Intervention de Jean-François Rapin

Commission des affaires européennes — Réunion du 30 mars 2021 : 1ère réunion
Audition de M. Thierry Breton commissaire européen au marché intérieur

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes :

C'est avec grand plaisir que nos trois commissions vous auditionnent aujourd'hui. Il y a un an, mon prédécesseur Jean Bizet vous accueillait dans un contexte inédit puisque la France vivait son premier confinement pour freiner la pandémie de covid-19. Il était déjà évident que cette pandémie mettait à mal le marché intérieur, révélait nos dépendances industrielles et accélérait la numérisation de nos économies et de nos sociétés.

Vous nous aviez alors annoncé votre plan de bataille pour y répondre, tout en soulignant que les crises de cette ampleur sont des accélérateurs de tendances. Force est de reconnaître que vous avez depuis réalisé un travail important, mais il reste encore du pain sur la planche sur les trois volets de votre plan.

Le fonctionnement du marché intérieur d'abord : c'est toujours un défi important, à l'heure où la nouvelle flambée de la pandémie motive à nouveau des fermetures de frontières. Après avoir facilité la circulation des marchandises, l'Union européenne s'attelle maintenant à favoriser la circulation des personnes via le certificat vert. Ce passeport sanitaire doit permettre à un citoyen qui voudrait passer d'un État membre à un autre de prouver qu'il n'est pas contagieux. C'est un défi technologique majeur de rendre ce certificat interopérable : comment pouvez-vous assurer qu'il sera en service d'ici l'été ? Pour les travailleurs transfrontaliers qui doivent pouvoir circuler chaque jour, une autre solution doit être trouvée : qu'envisagez-vous ? Nous sommes par ailleurs soucieux des distorsions internes au sein du marché intérieur qui découlent de l'aménagement de crise apporté aux règles européennes en matière d'aides d'État : ce sont bien entendu les États les mieux dotés budgétairement qui en ont profité, au risque de creuser encore l'écart. Comment assurer une concurrence loyale entre les États membres dans ce contexte ?

Deuxième enjeu : nos dépendances industrielles. Vous vous employez à optimiser notre approvisionnement en vaccins et les capacités européennes de production : de quels leviers disposez-vous à cet effet ? Votre promesse d'immunité collective au 14 juillet peut-elle être tenue ? Au-delà, se pose la question de notre autonomie stratégique. Ma collègue Sophie Primas en a parlé. Le concept fait toujours débat entre les Vingt-Sept, mais les faits sont là. Nos dépendances stratégiques sont avérées : terres rares, batteries électriques, microprocesseurs... mais aussi ports, lanceurs et autres infrastructures logistiques d'importance stratégique. Nous avons le sentiment d'une prise de conscience nouvelle. À ce titre, le récent papier publié par les Pays-Bas et l'Espagne prouve leur ralliement à cette ambition, même si ces pays restent inquiets du protectionnisme déguisé qu'elle cacherait. Ils vont jusqu'à proposer d'étendre le vote à la majorité qualifiée dans certains domaines stratégiques pour avancer : est-ce indispensable à vos yeux ? Vous comptiez aussi recourir aux Projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC), qui dérogent doublement aux règles européennes de concurrence : cette opportunité sera-t-elle exploitée pour l'ordinateur quantique, les supercalculateurs, ou les constellations spatiales ?

Troisième défi : le numérique. Vous avez mis sur la table un bouquet de textes structurants pour l'économie de la donnée, les marchés organisés autour des plateformes et les services rendus en ligne. Ces textes témoignent d'une détermination nouvelle de la Commission qui vous doit beaucoup : ce virage qui s'amorce dans le champ numérique restera-t-il sectoriel ou peut-on espérer une révision plus générale des règles européennes de concurrence ? Mieux, la stratégie industrielle révisée, que la Commission annonce pour le mois prochain, sera-t-elle articulée avec une révision de la politique de concurrence et avec celle de la politique commerciale ?

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