Intervention de Pierre Aurousseau

Mission d'information Méthanisation — Réunion du 6 avril 2021 à 16h30
Table ronde avec les professionnels de la recherche agronomique

Pierre Aurousseau, professeur de sciences de l'environnement à Agrocampus Ouest :

Je suis professeur honoraire de sciences de l'environnement et j'ai été président du conseil scientifique de l'environnement de Bretagne pendant douze ans. J'ai principalement été confronté au problème de qualité des eaux et de ses conséquences sur les eaux douces et les eaux marines côtières.

Je ne suis pas « tombé dans la méthanisation étant petit ». Je m'y suis intéressé car, dans le cadre du plan de lutte contre les « marées vertes » en Bretagne, l'idée de l'utiliser avait été avancée. Je me suis alors penché d'un peu plus près sur la technique de méthanisation, pour voir si elle pourrait concrètement représenter une solution pour la réduction de la pollution des eaux en Bretagne par les nitrates. Et je suis arrivé in fine à une conclusion négative.

Dans le questionnaire que vous nous m'avez adressé, vous posez explicitement la question du traitement des algues vertes : peuvent-elles être traitées par méthanisation ? C'est très difficile. Au-delà de petites quantités d'algues vertes qu'on peut mettre dans un méthaniseur, on ne peut retenir cette solution pour plusieurs raisons. Premièrement, les algues vertes sont souvent ramassées avec de grandes quantités de sable. Deuxièmement, elles sont chargées de chlorure de sodium, de sel : pour bien faire, elles devraient être rincées avant d'être introduites dans le méthaniseur. Troisièmement, les algues vertes sont riches en azote, mais surtout riches en soufre. En plus du sel qui s'y trouve en grande quantité, les océans constituent la zone de concentration la plus élevée en soufre sur la Terre, à cause du sulfate qui s'est concentré dans la mer au fil des temps géologiques. En conséquence, les algues vertes en sont particulièrement chargées, et quand elles se décomposent en anaérobies - ce qui se produit dans un méthaniseur mais aussi quand elles se trouvent rassemblées en tas épais sur les plages - ce soufre se transforme en sulfure d'hydrogène. Celui-ci est toxique pour tous les êtres vivants : pour les humains, les mammifères, mais aussi pour les bactéries méthanisantes.

Ainsi, quand une grande quantité de sulfure d'hydrogène est produite dans un méthaniseur, un effet dépressif très important advient, d'un facteur 20 à 25 selon la concentration en sulfure d'hydrogène. L'ammoniac entraîne également un effet dépressif, dû à la réduction de l'azote dans les méthaniseurs. En définitive, l'effet combiné de l'ammoniac et du sulfure d'hydrogène peut conduire à un effet dépressif massif : des expérimentations ont montré qu'il pouvait atteindre un facteur 50.

Pour toutes ces raisons, la méthanisation des algues vertes ne représente pas une solution. On peut seulement en mettre en petite quantité, mettons 5 %. D'ailleurs, c'est une technique qui ne se développe pas.

Je suis membre du collectif scientifique national méthanisation raisonnée (CSNM) depuis plus de deux ans. Je suis l'un des deux principaux auteurs des fiches du CSNM. Je crois que onze de ces fiches sont accessibles sur Internet. Certaines autres ne sont pas encore mises en forme, mais je les ai transmises au rapporteur Daniel Salmon sous format papier et numérique. Celles qui ne sont pas mises en ligne sur Internet abordent des sujets complémentaires, en particulier celui de la concurrence pour les terres et pour les fourrages entre l'agriculture alimentaire et la méthanisation.

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