Intervention de Philippe Pointereau

Mission d'information Méthanisation — Réunion du 6 avril 2021 à 16h30
Table ronde avec les professionnels de la recherche agronomique

Philippe Pointereau, directeur du pôle environnement de Solagro :

Tout d'abord, il convient de rappeler que l'enfouissement des digestats est obligatoire : il s'agit d'une obligation réglementaire, limitant la volatilisation. Dans le programme de recherche MéthaLAE, une économie d'environ 20 % d'azote chimique a été constatée dans les 40 exploitations agricoles suivies. La gestion des matières organiques via la méthanisation contribue à mieux gérer l'azote organique et a pour effet de diminuer l'azote chimique et les surplus. La question des surplus d'azote, très présents en Bretagne et ailleurs, se pose depuis 1991. Elle n'a rien à voir avec la présence, ou l'absence de biogaz. On constate toujours une sur-fertilisation et une mauvaise gestion de l'azote, et notamment des couverts qui, certainement, ne sont pas pris en compte car ils sont en quasi-totalité obligatoires. Pourtant, le sixième programme de mise en oeuvre de la directive « nitrates » vient de prendre fin et un septième va débuter. On peut d'ailleurs même se demander si on ne va pas arriver, de la sorte, au quarantième programme dans les années 2050 !

D'une façon générale, régler le problème de l'azote apparaît impossible, faute de faire un bilan consolidé. La directive « nitrates » n'a jamais réussi à l'imposer aux agriculteurs, pour permettre d'apprécier si l'azote retenu par les couverts a vraiment été pris en compte dans les bilans azotés - ce qui a priori n'est pas le cas. Je pense que les sénateurs ont dû avoir des échanges avec quelques agriculteurs méthaniseurs. La question du sol doit leur être directement posée. On en connaît quelques-uns, et ils ne voient pas de dégradation de la matière organique dans leur sol, voire même une amélioration.

La plupart des projets de méthanisation sont gérés directement par les agriculteurs. C'est une bonne chose, car il s'agit pour eux de « prendre la main » sur une ressource qui fait partie de leur exploitation. Il ne s'agit pas forcément de la laisser gérer par d'autres. Le monde agricole et les agriculteurs sont là pour devenir non seulement des producteurs d'alimentation mais également d'énergie, car nous en aurons besoin pour sortir des énergies fossiles.

Je voudrais apporter un complément sur la question des CIVE. La généralisation des couverts apparaît pour nous une solution agroécologique très pertinente qu'il faut généraliser. La question consiste à savoir ce qu'on fait des CIVE. On peut les enfouir. Si on a des animaux, des ruminants, on peut les faire pâturer, voire les récolter s'il y a assez de biomasse. Dans certaines régions, où il n'y a pas d'élevage, l'intérêt de la méthanisation est de valoriser ce qu'on produit : cela n'engendre pas de coût énergétique. Justement, cela permet de valoriser économiquement quelque chose qui avait un intérêt agroécologique.

Bien entendu, le bilan est positif. Les travaux menés, notamment par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) montrent qu'avec le biométhane, les émissions de CO2 sont au minimum cinq fois inférieures à celles du gaz fossile, et huit fois moindres que le pétrole. Ce sont des données chiffrées connues. Le biogaz permet de réduire les émissions de CO2 par rapport aux énergies fossiles. C'est bien l'intérêt majeur que l'on reconnaît aujourd'hui.

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