Je me propose de vous répondre sur l'intérêt agronomique des digestats. La transformation des matières organiques dans les méthaniseurs conduit à la stabilisation d'une matière organique résiduelle et à une transformation de l'azote, sous forme largement minérale, dans le digesteur à la « sortie » de la méthanisation. Cette forme minérale est directement assimilable par les cultures. On peut calculer des coefficients « équivalent-engrais » et faire la correspondance entre un engrais minéral classique et l'azote, contenu dans une matière organique qu'on veut recycler. Pour les digestats, ces coefficients équivalent-engrais vont de 60 à 80 %, à peu près. Ainsi, 100 kg d'azote d'un digestat sont équivalents à 60 à 80 kg d'azote d'un engrais minéral. La valeur fertilisante azotée est donc très élevée. On peut substituer une grande quantité des engrais minéraux par cet azote des digestats.
Le risque à maîtriser dans la fertilisation avec ces digestats est celui de la volatilisation. Cet azote est largement sous forme ammoniacale. La volatilisation de l'ammoniac est un phénomène physico-chimique qui se passe à l'interface entre le sol et l'atmosphère. Si le digestat reste en surface du sol, le risque de volatilisation de l'ammoniac est élevé. Ce risque existe aussi pour les engrais minéraux.
L'agriculteur sait qu'il doit enfouir son digestat, ne pas l'apporter en cas de chaleur et de vent en raison de ces risques de volatilisation. Il peut choisir une période où il ne fait pas trop chaud, où l'on sait qu'il va pleuvoir dans les heures qui suivent, ce qui va permettre la pénétration du digestat à l'intérieur du sol.
La technicité de l'apport des digestats se développe et fait l'objet de recherches, en particulier avec les collègues de l'ex-IRSTEA. Des techniques permettent d'apporter le digestat en enfouissant dans le sol le liquide, ce qui limite les risques de volatilisation. D'autres recherches portent sur le « post-traitement » du digestat - on peut vouloir l'acidifier ou le nitrifier - ou sur la conversion de la forme d'azote vers une forme où la perte serait minimisée.
En ce qui concerne le carbone dans les digestats, ainsi que le bilan carbone évoqué Marc Dufumier se pose la la question du carbone mis dans le méthaniseur : est-ce autant de carbone qui ne retourne pas au sol ? Des travaux ont montré que, quand une biomasse végétale est enfouie directement, une certaine quantité de carbone reste dans le sol. Quand cette biomasse végétale est méthanisée avant de l'apporter au sol, ou qu'un fourrage est donné à des animaux et qu'ensuite le fumier ou les effluents d'élevage sont recyclés, le bilan carbone ou la quantité de carbone qui restent dans le sol sont exactement les mêmes. Le carbone rapidement biodégradable part sous forme de biogaz dans le méthaniseur, ou sous forme de CO2 quand le carbone est enfoui dans le sol. Au total, la quantité de carbone est la même, qu'il y ait méthanisation ou pas.
De nombreux chercheurs travaillent sur la question demeurée en suspens : ce carbone, s'il est déjà transformé et stabilisé par une activité biologique qui a eu lieu dans le méthaniseur, permettra-t-il, une fois apporté dans le sol, de maintenir sa bonne incorporation à la matière organique du sol ? Restera-t-il le « moteur » de la biologie du sol ? Divers travaux se proposent d'approfondir cette question. Ils portent davantage sur l'effet sur la biologie du sol que sur l'effet du carbone dans le sol.