Intervention de Jean-Pierre Jouany

Mission d'information Méthanisation — Réunion du 6 avril 2021 à 16h30
Table ronde avec les professionnels de la recherche agronomique

Jean-Pierre Jouany, ancien directeur de recherche à l'INRA :

Je suis tout à fait d'accord avec ce que vient de dire Nicolas Bernet. Pour valoriser des déchets, on est obligé d'y adjoindre des cultures dédiées riches en énergie et en carbone. Donc la méthanisation n'est pas une méthode qui permet d'éliminer les déchets. Cela ne peut se faire que si on la complète, comme la ration d'un animal, en apportant de l'énergie par ailleurs avec des cultures riches.

Je voulais soulever un deuxième point et répondre à la remarque de M. Pointereau sur les problèmes de CO2. Effectivement, l'Ademe a fait valoir que le biométhane entraîne moins de production de CO2 que le gaz naturel. Or nous avons regardé ce point de manière très précise et nous arrivons à un résultat inverse. Rappelons que l'on va chercher le gaz naturel tel qu'il existe. 100 millions d'années ont été nécessaires pour le fabriquer. On fait un trou, on remonte le gaz, il part dans les canalisations et il est distribué jusqu'à votre domicile. Dans la méthanisation, il faut fabriquer le gaz. Tout ce qui se trouve en amont du méthaniseur consomme de l'énergie, émet du CO2, cette énergie étant souvent d'origine fossile. Ensuite, ce méthane n'est pas pur : il faut le purifier. Pour les gens qui connaissent bien le processus de méthanisation, jusqu'au moment où on utilise le produit final comme source d'énergie, une multitude d'étapes consomment de l'énergie.

Pour notre part, nous avons simplement comparé le biogaz au gaz naturel, sans nous préoccuper de ce qui se passe en amont et en aval. Si on observe la combustion de ces deux gaz, l'émission est de 300 kg par mégawatt-heure (MWh) pour le biogaz contre 223 ou 224 pour le gaz naturel. Si on rajoute toutes les étapes en amont et en aval du méthaniseur, on arrive à des résultats significatifs qui désavantagent fortement le biométhane. Il semble évident que ce dernier, que l'on doit fabriquer, purifier et pour lequel il faut éliminer le sulfure d'hydrogène (H2S) par des méthodes d'ultra-filtration, consomme énormément d'énergie.

En outre, je ne vois pas l'avantage que l'agriculteur peut tirer de cette affaire. Si le digestat est un bon engrais, je comprends certes qu'il n'a plus à dépenser de l'argent pour acquérir des engrais de synthèse. Mais il faut procéder à un bilan énergétique du méthaniseur. Au total, je ne vois pas comment des agriculteurs peuvent faire fonctionner des méthaniseurs de plus de 500 kW avec tout le système qu'il y a autour.

Et nous n'avons pas parlé des risques : on stocke dans des méthaniseurs plus de 1000 m3 de méthane. Cela peut conduire à des accidents. En août 2020, dans le Finistère, 300 m3 de lisier est « sorti » des silos et s'est épandu. La semaine dernière, un gros accident est survenu dans l'Orne, a conduit à ce que 3000 m3 de contenu liquide d'un méthaniseur soit répandu dans la nature.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion