une volonté d'aller dans cette direction, mais je ne suis pas certain qu'elle soit partagée par le ministère de l'Intérieur qui est à la manoeuvre sur ce sujet.
TousAntiCovid ne peut pas être utilisé pour le passeport numérique parce que celui-ci nécessite une identification certaine, or TousAntiCovid a précisément été conçu pour éviter l'identification des utilisateurs.
En ce qui concerne le Health Data Hub, je rappelle que le choix de Microsoft comme prestataire est conforme à la loi. Le Conseil d'État a désavoué la CNIL sur ce point. Il faut appliquer la loi. Le Health Data Hub a pris beaucoup de précautions sur les données confiées à ses algorithmes. Nous devons avoir à l'esprit que les données sont hébergées de façon totalement sécurisée. Certaines données sont hébergées en Europe sur des services américains, notamment Azure. Je constate une instrumentalisation politique du sujet qui a surtout montré l'ignorance des personnes qui se sont engagées contre le Health Data Hub. J'ai défendu cet avis de façon très claire et je continuerai à le défendre.
Concernant le RGPD, le consentement préalable est nécessaire pour le passeport électronique. Vous pouvez ne pas y consentir mais vous ne pourrez plus voyager, par exemple. Par ailleurs, le RGPD repose sur les notions de proportionnalité de l'intérêt légitime. Je ne pense pas que le passeport électronique viole le RGPD.
De nombreux contrôles démocratiques existent, par la loi ou avec la transparence des algorithmes. En Estonie, il existe un contrôle confié partiellement à l'architecture du système d'information lui-même, partiellement à la législation. Grâce au principe de traçabilité des données, le citoyen estonien peut voir qui a utilisé ses données, qui les a consultées, qui a demandé à les regarder. Si un fonctionnaire viole le principe d'isolation des administrations et regarde vos données sans autorisation ni motif légitime, vous en êtes informé. Si vous considérez que cette consultation n'est pas légitime, vous pouvez porter plainte de façon extrêmement simple. Je pense que la notion de design est très importante à cet égard. Je trouve intéressant le fait d'avoir créé à la fois une architecture et une réglementation.
Christine Lavarde m'interroge sur ce que seraient les priorités. La première est l'accès au numérique. Accéder à internet est une liberté fondamentale et doit pouvoir se faire sous différentes formes. La deuxième est la littératie, la capacité d'accéder au numérique en étant formé ou en tout cas en ayant la maîtrise de ces technologies : savoir comment s'exprimer sur un réseau social, comment payer en ligne, comment éviter les pièges... La troisième condition pour qu'un État numérique fonctionne est d'avoir une infrastructure générique de cloud ; or, la France est loin d'être dans cette situation. Cette infrastructure doit être unifiée pour en faciliter l'accès, pour l'ensemble des versants de la fonction publique. L'expérience de l'utilisateur étant toujours la même, simple à répéter, il devient facile de développer des services numériques.
La quatrième condition est l'identité certaine. Pouvoir identifier l'utilisateur, connaître son historique pour simplifier sa navigation, sont des clés du succès. La cinquième condition est la montée en compétences des agents d'exécution, qui reste très insuffisante. J'ai réalisé un baromètre des compétences numériques à l'Assemblée nationale et je n'ai identifié qu'une trentaine de personnes possédant un niveau de compétences compatible avec la compréhension de l'ensemble de ces sujets. Pour avoir beaucoup voyagé en Europe, je constate une corrélation très forte entre la transformation numérique de la société et la compétence de l'ensemble des acteurs ainsi que des agents qui traitent de ces sujets.